Il est encore temps d’ « éviter une erreur stratégique », alerte le Sénat. Le gouvernement a en effet jusqu’à samedi 31 octobre pour dire stop ou reconduire, pour la troisième fois, le délai pour l’accord de cession des Chantiers de l’Atlantique (3 000 salariés, 1, 8 Md€ de CA) à Fincantieri. « Après Aéroports de Paris, après Alstom, la France va-t-elle brader cet actif unique (Les Chantiers de l’Atlantique ndlr), pour un montant non défini, que nous estimons inférieur à 60 millions d’euros ? », s’inquiète la commission des affaires économiques dans un rapport remis ce mercredi 28 octobre.
« Nos auditions et déplacements, au plus près des salariés des Chantiers, des entreprises locales, mais aussi nos rencontres avec des experts du secteur et des représentants des compagnies de croisière, nous ont convaincus que la cession envisagée présente des risques avérés pour les savoir-faire, la souveraineté et l’emploi français », explique Sophie Primas (les Républicains), la présidente de la commission des affaires économiques.
En particulier, le rapport soulève les risques de transfert de savoir‑faire vers la Chine, Fincantieri (4,5 Md€ de CA, 19 000 salariés, 20 chantiers dans le monde) étant engagé dans une joint-venture avec le géant public chinois de la construction navale CSSC. « Seuls les chantiers européens sont pour l’instant capables de construire les grands paquebots emblématiques de Saint-Nazaire », rappelle le Sénat.
Si le gouvernement décide de ne pas reconduire l’accord samedi, il faudra alors trouver d’autres actionnaires et un autre montage.
D’autres repreneurs européens potentiels
Le Sénat présente justement dans son rapport, un projet alternatif. Il dit avoir identifié plusieurs repreneurs. « Il y a des repreneurs européens potentiels. Certains sont atypiques mais solides financièrement », précise Sophie Primas. En plus de ce partenaire privé de long terme, le Sénat préconise le maintien d’une présence publique au capital, qui aurait une minorité de blocage, ainsi qu’un renforcement de l’association des collectivités locales et des entreprises locales au capital des Chantiers de l’Atlantique, « dans un esprit de capitalisme territorial cohérent avec l’ancrage local de l’entreprise », précise le Sénat.
Sophie Primas affirme que le Conseil régional des Pays de la Loire aurait déjà assuré au Sénat être prêt à monter au capital du géant de Saint-Nazaire. Les entreprises locales ont aussi déjà exprimé leur envie d'augmenter leur participation.
Les cotraitants et la Région prêts à augmenter leur participation
« En 2017, nous nous sommes engagés pour 1,8 million d’euros mais nous pouvons aller plus loin. À l’époque, nous étions limités par le pacte », indiquait déjà en début d'année Bruno Hug de Larauze, PDG du groupe de logistique nazairien Idea et représentant de la COFIPME, la société commune qui réunit les 18 cotraitants au capital des Chantiers de l’Atlantique (CNI, Charier, Gestal, le groupe Idea, Mecasoud et tout le réseau Neopolia) et qui en possède 1,6 % du capital. Depuis d’autres sous-traitants ont manifesté leur intérêt d’entrer au capital.
Si le gouvernement décide de ne pas étudier ce plan B et d’étendre à nouveau le délai pour l’accord de cession à Fincantieri, la vente ne sera pas actée pour autant. La cession est actuellement étudiée par la Commission européenne. La décision, qui devait être rendue en avril 2020 a été reportée sine die en raison de la crise sanitaire.
Aucune annulation sur le carnet de commandes malgré le covid
En attendant, les Chantiers de l’Atlantique sont nationalisés de manière temporaire, depuis 2017. L’État est actuellement détenteur de 84,3 % du capital, Naval Group de 11,7 %, les salariés de 2,4 % et des sociétés locales de 1,6 %.
La pandémie et le ralentissement du rythme des croisières n’ont pas pour le moment impacté les Chantiers de l’Atlantique qui ne déplore aucune annulation sur son carnet de commandes. Ce dernier est rempli jusqu’en 2030 avec la construction de paquebots, de sous-stations électriques pour des champs éoliens offshore ainsi que de 4 pétroliers ravitailleurs pour la Marine Française. Sans oublier le futur porte-avions français dont la commande a été officialisée cet été.