Et si votre PME se mettait au lean management ?
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Et si votre PME se mettait au lean management ?

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Inspiré du système de production de Toyota et perfectionné par des chercheurs américains du MIT dans les années 1990, le lean management a quitté les lignes de montage de l'industrie automobile pour permettre à l'ensemble des secteurs d'activité de gagner en productivité. Que vous travailliez en atelier ou en bureau, comment adopter le lean dans votre PME ?

— Photo : Pierre Gicquel

La pensée lean est centrée sur la recherche de la satisfaction du client. Pour atteindre cet objectif, amélioration continue (kaizen en japonais) et élimination des gaspillages sont de mise, tant en matière de qualité, de délais, de coûts, que de productivité. Cette vision de la production au plus juste, ou allégée du superflu, implique une véritable rupture dans la manière d'aborder le travail en équipe, les flux de production mais aussi l'expérience client. Les deux piliers du lean sont donc le juste-à-temps, qui consiste à ne produire que ce que le client achète et le jidoka, terme japonais que l'on pourrait traduire par « faire bon du premier coup ».

De nombreux outils découlent de ces piliers, notamment le takt-time, un terme qui désigne une production rythmée au plus juste sur celui des ventes, ou encore le heijunka (lissage), où quantité et diversité de produits sont conçues de manière lissée et sur un temps donné. Autant de concepts et d'outils qui permettent de comprendre quelles sont les erreurs commises et d'apprendre à ne plus les reproduire.

Faîtes la chasse aux "3 MU"

Côté organisation du travail, le lean management propose de partir à la chasse aux "3 MU" : le muda, le muri et le mura. Le muda est tout ce qui est sans valeur pour l'entreprise (gaspillages de temps et de matière, options inutiles sur un produit...), le muri est l'excès (surcharge de travail ou de production due à un processus mal adapté) et enfin le mura représente la variabilité ou l'irrégularité (ateliers plus rapides que d'autres, fournisseurs ne livrant pas à temps).

Là encore, des outils ont été créés pour débusquer gaspillages et coûts cachés. Comme la Value Stream Mapping (cartographie de flux de valeur) ou VSM, un système d'analyse de la chaîne de la valeur qui va de la matière première jusqu'au produit fini et livré. Cela s'accompagne de la mise en place d'indicateurs de performance ou KPI (Key Performance Indicators) : chaque zone, service ou atelier affichant ses résultats en temps réel grâce à un tableau et des étiquettes à échanger. De quoi représenter visuellement le flux de production en améliorant la communication et la réactivité des équipes face aux problèmes rencontrés.

Offrez-vous l'expertise d'un « sensei »

S'il n'y a pas besoin d'être japonais pour comprendre le lean management, les conseils d'un coach (sensei) sont indispensables. À 2 300 euros la journée en moyenne, l'investissement est conséquent. Mais il a payé pour Emmanuelle Legault, PDG de Cadiou Industrie (450 salariés, 54 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017), fabricant de portails et clôtures en aluminium installé à Locronan (Finistère).

La dirigeante a su dompter les aléas de son hypercroissance grâce au lean : « Mon directeur de production m'a fait lire Le But, le best-seller d'Eliyahu Goldratt à l'été 2012. Ce fut une révélation. Je l'ai offert dès la rentrée à tous mes cadres ! Puis j'ai contacté Philippe Grosse, membre de l'Institut Lean France. Heureusement pour nous, il a accepté le challenge. A l'époque, nous croulions sous les commandes et les appels de clients à cause des retards », confie-t-elle.

Cadiou Industrie, en Finistère, accepte les visites sur demande — Photo : Pierre Gicquel

Soyez prêts à repenser vos méthodes

Par une VSM, l'expert alsacien a aidé à identifier un premier problème : le temps de traversée d'un portail, de la matière première à la livraison, était impacté par le nombre important d'opérations par les menuisiers. De la valeur ajoutée a pu être retrouvée en fluidifiant la production. Ce qui a rendu le produit accessible plus rapidement pour le client, et ce, sans remplacer les personnes.

