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Franck Zal (Hemarina) : « Je lance un appel aux industriels bretons de l'agroalimentaire »
Finistère # Santé # Biotech

Franck Zal (Hemarina) : « Je lance un appel aux industriels bretons de l'agroalimentaire »

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[Exclusif] Onze ans après avoir créé Hemarina, à Morlaix, et réussi à lever un total de 22 millions d'euros, Franck Zal est parvenu à démontrer l’efficacité d’Hemo2life, son transporteur universel d’oxygène issu d’un ver marin permettant notamment de préserver les greffons rénaux. Mais le chercheur a depuis découvert d’autres applications pour sa découverte. Il interpelle aujourd’hui les industriels bretons pour qu’ils s’emparent de sa technologie dans le domaine de l'agroalimentaire.

— Photo : Jean-Marc Le Droff

Le Journal des Entreprises : Vous venez de démontrer l’efficacité de votre produit biotechnologique d'origine marine aux Etats-Unis. Expliquez-nous en quoi a consisté votre étude.

Franck Zal : Nous venons de démontrer la sécurité et l’efficacité de notre premier dispositif médical Hemo2life lors d'un essai clinique mené sur 60 patients transplantés rénaux dans six centres français de référence. Ces résultats viennent d'être présentés lors du Congrès américain de la transplantation à Seattle. Nous sommes actuellement en phase de marquage CE pour ce dispositif médical de classe 3. Je ne maîtrise pas les délais réglementaires, mais nous espérons être en mesure de commercialiser Hemo2Life courant 2019.

Pourquoi un ancien chercheur du CNRS en est-il venu à créer une société comme Hemarina ?

F.Z. : Ma spécialité est l’écophysiologie, et particulièrement la respiration des organismes marins. Je me suis particulièrement intéressé à la respiration de l’arénicole, le fameux “buzuc” comme on l’appelle ici, qui a plus de 450 millions d’années. J’ai trouvé dans ce ver l'ancêtre de nos globules rouges, une hémoglobine extracellulaire qui est extrêmement proche de l'hémoglobine humaine. C’était une découverte majeure. Je ne voulais pas que ça reste uniquement un papier scientifique : je voulais sauver des vies en faisant en sorte que ma découverte trouve des applications concrètes.

« J’ai trouvé dans l'arénicole, un ver marin, l'ancêtre de nos globules rouges. »

Où en est la société aujourd’hui ?

F. Z. : À l’heure actuelle, la majorité de la société travaille sur la R&D. Hemarina emploie à ce jour une trentaine de salariés dont six personnes à Noirmoutier, où nous disposons d’un site de production d’arénicoles. Depuis le démarrage, nous avons levé 22 M€ de fonds privés, le dernier tour de table datant de 2016 et s’élevant à 8,2 M€. Dès le départ, nous avons notamment été soutenus par les Finistère Angels et d’autres réseaux de business angels bretons, comme les Armor Angels et le réseau XMP Business Angels des Grandes Écoles, mais aussi des banques ou encore de family offices.

Trouvez-vous l’environnement favorable à l’innovation en France ?

F. Z. : En France, nous pouvons être fiers du Crédit impôt recherche, que les Américains nous ont copié, et on peut être satisfait de l’environnement lié à la R & D. En revanche, le cadre réglementaire bouge souvent, et on aimerait qu’il se stabilise comme cela semble être le cas actuellement. Depuis 2007, nous avons tout de même connu trois réglementations différentes en matière de greffe d’organes, et les réglementations s'opposent parfois entre pays.

« Je veux développer Hemarina sur le territoire breton et ne pas céder aux sirènes financières. »

Quels sont vos axes de développement ?

F. Z. : J’ai l’ambition de développer Hemarina sur le territoire breton et principalement à Morlaix, et de ne pas céder aux sirènes financières. Mon objectif est aussi d’intégrer la chaîne de valeurs. À ce jour nous assurons nous-mêmes la production de nos vers, mais j’aimerais aussi intégrer l’extraction de la molécule que nous sous-traitons pour le moment. Et puis bien sûr, développer de nouvelles applications.

Lesquelles ?

F. Z. : Dans le domaine médical, qui reste notre cœur de métier, elle pourrait servir en immunothérapie, notamment pour augmenter les rendements de production des anticorps monoclonaux, ce qui diminuerait considérablement le prix du traitement de patients atteints de cancers. Nous avons également travaillé avec l’US Navy sur des applications autour des traumatismes crâniens et nous avons déposé récemment un projet de recherche avec le professeur Lantieri auprès des autorités militaires sur la transplantation de tissus composites, notamment de membres touchés lors d’explosions ou d’opérations de déminage.

Votre innovation pourrait aussi trouver des applications dans le secteur agroalimentaire ?

F. Z. : Oui, nous nous sommes aperçus que les coproduits dont est issue notre molécule pouvaient remplacer l’hémoglobine de porc ou de bovin utilisée dans quasiment tous les processus de fermentation. Notre technologie éviterait tout risque de contamination par des produits qui présentent actuellement des risques en matière de traçabilité et de sécurité. L’agroalimentaire n’étant pas notre cœur de métier, nous souhaiterions céder notre technologie à un acteur de ce secteur, qui pourrait en faire un "gold standard" dans le domaine. Je lance là un appel aux industriels bretons de l'agroalimentaire : la technologie est là, emparez-vous en car vous pourriez bien devenir incontournable demain et ainsi imposer votre norme !

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