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Thyssenkrupp Presta France prêt à rebondir avec Tesla et son usine de Berlin
Moselle # Mécanique # Investissement

Thyssenkrupp Presta France prêt à rebondir avec Tesla et son usine de Berlin

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Touché mais loin d’être coulé. Malgré une perte significative de chiffre d’affaires en raison de la crise, Thyssenkrupp Presta France à Florange installe de nouvelles lignes de production et prévoit des dizaines de recrutements. Surtout, l’équipementier automobile est en passe de fournir un nouveau client de taille : Tesla et sa gigafactory berlinoise.

Fabriquant des crémaillères de voitures et des colonnes de direction, Thyssenkrupp Presta France pourrait fournir l'usine Tesla de Berlin dès l'été prochain.
— Photo : Thyssenkrupp

Huit cents kilomètres séparent Florange et Berlin. Huit cents kilomètres que l’équipementier mosellan Thyssenkrupp Presta France pourrait bientôt parcourir pour son futur client : Tesla. En effet, le constructeur américain est en train de construire une usine géante à Grünheide, non loin de la capitale allemande, et ses premiers véhicules électriques devraient voir le jour avant l’été 2021 (lire encadré). Mais avant, Tesla doit trouver ses fournisseurs. Sur ce point, Thyssenkrupp n’a jamais caché son intérêt. Après plus d’un an de discussions, c'est fait : un accord sur les colonnes de direction vient d’être conclu entre le géant américain et le conglomérat allemand.

Le défi Tesla à Berlin

Reste à savoir si le fabricant de crémaillères et de colonnes de direction Thyssenkrupp Presta France, filiale française basée à Florange (Moselle), fera bien partie de l’aventure. « C’est pratiquement fait, confie Sébastien Kuhn, PDG du sous-traitant automobile depuis février 2019. Ce serait l’occasion de compléter notre déploiement à l’international puisque nous voulons nous localiser par continent. Notre usine sœur au Mexique fournit Tesla aux États-Unis. En Asie, c’est la même chose via notre site chinois. Et nous, en Moselle, nous souhaitons nous concentrer sur l’Europe, avec Berlin en ligne de mire ».

« Tesla veut toujours aller très vite. Ce n’est pas le plus gros constructeur du monde, mais rien que de suivre sa cadence, c’est un vrai challenge. »

Sébastien Kuhn, 47 ans, est PDG de Thyssenkrupp Presta France à Florange et Fameck (Moselle) depuis février 2019 — Photo : Thyssenkrupp

Pour l’équipementier lorrain, l’opportunité est immense. Le défi l’est tout autant. « Nous allons découvrir un nouveau client et c’est toujours très stimulant, sourit le PDG de 47 ans. Mais là, c’est encore différent. Par expérience avec les États-Unis et la Chine, nous savons que Tesla veut toujours aller très vite. Ce n’est pas le plus gros constructeur du monde, mais rien que de suivre sa cadence, c’est un vrai challenge. Tesla veut révolutionner le monde de l’automobile et cela va nous amener un peu de piment. »

Une nouvelle ligne de production devrait donc voir le jour à Florange juste avant l’été pour une mise en service à l’automne 2021. Parmi les clients annoncés : Tesla donc, mais aussi Audi et Jaguar Land Rover. La perspective a de quoi enthousiasmer les équipes mosellanes, surtout après cette année 2020 hors du commun. Au mois de septembre, à la clôture de son exercice comptable, Thyssenkrupp Presta France affichait 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit 30 % de moins que l’an dernier.

Réactivité et communication

Lors du premier confinement, les sites mosellans de Florange et Fameck ont été mis à l’arrêt en l’espace d’une semaine, avant de relancer quelques exportations vers la Chine et les États-Unis. L’activité est ensuite montée en puissance jusqu’à l’été. Depuis la rentrée de septembre, la reprise est nette. « Le deuxième confinement n’a, pour l’instant, aucune conséquence sur notre volume d’activité, affirme Sébastien Kuhn. Les voyants sont au vert et nous produisons à haut niveau. D’ailleurs, pour certains de nos clients, les commandes sont supérieures à la normale ». Mais peut-on réellement parler de rebond ? Autrement dit, l’équipementier va-t-il rattraper en 2021 ce qu’il n’a pas produit au printemps 2020 ? « Sur le moyen terme, nous ne pouvons rien prédire, répond prudemment le PDG. Les variations de carnets de commandes restent très importantes ».

