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Comment le dirigeant de l'entreprise de BTP CEP a repris son activité
Moselle # BTP # Reprise

Comment le dirigeant de l'entreprise de BTP CEP a repris son activité

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Plan d'action validé par son médecin, désinfection des locaux, mise à disposition de kits pour ses salariés... Stéphane Wambst, le dirigeant de l'entreprise de BTP CEP arrêtée mi mars, et qui a rouvert le 27 avril, a ouvert les portes de son entreprise pour livrer les secrets d'un retour à l’activité réussi. Reportage.

Stéphane Wambst a repris l'activité voilà trois semaines. Prévoyant, il a attendu que son entreprise soit parfaitement capable de générer de l'activité tout en protégeant ses salariés, ses clients et les entreprises en coactivité sur les chantiers — Photo : © Jonathan Nenich

L’air matinal mosellan, frais et vivifiant, ferait presque oublier qu’il est potentiellement vicié. La piqûre de rappel intervient une fois les portes de l’entreprise de BTP thionvilloise CEP franchies. « Navré pour le bruit et le dérangement. Nous sommes en train de tout désinfecter », introduit Stéphane Wambst, dirigeant de l’entreprise. C’est la PME Global Propreté (14 employés) qui s'en charge. « Nous mettons une journée pour nettoyer deux bureaux », indique Marie Presti, la dirigeante de la société. Cette arrivée en plein ménage de printemps permet au dirigeant de prendre une pause dans ses réponses aux appels d’offres qui l’occupent depuis 7 heures du matin pour revenir sur sa procédure de reprise de l’activité. Ayant acté sa reprise le 27 avril dernier, la PME a anticipé la reprise de l'activité du 11 mai qui lui permet d’être déjà opérationnelle.

La société Global Propreté intervient plusieurs heures pour désinfecter un bureau de quelques mètres carrés. Un travail rigoureux nécessaire — Photo : © Jonathan Nenich

Début de matinée : le point sur l’hygiène

8 h 30 : Stéphane Wambst a son kit à la main. Dans le sac qu’il donne à ses 53 employés : un gel hydroalcoolique, 50 masques, des lunettes, une visière en plexiglas, un savon. « Le gel hydroalcoolique n’est efficace que si les mains sont propres. C’est rarement le cas dans le BTP alors il faut les deux », explique le dirigeant. Commence alors le tour des locaux de l’entreprise qui réalise 10,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Bien vides puisque le télétravail est privilégié. Là, les vestiaires « sont fermés et inaccessibles. Les compagnons ont pour consigne de venir déjà en bleu de travail ». Et au niveau de cette grande fenêtre, le « drive ». Depuis la reprise des chantiers, les chefs d’équipe doivent réserver leur matériel 24 heures à l'avance. Le jour J, ils récupèrent ce dont ils ont besoin, de la même manière qu’un « drive » classique. Enfin, voilà le réfectoire. Qui est aussi le parking extérieur. Mais rien d’étonnant. « Nous mangeons dehors quel que soit le temps ».

Le travail en visioconférence

9 h 30 : la visioconférence avec Jérôme Fougeron, directeur de l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) du Grand Est, Pierre Schaeffer, président de la fédération du bâtiment de Moselle et Samuel Lorin, directeur général de l’institution, peut débuter.

Au menu : un retour sur le guide des préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités qui sert de référence aux entreprises du BTP. « Ce guide, validé par quatre ministères dont celui de la Santé (qui sert de référence mais peut être adapté à chaque société, NDLR) m’a permis de mettre en place mes procédures. J’ai fait valider le tout par mon médecin traitant et, le premier jour de la reprise, j’ai organisé une formation pour chacun de mes employés », introduit Stéphane Wambst. Pierre Schaeffer, lui, tient à souligner que « l’application du guide de l’OPPBTP permet aussi de dégager le dirigeant de toute responsabilité juridique en cas de problème de contamination. » Le guide en question se résume en trois règles d’or : distanciation sociale, même si ce n’est pas toujours évident dans le BTP, port de masques, lavage soigné des mains. « Dans le cadre d’un partenariat avec l’Union des entreprises 57, nous avons commandé 200 000 masques. La fédération montre là sa nécessité. Nous mutualisons les besoins des entreprises du BTP du territoire », affirme Pierre Schaeffer. L’OPPBTP et la fédération du bâtiment ont utilisé tous les moyens pour communiquer sur comment organiser une reprise en toute sécurité : en alimentant un site internet au quotidien, une chaîne YouTube, et en proposant des modules sur l’intérêt d’avoir un référent Covid sur le chantier. Malgré tout, toutes les entreprises ne sont pas toujours aussi prévoyantes que CEP. Ainsi, Stéphane Wambst, dans sa procédure, a trouvé le moyen de se prémunir contre les entreprises plus négligentes qui partageraient un chantier avec CEP.

