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Retrofit : E-Néo prêt à révolutionner le marché automobile
Vendée # Automobile # Innovation

Retrofit : E-Néo prêt à révolutionner le marché automobile

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Le garagiste vendéen Jérémy Cantin a réussi le pari de faire passer une réglementation permettant le "retrofit", ou la conversion de véhicules thermiques en électriques. Dès 2017, il était parvenu à transformer sa vieille Coccinelle essence en une voiture propre. Après trois ans de lobbying auprès des pouvoirs publics et des fédérations professionnelles, il peut enfin se lancer.

Suite à une nouvelle réglementation, le vendéen Jérémy Cantin va enfin pouvoir commercialiser des véhicules thermiques transformés en véhicules électriques — Photo : Jéromine Doux - Le Journal des Entreprises

Cela faisait trois ans que Jérémy Cantin, un garagiste vendéen, menait tambour battant un lobbying auprès des fédérations automobiles pour faire passer une réglementation autorisant la conversion de véhicules thermiques en électriques. Une prouesse technique que l'entrepreneur a réalisée dès 2017, dans son garage Brouzils Auto (880 000 € de CA, 8 salariés), en Vendée. C’est là qu’il a créé avec ses salariés l’Electrocox, une Coccinelle avec un moteur essence transformé en moteur électrique. Avec pour objectif de rendre son véhicule propre, et de doubler, voire tripler, sa durée de vie.

Bloqué par la réglementation, Jérémy Cantin avait alors obtenu le soutien de plusieurs élus vendéens et de l’ancien ministre de la transition écologique François de Rugy pour appuyer sa demande auprès des pouvoirs publics et de la Fédération Nationale de l'Artisanat Automobile (FNA). Son lobbying a porté ses fruits : un arrêté pris le 13 mars et publié le 3 avril au Journal Officiel autorise désormais le "retrofit électrique", soit la transformation de véhicules à motorisation thermique (voiture, deux-roues, poids lourds, bus etc) en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible, sur les véhicules de plus de cinq ans qui ne sont plus sous garantie constructeur. L’entrepreneur vendéen peut désormais se lancer sur ce nouveau marché.

Dans les locaux de la société E-Néo, d'anciens véhicules thermiques sont en passe de devenir électriques. — Photo : Jéromine Doux - Le Journal des Entreprises

« Il y a une place à prendre »

Pour anticiper cette réglementation, le garagiste vendéen a créé une nouvelle société, E-Néo, dès le mois de mars 2019, aux Brouzils en Vendée. Car il en est convaincu : « il y a une place à prendre. Aujourd’hui, les voitures électriques sont des citadines ou des berlines de luxe. Mais il y a peu de gammes intermédiaires. » Grâce à la conversion, il sera, par exemple, possible de faire circuler des véhicules familiaux bien plus rapidement qu’en les construisant, et à un coût plus intéressant. « Écologiquement c’est aussi bien mieux que de détruire des véhicules existants », poursuit Jérémy Cantin qui souhaite ainsi donner une seconde vie aux véhicules anciens. Mais aussi « créer une nouvelle branche de l’artisanat automobile » grâce aux garages de proximité, à qui il pourra vendre ses services. « L’idée est de s’appuyer sur l’économie locale en conservant le maillage des garages de proximité sur le territoire. Ce sont eux qui connaissent le mieux les clients et qui sont les plus à même de les conseiller », estime le dirigeant d’E-Néo.

Déployer le concept aux quatre coins de la France

Pour convertir un maximum de véhicules, la PME espère déployer son concept aux quatre coins de la France en formant d’autres entreprises. « Nous travaillons avec la Fédération nationale de l’artisanat automobile et le réseau d’adhérents pour que cela puisse se multiplier et que l’on n’ait pas à envoyer des véhicules à l’autre bout de la France. L’idée est de travailler localement. » Une phase de test est d’ores et déjà en cours en Vendée et en Loire-Atlantique.

« Les premières conversions vont être coûteuses »

E-Néo compte pour le moment 4 salariés et cible, en plus des garages, les véhicules professionnels les plus polluants et les poids lourds. Pour les camions de plus de 3,5 tonnes, l’entreprise a dû intégrer une nouvelle technologie : l’hydrogène "vert" (décarboné), qui garantit une plus grande autonomie. Une énergie déployée en Vendée grâce à l’ouverture d’une station à Bouin, à partir de 2021. « Nous avons été informés il y a un an de ce projet. Grâce à cela, l’hydrogène produit dans le département sera utilisé sur le territoire », se réjouit le garagiste, qui cible en premier lieu les transporteurs.

Réaliser des économies d’échelle grâce aux transporteurs

« Les premières conversions vont être coûteuses, explique Jérémy Cantin. Il faut donc s’inscrire dans des modèles économiques où il y a un intérêt et une rentabilité. » Avec les entreprises de transport, E-Néo peut dupliquer son système sur de nombreux véhicules car tous les poids lourds d’une flotte sont identiques. Grâce à cela, la société réalise des économies d’échelle. « Nous ne vendons pas un véhicule mais une technologie. Si un camion a un accident et n’est plus utilisable, nous pouvons récupérer le système pour le mettre sur un autre poids lourd », précise le dirigeant. Pour les particuliers, qui ont des voitures différentes, la conversion est donc moins rentable. « Il faut compter entre 30 000 et 40 000 € pour convertir un véhicule. Sur une Twingo, ça ne vaut pas le coup mais sur une Porsche, ça peut être intéressant. »

La société E-Néo va convertir des poids lourd à l'hydrogène, une autre technologie qu'elle a intégrée, en plus de l'électrique. — Photo : Jéromine Doux - Le Journal des Entreprises

E-Néo cible également les utilitaires des artisans ou des plombiers, qui parcourent moins de 100 km par jour. « Ce sont des véhicules qui roulent et émettent des gaz quotidiennement et il n’y a pas de solution électrique, en neuf. » Exactement comme pour les véhicules agricoles ou les chariots élévateurs, que la PME a également en ligne de mire.

50 camions en attente de conversion

Pour le moment, la jeune société est en phase de développement et fabrique des prototypes qui seront bientôt homologués. E-Néo est déjà en lien avec 10 transporteurs qui souhaitent, au total, convertir environ 50 camions. « Et nous avons une soixantaine d’autres contacts », indique le garagiste.

Une demande importante qui s’explique notamment, selon Jérémy Cantin, par le manque d’actions des constructeurs automobiles. « Ça fait plus de 4 ans que le scandale du diesel ("dieselgate") a éclaté et la réaction des constructeurs est très lente. Renault était le premier avec la voiture électrique Zoé mais, depuis, il ne s’est pas passé grand-chose. Si nous, nous sommes capables de convertir des véhicules, pourquoi ne le font-ils pas ? », s’interroge le dirigeant, qui convient que le diesel reste intéressant pour les longues distances mais qui assure que 80 % des conducteurs font moins de 100 km par jour.

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