RSE : Et si les acheteurs commençaient à s'y intéresser ?

RSE : Et si les acheteurs commençaient à s'y intéresser ?

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Certaines collectivités et entreprises nantaises commencent à intégrer la RSE (responsabilité sociale de l'entreprise) dans leurs critères d'achats. Le paradoxe, c'est que rarement les PME régionales ne se sont dit autant pressurisées par leurs donneurs d'ordres au niveau des prix.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Un changement de mentalité est peut-être en train de s'opérer dans la région nantaise en matière d'achat. Une tendance, naissante, consiste à intégrer dans le choix de l'acheteur les critères de la RSE (responsabilité sociale de l'entreprise), au même titre que le prix ou les caractéristiques techniques de l'offre. Selon ce précepte, l'acheteur ne juge plus seulement les qualités intrinsèques du produit ou du service qu'il souhaite acquérir, mais aussi la « moralité » de l'entreprise qui en est à l'origine.Après un premier test réalisé en 2011 sur un marché de nettoyage, Nantes Métropole a en effet lancé son deuxième appel d'offres intégrant des critères RSE. Il concerne un marché d'impression qui sera attribué dans les prochaines semaines. À La Chapelle-sur-Erdre, Dominique Goubault, qui dirige l'imprimerie du même nom (45 salariés), y a répondu. Et applaudit l'initiative des deux mains : « C'est très audacieux de favoriser les entreprises qui sont en règle, qui ne polluent pas, qui forment et qui investissent dans les hommes ».




Quatre jours pour répondreà l'appel d'offres

À la tête de l'imprimerie nantaise Chiffoleau (22 salariés), Jean-Luc Chailleux tempère : « La RSE, c'est bien, mais attention aussi à ne pas complexifier les appels d'offres. On croule déjà sous les contraintes administratives ». Dominique Goubault acquiesce : « Il m'a fallu quatre jours pour répondre à l'appel d'offres. Mais ça vaut le coup de passer du temps ». Il faut dire que ce marché, d'un an reconductible trois fois, pèse 1,5 million d'euros. Représentant 10 % de la note finale, la RSE se déclinait en 51 items. Et, pour chacun d'eux, Nantes Métropole réclamait des preuves, issues du bilan social de l'entreprise ou matérialisées par une attestation de son expert-comptable.




En attendant l'Europe

« Sur un plan éthique, c'est une super initiative. Mais c'est limite "border line" vis-à-vis de la réglementation », croit savoir un entrepreneur nantais. Encadré par un code des marchés publics qui n'est pas réputé pour sa fantaisie, l'acheteur public doit favoriser « l'offre économiquement la plus avantageuse ». La RSE dans tout cela ? « Il faut rester prudent », glisse t-on sobrement du côté de Nantes Métropole où on attend qu'une directive européenne facilite la capacité des acheteurs à prendre en compte des aspects sociaux et environnementaux.




La Région s'en mêle

Toujours est-il que les expérimentations de Nantes Métropole - uniques à ce jour en France - commencent à faire des émules dans la cité des ducs. Le conseil régional des Pays de la Loire vient ainsi de se doter de son propre référentiel RSE. Plus ou moins en lien avec Nantes Métropole. Les deux collectivités seraient même « un peu en compétition en matière de RSE. On sent que nos hommes politiques ont de l'ambition et veillent à leur image », assure un chef d'entreprise. Du côté de Nantes Métropole, on ne manque pas « d'essayer de faire valoir notre travail auprès de Matignon », tout en oeuvrant sur des projets avec des acteurs locaux, comme le Centre des jeunes dirigeants, par exemple. Du côté du conseil régional, on a aussi fait ses choix. La collectivité soutient à hauteur de 95.000 euros l'initiative de la Scop nantaise Araïs qui va mettre sur le marché une plate-forme internet listant sous le prisme de la RSE les entreprises régionales de la propreté et du BTP. Actuellement en phase de test, cette initiative cible aussi bien les acheteurs publics que privés.Car l'achat responsable ne se limite pas à la seule commande publique. Basé à Machecoul, le fabricant de portes Cetih vient ainsi de signer la charte « relations fournisseur responsables », portée par la Médiation inter-entreprises. « On a mené 80 actions RSE en la matière », explique Arnaud Hennequin, directeur des achats de cette entreprise de 850 salariés. Depuis quatre ans, la PME audite ainsi ses principaux fournisseurs sur le plan de la RSE. « Il nous est arrivé de ne pas travailler avec quelqu'un à cause de cela », assure François Guérin directeur général de Cetih, par ailleurs président de Dirigeants responsables de l'Ouest, une association fédérant une soixantaine d'entreprises autour de la RSE. François Guérin en est convaincu, « dans dix ans, la prise en compte de la RSE dans les achats sera la règle ». Dans dix ans peut-être, mais, pour le moment, le mouvement est encore tout juste émergent.




« La RSE ? C'est quoi ? »

Dans l'aéronautique, dans la navale ou dans le bâtiment, nombreux sont les dirigeants de PME à souffrir des compressions de prix exigées par les donneurs d'ordres, dont les acheteurs appliquent les bonnes vieilles méthodes de la grande distribution.« La politique d'achat des grands groupes et la pression tarifaire qu'ils exercent sur les PME sont insupportables. Localement, Airbus et STX ne sont pas les derniers. Nos PME en crèvent », dénonçait récemment dans nos colonnes Jean-François Gendron, président de la CCI de Nantes Saint-Nazaire. Il faut dire, que le concept de RSE est à mille lieux des préoccupations de nombreuses entreprises. « La RSE ? Non, je ne connais pas », illustre ainsi cet acheteur nantais qui a pourtant commandé cette année pour plusieurs millions d'euros de travaux auprès d'entreprises du bâtiment. « Ce qui compte, c'est que le job soit réalisé en temps et en heure et au bon prix. Le reste... », ajoute t-il. Ce à quoi Arnaud Hennequin répond : « J'ai beau être acheteur, je ne suis pas un requin, qui tue l'entreprise. Un fournisseur qui se porte bien m'apportera toujours ce dont j'ai besoin ».