« Cet évènement conjoncturel n’a pas été simple à gérer mais il n’a pas remis en cause nos investissements et notre vision à long terme »

Fabricant de crémaillères et de colonnes de direction, Thyssenkrupp Presta France produit sept millions de pièces par an — Photo : Thyssenkrupp

Dans un secteur automobile où la visibilité est primordiale, cette période d’instabilité aurait de quoi donner des sueurs froides. Mais l’équipementier, qui a décidé de ne pas contracter de prêt garanti par l’État, semble désormais rodé à l’exercice de l’incertitude. « Cette année surprenante nous a appris à être réactifs, explique le dirigeant mosellan. Nous avions l’habitude de contrats relativement stables et l’épidémie a tout bouleversé. Nous devions réagir à la journée. Nous avons arrêté ou redémarré des lignes du jour au lendemain. Cet évènement conjoncturel n’a pas été simple à gérer mais il n’a pas remis en cause nos investissements et notre vision à long terme ».

De plus, pour accompagner les décisions prises dans l’urgence, il a fallu repenser toute la chaîne de communication interne. « Nous avons réussi à surmonter cette année 2020 notamment grâce à l’adhésion de nos équipes qui se sont toujours bien adaptées, tient à souligner la directrice des ressources humaines Flavie Herbrecht. Nous avons été beaucoup plus directs dans notre communication avec les salariés ».

Au plus fort de l’épidémie, la quasi-totalité des effectifs s’est retrouvée en activité partielle. Le télétravail a été développé « en catastrophe » dès le mois de mars et adapté suivant l’évolution de la situation sanitaire. « Nous avions déjà un accord sur le télétravail avant l’épidémie, rappelle la DRH. Ce n’est pas nouveau pour nous. Mais avant le confinement, nous n’avions qu’une petite part de nos collaborateurs qui avait opté pour cette solution. Aujourd’hui, ils sont deux fois plus nombreux à y trouver un intérêt, même en dehors du confinement. » Selon Flavie Herbrecht, sur les 1 000 salariés répartis sur les deux sites de Florange et celui de Fameck, près d’un quart sont désormais éligibles au télétravail.

Une cinquantaine de recrutements

Des effectifs appelés à se renforcer dans les semaines qui viennent. Malgré la baisse de chiffre d’affaires et le manque de visibilité, Thyssenkrupp Presta France prévoit 16 recrutements dès le début 2021 et une trentaine supplémentaire avant 2022. Des conducteurs d’installations sont notamment recherchés pour remplacer plusieurs mobilités et départs à la retraite. « Les formations vont commencer à la fin du mois de janvier, confirme la direction des ressources humaines. Ce sont des postes bien particuliers qui peuvent amener vers de nouveaux métiers plus techniques ou managériaux. Une forme de tremplin, en somme ».

« Nous pourrions même imaginer la voiture du futur comme un avion. Sans aucune liaison mécanique au niveau de la direction : 100 % électronique »

Fournisseur de Volkswagen, BMW, Renault, Ford, Fiat Chrysler ou encore Daimler, Thyssenkrupp Presta France exporte 95% de ses produits — Photo : Thyssenkrupp

Pourquoi ces embauches ? Parce que deux lignes à plusieurs millions d’euros viennent d’être installées : la première au second trimestre 2020 et la seconde en novembre. Dédiées aux commandes de Renault Nissan et de BMW, ces deux chaînes de production seront mises en service dès le printemps prochain. La filiale mosellane du conglomérat allemand Thyssenkrupp prévoit aussi de modifier plusieurs lignes existantes pour y intégrer de nouvelles gammes de produits. « Notre maison mère est très active en ce qui concerne les nouvelles technologies, explique Sébastien Kuhn. Notamment sur la question de la voiture autonome. Nous rentrons dans un monde de plus en plus mécatronique, un monde qui associe mécanique et électronique. Nous pourrions même imaginer la voiture du futur comme un avion. Sans aucune liaison mécanique au niveau de la direction : 100 % électronique ».

Le chef d’entreprise lorrain assure que des discussions sont en cours avec plusieurs clients pour de nouveaux concepts de production. Certains de ces projets pourraient se concrétiser d’ici deux ou trois ans. « Et quand nous enlevons des liaisons mécaniques, nous allégeons les véhicules, ajoute le PDG. Cela permet de réduire la consommation et donc l’impact environnemental. La crémaillère et la colonne de direction restent des petits éléments du véhicule, mais c’est avec de petits gains que nous arrivons à gagner des kilos ». Pour s’adapter aux nouveaux produits et développer de nouveaux procédés, la direction a mis en place un vaste programme de formation auprès de ses agents. Déployé depuis un an, il doit s’intensifier dans les mois qui viennent.

Moselle # Mécanique # Investissement # Ressources humaines # Production