Malgré une croissance forte en 2022, l’e-commerce montre de premiers signes de fragilité
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Malgré une croissance forte en 2022, l’e-commerce montre de premiers signes de fragilité

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Le commerce en ligne est resté en grande forme en 2022, mais il n’en a pas moins été rattrapé par la réalité économique. Au point d’afficher quelques résultats négatifs à son bilan. Pas de quoi affoler pour autant la Fevad, la fédération du secteur. À condition que l’inflation forte ne dure pas trop longtemps.

Les ventes en ligne de produits ont reculé de 7 % en un an en France — Photo : Mymemo

Le commerce en ligne n’échappe (presque) pas à la crise. Habitué aux taux de croissance à deux chiffres, le secteur n’a, certes, pas dérogé à cette règle en 2022 : son chiffre d’affaires de 146,9 milliards d’euros (nouveau record) a encore progressé de 13,8 % sur un an, selon la Fevad. Tout comme le nombre de transactions, estimés à 2,3 milliards (+6,5 %). Mais les apparences sont parfois trompeuses. D’ailleurs, la fédération du e-commerce et de la vente à distance préfère jouer profil bas. Au point de voir dans cette nouvelle expansion de l’activité une simple "normalisation", après la période extraordinairement agitée du Covid-19.

Puissant coup de frein sur les ventes de produits en ligne

Premier signe de cette décompression post-pandémique : le boom exceptionnel enregistré en 2021 (+15,1 %) semble déjà révolu. Ou, pour le dire autrement, le soufflé est retombé : le secteur s’est contenté de renouer, l’an dernier, avec ses performances d’avant-crise sanitaire (aux alentours de +13 %). Et encore, l’inflation forte n’est pas étrangère à ce bilan flatteur. Preuve en est : l’évolution du panier moyen des cyberacheteurs. En baisse continue dans les années 2010, stable pendant la pandémie de coronavirus, il a subitement bondi de près de 7 % en un an, pour s’élever à 65 euros - quasiment son niveau de 2017.

Plus inquiétant encore, l’e-commerce ne doit sa croissance 2022 qu’au retour en force des services dans les transactions en ligne : à eux seuls, ils ont vu leur chiffre d’affaires s’envoler de 36 % ! Noyés sous les vagues épidémiques depuis deux ans, ces achats ont en effet profité à plein de la levée des restrictions sanitaires, notamment dans le tourisme, les transports et les loisirs. Un effet de rattrapage si puissant que le chiffre d’affaires des services (84,6 Md€) est même repassé devant celui des biens (62,3 Md€, à peine plus qu’en 2020), et ce pour la première fois depuis le Covid-19. Car, dans le même temps, les ventes de produits ont complètement calé : -7 % en un an (et même -16 % sur le premier semestre). Pis, cette rare contraction résulte aussi bien d’une baisse en volume (-3 % de transactions) qu’en valeur (-4 % sur le panier moyen). Résultat, Internet a perdu des parts de marché sur ce segment et ne représente plus que 12,5 % du commerce de détail (-1,6 point).

Vers un retour à la normale de la croissance du e-commerce

De quoi tirer le signal d’alarme pour 2023 ? Pas forcément, répond Marc Lolivier. Le délégué général de la Fevad voit dans ces évolutions contrastées un "phénomène de rééquilibrage", mais certainement pas "une "inversion de tendance, ni un renversement sur la numérisation". Les ventes de produits restent d’ailleurs largement supérieures à l’avant-crise (+33 % par rapport à 2019, contre +50 % pour les services) - signe que l’essor du e-commerce pendant la crise du coronavirus ne se réduit pas à une bulle prête à exploser. La Fevad anticipe plutôt un retour à la normale de sa croissance, avec une barre des 200 Md€ de chiffer d’affaires franchie en 2025.

"Le marché n’est pas encore en totale maturité, veut rassurer Marc Lolivier. Beaucoup d’enseignes continuent à digitaliser et les magasins ont énormément investi pendant ces deux ans de pandémie. Elles ne vont donc pas débrancher tous ces efforts maintenant", espère-t-il. Mais, là aussi, l’offre montre des signes d’essoufflement, avec un solde net d’ouvertures de nouveaux sites marchands (+10 000 en 2022) divisé par deux, par rapport à son rythme des années précédentes.

Et si l’achat sur Internet est entré dans les mœurs des Français (96 % ont déjà commandé au moins une fois en ligne, selon Odoxa), Marc Lolivier sait aussi qu'"en période de crise, les consommateurs font des arbitrages sur ce qu’ils achètent". De quoi expliquer que, avec l’inflation forte toujours dans les parages, la Fevad ait préféré avoir le triomphe modeste et l’optimisme prudent en ce début 2023.

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