Les réunions en visioconférence sont légion chez CEP — Photo : © Jonathan Nenich

Le sujet de la coactivité et de la relation client est un point sensible. « Je fais signer ma procédure de reprise du travail à mon client. Il doit, par exemple, me permettre d’avoir un sanitaire juste pour mes hommes. Pas de partage avec les autres entreprises sur le chantier », prévient Stéphane Wambst. De la même façon, le spécialiste des activités de coffrage et ferraillage s’octroie le droit de cesser le chantier immédiatement si les autres entreprises sur le chantier ne respectent pas les gestes élémentaires : à savoir le port du masque.

La réunion s’achève avec Jérôme Fougeron. Lui aimerait que les protocoles sanitaires soient conservés après la crise, et même « se servir du coronavirus pour que les compagnons conservent les bonnes pratiques. » Bonnes pratiques qu’il est désormais temps d’aller constater.

Les conditions de travail des compagnons

10 h 30 : Sur le chemin qui mène au chantier d’un garage à Metzervisse (Moselle), sur lequel CEP se charge de la VRD (voiries et réseaux divers) et du gros œuvre, Stéphane Wambst en profite pour expliquer ses démarches : « nous avons monté des tonnelles ouvertes pour le déjeuner des compagnons. Les bungalows, parce que clos, sont interdits d’accès. Être en sécurité est une chose. Mais je veux que mes employés se sentent sereins sur le lieu de travail car s’ils n’ont pas ce sentiment ils ne penseront pas à la sauvegarde de leur entreprise, et c’est compréhensible. » Tous les jours, un référent Covid de CEP fait le tour des chantiers pour remplir la fiche qui atteste, ou non, des bonnes pratiques sur le terrain. « C’est vrai que ça nous rassure », lance le chef des travaux.

Le port du masque est obligatoire sur le chantier. Les visières en plexiglas sont quant à elles, recommandées — Photo : © Jonathan Nenich

Coronavirus : morosité assurée ?

11 h 10 : « Félicitations. Bienvenue à vous. » Un nouveau compagnon vient de renforcer officiellement l’entreprise. « Je cherche encore à recruter. Des jeunes de préférence. Dans cinq ans, 30 % de mon effectif part en retraite… », affirme Stéphane Wambst. Le dirigeant a racheté CEP en 2019. En un an, l’entreprise est passée de 7 à 10,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Si le virus a ralenti la croissance, il ne l’a pas arrêté pour autant. L’emploi n’est donc pas en berne, et la morosité ne gagne pas sur tous les fronts. Paradoxalement, la pandémie a même généré un semblant de convivialité : comme faire le tour des salariés présents dans les bureaux pour savoir qui mange ou non, aller chercher la commande et partager un repas… sur le parking. Mais il n’est pas encore l’heure de déjeuner.

Une signature de CDI atypique : sur la plage arrière de la voiture pour éviter d'avoir à s'enfermer dans un bureau — Photo : © Jonathan Nenich

Le PGE envisagé

11 h 30 : Une nouvelle visioconférence réunit cette fois des représentants du Crédit Mutuel, de la Banque de France, l’expert-comptable de CEP et Stéphane Wambst. Ce dernier cherche à se rassurer : « Nous avons bien jusqu’à la fin de l’année pour contracter un PGE qui correspond à 25 % de notre activité. À taux 0 pendant un an puis un échelonnement sur cinq ans ? » Passée l’affirmation, Stéphane Wambst expose son problème : les assureurs crédits. En majeure partie, à cause de la crise CEP a été déclassé. Problématique car les fournisseurs de la PME pourraient bien demander à être payés au moment de la livraison, voire avant. Dans une période où la trésorerie n’est pas à son beau fixe, le PGE pourrait devenir une alternative afin de payer les fournisseurs de manière plus anticipée que de coutume. « C’est dommage, j’estime que le PGE doit être mis en place en cas de dernier recours », se désole Stéphane Wambst. Qui n’a toutefois pas dit son dernier mot et a sollicité la banque de France via le médiateur de crédit afin que ce dernier plaide la cause de l’entreprise au niveau national. « Je suis confiant, j’ai bon espoir d’obtenir gain de cause car notre dossier est solide : nous sommes en pleine croissance et nos finances sont saines. »

« l’application du guide de l’OPPBTP permet aussi de dégager le dirigeant de toute responsabilité juridique en cas de problème de contamination. »

Prévoyant, le chef d’entreprise a déjà mis en place, auprès de Bpifrance, une ligne dailly, qui permet de céder des créances auprès de l'établissement bancaire : de quoi renforcer la trésorerie et disposer ainsi d’une réserve de sécurité pour pallier d’éventuels retards de règlements de clients. Cela permet de céder les créances dont Bpifrance assure l’avance. Encore indécis quant aux mesures qu’il va mettre en place, le dirigeant termine son appel. Et déjà il est temps d’amener les tables dehors. Et d’aller récupérer de quoi partager un moment, distancié, mais convivial.

Le parking de CEP s'est mué en salle de restauration — Photo : © Jonathan Nenich
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