« Nous avons aussi repensé entièrement l'atelier débit ou encore instauré une analyse des non-conformités. Car dans le lean, on ne jette rien à la benne. On analyse les défauts pour éviter qu'ils ne se reproduisent », explique Emmanuelle Legault.

« Le lean n'est pas miraculeux, il ne résout pas les problèmes mais les fait remonter à la surface. »

Photo : Pierre Gicquel

Remplacez l'ordinateur par un tableau blanc

Plusieurs logisticiens, portant un t-shirt fluo, ont pris place dans chaque zone de l'atelier pour rythmer et rendre compte de l'avancée du travail sur des tableaux. La dirigeante n'a plus besoin d'appeler un salarié dans son bureau : elle consulte les tableaux et s'adresse en direct aux référents.

« Le lean n'est pas miraculeux, il ne résout pas les problèmes mais les fait remonter à la surface et permet une communication plus saine. Comme les nœuds d'un tuyau d'arrosage, le lean fait apparaître les goulots d'étranglement. A nous d'agir ensuite pour améliorer le flux de production », résume la patronne de Cadiou Industrie.

Faites adhérer les salariés au projet

La PME bretonne a fait le choix d'une transition rapide par une formation de l'ensemble de ses collaborateurs durant une semaine entière, en décembre 2012, période creuse pour l'entreprise : « J'ai fait appel à une société rennaise qui a installé un atelier-école dans nos locaux. Les équipes se sont exercées en concevant des pots d'échappement en carton ! Depuis nous continuons à échanger sur les nouvelles idées en permanence. Au final, cela ne nécessite pas d'investissement informatique. On écrit tout à la main. Et nos tableaux et nos étiquettes sont faits maison », détaille Emmanuelle Legault.

Réduisez vos stocks

En 2007, Cadiou Industrie présentait un chiffre d'affaires de 12 M€, avec un projet de forte croissance en vue mais en accumulant les retards. Dix ans plus tard, le groupe finistérien a quadruplé son chiffre d'affaires : il était de 50 M€ en 2016 et de 54 M€ en 2017. Pour y arriver, l'entreprise a appliqué à la lettre les préceptes du lean.

98 % de taux de service : c'est la part de produits livrés à temps par Cadiou Industrie. Une hausse de 30% rendue possible par les méthodes lean.

Contrairement aux entreprises qui produisent beaucoup en espérant baisse les coûts de production par une économie d'échelle, ou qui maintiennent des stocks élevés dans un but d'optimisation fiscale, Cadiou a au contraire baissé ses en-cours de fabrication et diminué ses stocks. « On gagne du temps et de la place, ce qui permet d'innover et d'augmenter notre activité. » Dans le même temps, l'entreprise est passée d'un taux de service (commandes expédiées à l'heure) de 60 % à 98 %. Mais le taux de qualité est quant à lui resté stable à 80 %. « Sans doute aurions-nous dû nous en occuper en premier... Ceci dit, nous nous y attelons aujourd'hui avec plus d'expérience. Le lean, c'est aussi faire de nos erreurs un moyen de réussite», ajoute la dirigeante.

Rendez heureux clients et salariés

Contrairement aux idées reçues, le lean n'a pas fait disparaître les salariés : « Le lean est une sorte d'anti-taylorisme où les salariés sont agiles, responsabilisés et peuvent changer de poste. C'est un cercle vertueux qui fidélise : les clients ne nous harcèlent plus de coups de fil, les salariés sont moins stressés et nous n'avons plus aucune difficulté à embaucher. Même si nous ne sommes pas contre le digital et l'innovation, nous n'avons pas robotisé nos lignes. Au contraire, nous avons même embauché », conclut Emmanuelle Legault, visiblement conquise.

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