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Chloroquine : l'usine Famar peut-elle encore être sauvée ?
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Chloroquine : l'usine Famar peut-elle encore être sauvée ?

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Le groupe Famar, propriété de KKR, est un sous-traitant de l’industrie pharmaceutique pour Merck, Pfizer, Abbott, MMF, Sanofi ou Mylan. Ici, le site de 20 hectares à Saint-Genis-Laval, dans le Rhône — Photo : CSE Famar

C'est une entreprise qui, depuis quelques jours, se retrouve sous le feu des projecteurs alors qu'elle est en difficulté. Le 3 mars déjà, l’usine du fabricant grec de médicaments Famar à Saint-Genis-Laval, dans le Rhône, lançait un appel au secours. Ce site est le dernier en France et en Europe fabriquant de la Nivaquine (chloroquine) pour le compte du groupe pharmaceutique Sanofi. La chloroquine, comme l'hydroxychloroquine récemment médiatisée, fait partie des traitements en cours d’évaluation par l’Organisation Mondiale de la Santé pour traiter le coronavirus Covid-19.

La Nivaquine arrêtée par Sanofi

Las, si le site de Famar est sauvé par la mobilisation des pouvoirs publics aujourd'hui, ce ne devrait pas être grâce à la Nivaquine. Et pour cause : « Nous arrêtons ce médicament », fait savoir un porte-parole de Sanofi, expliquant que le principe actif de la Nivaquine, la chloroquine soluté, est produite par un laboratoire indien IPCA Laboratories LTD qui ne va plus la fabriquer. « Sans cette molécule, la Nivaquine n’existe plus », avance Sanofi. Qui indique que Famar vient de lui expédier les tout derniers étuis (180 000) de Nivaquine. « Nous ne travaillerons plus avec Famar », expédie ainsi le porte-parole.

Quid alors des déclarations du président de Sanofi France, Olivier Bogillot, le 21 mars sur France 24, sur Sanofi se préparant « activement » à délivrer de la chloroquine ? « Il s’agit du Plaquenil, un anti-lupus et antirhumatoïde à base d’hydroxychloroquine, molécule pouvant potentiellement intervenir dans le traitement du Covid-19 », indique Sanofi. Or celui-ci est fabriqué « en interne dans les usines Sanofi », précise le porte-parole au Journal des Entreprises.

Plusieurs dizaines de millions d’euros à investir

Sanofi n’interviendra donc pas pour sauver Famar et n’a d’ailleurs plus de commandes en cours. Les clients Merck, Mylan et Pfizer ont fait de même et réorganisent leur approvisionnement sans Famar à partir de juin prochain. Dès lors, comment un repreneur pourrait-il s’intéresser à cette industrie ? Même le lyonnais Delpharm (4 700 salariés, CA : 750 M€, filiale des laboratoires lyonnais Aguettant) qui a acheté cinq des douze sites du groupe Famar (dont trois en France) ne veut pas entendre parler de celui-ci.

En cause ? « La mise aux normes et la modernisation de l’usine imposeraient des investissements de plusieurs dizaines de millions d’euros », estime un spécialiste du dossier. « Pour rassurer les repreneurs, il faudra que les candidats obtiennent un accord avec les clients, et que ceux-ci renouvellent leurs carnets de commandes », juge Eric Etienne-Martin, administrateur judiciaire de Famar.

Alors pour convaincre les rares entreprises intéressées, dont le libanais Benta Pharma, qui audite actuellement l’usine, la Direccte, l’agence de développement économique lyonnaise Aderly, Lyon Métropole et la Région Auvergne Rhône-Alpes se sont réunis à l’automne. La Métropole a par exemple proposé d’acheter les 20 hectares du site et offrirait à un éventuel repreneur la possibilité de passer par un bail emphytéotique pour alléger les frais.

« On a laissé filer nos industries stratégiques »

Mais cela suffira-t-il ? « Il faut trouver une solution, à commencer par maintenir le carnet de commandes. Le gouvernement ne dit-il pas que les plus grosses entreprises doivent aider les plus petites ? », interroge cet observateur, aux manettes pour sauver Famar. Selon lui, « on a laissé filer nos industries stratégiques, et aujourd’hui la machine est gentiment en train de nous péter à la gueule », claque cet interlocuteur de haut rang.

D’autres autorités politiques sont dans le même état d’esprit. « Cette usine, on va la faire repartir coûte que coûte », assure cet interlocuteur. Car Famar, qui produit une centaine de médicaments, intervient dans la production de 12 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM).

Alors les plus hautes autorités, Bercy compris, se mobilisent désormais pour ne pas, demain, regretter l’arrêt de cette usine qui demeure stratégique. Avec ou sans chloroquine.

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