Commissaires aux comptes : « Nous allons perdre 80 % de nos mandats »
Interview # Juridique

Gilles Blanchard président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Rennes Commissaires aux comptes : « Nous allons perdre 80 % de nos mandats »

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En Bretagne et Loire-Atlantique, 500 emplois de commissaires aux comptes et collaborateurs audit seraient menacés par le projet de révision des seuils d’intervention prévus dans la future loi Pacte, selon la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes. La profession s'est mobilisée le 17 mai pour faire entendre sa colère envers cette mesure.

Gilles Blanchard est le président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Rennes — Photo : CRCC

C’est la deuxième fois seulement qu’ils descendent dans la rue pour manifester leur colère. « La dernière fois c’était il y a dix ans à Paris », se souvient Gilles Blanchard, président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Rennes. A Nantes, ce sera une première. Le rendez- vous est fixé le 17 mai à 15 h cours Saint-André. Plus de 500 commissaires aux comptes de toute la Bretagne devraient se mobiliser pour manifester leur colère contre le projet de relèvement des seuils d'audit légal prévu par la loi Pacte.

« En Bretagne, 10 000 entreprises sur les 13 000 suivies ne seront plus soumises au contrôle légal. »

Dans le but de s’aligner sur les seuils européens (qui ne sont pas obligatoires, seulement indicatifs), le gouvernement veut relever ces seuils d’intervention de 2 à 8 millions d’euros de chiffre d'affaires. Cela signifie concrètement que les PME qui réalisent moins de 8 M€ de CA, n’auraient plus l’obligation de faire appel aux commissaires aux comptes. Une catastrophe pour une profession qui travaille, au niveau régional, à 80% avec des PME.

Gilles Blanchard, président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes de Rennes appelle à la mobilisation.

Le Journal des Entreprises : Pourquoi une telle mobilisation ?

Gilles Blanchard : Nous avons fait les calculs : le relèvement des seuils d’audit au niveau des seuils européens nous ferait perdre 80 % de nos mandats. Les chiffres sont éloquents : en Bretagne, 10 000 entreprises sur les 13 000 suivies ne seraient plus soumises au contrôle légal. 500 emplois sont directement menacés en Bretagne historique, 10 000 dans toute la France ; sans compter la perte d’attractivité pour tous les étudiants en gestion-finance. Ce n’est pas supportable. C’est une vraie menace pour l’institution et la profession du chiffre. Au niveau national, le marché des audits légaux est estimé à 2,5 milliards d’euros. Avec cette réforme, c’est 1 milliard qui ne sera pas renouvelé.

Avez-vous essayé de négocier avec le gouvernement ?

G. B. : Nous essayons de discuter avec les ministères, mais on ne se sent pas écouté. La France n’a aucune obligation d’appliquer les seuils européens et est libre de conserver un seuil inférieur à 8 M€ de CA si le tissu économique le justifie, ce que nous pensons. Par exemple, l’Italie vient de baisser ses seuils. Je ne comprends pas le gouvernement qui parle constamment de croissance et de compétitivité des entreprises, comme si les commissaires aux comptes n’y étaient pas associés. Nous sommes aussi des entrepreneurs et des acteurs de cette croissance. Le commissaire aux comptes joue un rôle de tiers de confiance utile à l’entreprise et à son environnement.

« Notre but est de parvenir à un dialogue constructif avec le gouvernement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »

De plus, nous ne sommes pas dans une posture corporatiste et nous sommes prêts à faire bouger les lignes. Nous avons fait des propositions en ce sens comme mettre en place un seuil intermédiaire autour de 4 M€ de chiffre d’affaires, adapter l’audit au niveau des groupes, proposer de nouvelles missions en lien avec la nouvelle économie (sécurisation du financement et du crédit inter-entreprises, cybersécurité, performance extra-financière, etc.).

Jusqu’où êtes-vous prêts à aller ?

G. B. : Notre mobilisation sera bien évidemment responsable et maîtrisée. Parallèlement à la mobilisation à Nantes, d’autres rassemblements sont prévus à Strasbourg, Toulouse, Lyon, Marseille et Paris. Notre but est de parvenir à un dialogue constructif avec le gouvernement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous ne sommes pas opposés à la réforme, pour autant qu’elle soit respectueuse d’une profession qui est au service de l’éthique et de l’intérêt général. Or aujourd’hui, le compte n’y est pas.

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