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Inseec Bordeaux : « L’innovation pédagogique est guidée par les demandes des entreprises »
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Laurent Bergeruc directeur des Masters et MBA de l'Inseec à Bordeaux Inseec Bordeaux : « L’innovation pédagogique est guidée par les demandes des entreprises »

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Depuis 20 ans, Laurent Bergeruc est en charge des programmes Masters of Science & MBA à L’Inseec Bordeaux. Il revient sur les évolutions de l’école de commerce, de la PME familiale qu’elle était à l’ETI gérée par un fonds d’investissement qu’elle est devenue. A l'aune des programmes que ce docteur en finance concocte s'entrevoient les besoins des entreprises.

Laurent Bergeruc, directeur des Masters et MBA de l'Inseec à Bordeaux, sur la terrasse de l’école aux côtés d’étudiants — Photo : Anne Cesbron

Le Journal des Entreprises : L’Inseec, petite école bordelaise et entreprise familiale, est devenue un groupe de 16 écoles aux 26 000 étudiants et l'un des leaders de l’enseignement supérieur privé en France. Plus de quarante ans après sa création, quelles ont été, selon vous, les clés de ce succès ?

Laurent Bergeruc : L’Inseec a été créée en 1975 par José Soubiran, cours Xavier Arnozan, avec des valeurs qui la différenciaient des autres écoles de commerce, dont celle, très forte, liée à l’international. La session estivale de trois mois aux Etats-Unis était alors une marque de cette vocation internationale. C’est devenu banal mais ça ne l’était pas à l’époque. Cela explique en partie, qu’aujourd’hui, douze de nos programmes soient dispensés à 100 % en anglais, qu’une cinquantaine de nationalités composent nos effectifs et que le groupe soit implanté à Londres, Monaco, Genève, Shanghai et San Francisco. Autre clé du succès : nous valorisons l’entreprenariat et son côté pragmatique. Nos étudiants doivent être opérationnels et garder en tête que le commerce est au centre de tout business. Sans chiffre d’affaire, les fonctions « support » ne servent à rien.

Un premier changement de dimension est intervenu lorsque l’Inseec a été acheté par un fonds d’investissement. Il s’agissait de jouer dans la cour des grands ?

L. B. : En 2002, l’école est devenue la propriété du fonds américain Carreer Education Corporation, coté au Nasdaq. C’était une première en France. Dix années ont suivi, de croissance organique, de rachats et de créations d’écoles à Paris, Chambéry, Monaco et Genève ; le groupe a quadruplé de taille. En 2013, il passait sous le contrôle d’un autre fonds, Apax Partners. Dans la foulée, Laureate Education, leader mondial, cédait cinq établissements français à Apax. Lors de cette rentrée 2018, une nouvelle école va ouvrir à Lyon. Ce qui porte à seize le nombre d’écoles constituant le groupe, devenu Inseec U.

« En 2019, nous devrions proposer un master dédié à l’intelligence artificielle. »

Revenons à Bordeaux. Le luxe, le digital, les vins et spiritueux… Dans ces secteurs, les besoins des entreprises connaissent des bouleversements. Comment les anticiper ?

L. B. : L’innovation pédagogique est guidée par les demandes des entreprises, que nous remontent notamment nos douze chargés de relation entreprises. En 1999, nous avons ainsi créé le master « E-business, e-commerce ». En 2010, nous étions les premiers en France à concevoir un programme pour un master « Community management et réseaux sociaux ». Emmanuel Granger, patron de Cartegie, dirige notre master « Big data ». En 2019, nous devrions proposer un master dédié à l’intelligence artificielle. Nous y travaillons.

Vos anciens étudiants, devenus dirigeants, sont également de bons conseils ?

L. B. : Pour prendre le pouls des entreprises, l’esprit très bordelais du réseautage fonctionne bien. Les anciens Inseec parrainent nos promotions, tel que Stanislas de Bentzmann, président de Devoteam. Ils interviennent, voire gèrent des programmes, comme par exemple Bertrand Plessis ou Emmanuel Grenier, PDG de Cdiscount, qui intervient dans nos programmes digitaux, e-commerce, e business. De nouveaux liens sont par ailleurs constamment tissés : début juillet, Ubisoft, autour de son PDG Yves Guillemot, organisait son premier symposium bordelais dans nos murs ! On a longtemps reproché à Bordeaux, la "belle endormie", son manque d’attractivité économique. Les boîtes arrivent, aimantées par la nouvelle qualité de vie. Et les dirigeants bordelais reviennent, à l’image du patron de Betclic !

A l’inverse, certains programmes sont-ils abandonnés ?

L. B. : Absolument. Nous en fermons pour les faire évoluer. Le master « Banque-Assurance », que j’ai créé en 2002 mais trop généraliste, est devenu un master « Directeur d’agence et métiers du courtage » en 2012. La fermeture des agences bancaires nous a amenés à supprimer ce programme. Nous mettons également en place le master « Digitalisation bancaire et manager financier ». A nous d’adapter nos programmes pour que nos étudiants soient non seulement diplômés et embauchés, mais que leur niveau de responsabilité et de rémunération ne connaissent pas d’inflexion.

« La filière des établissements de santé s’arrache les nouveaux diplômés. »

Le contrat de professionnalisation a-t-il le vent en poupe ?

L. B. : Nous sommes très attentifs à la question de l’alternance qui se développe depuis 4-5 ans. A Bordeaux nous avons désormais 500 étudiants salariés, 5 000 au niveau du groupe Inseec U. Nous poussons cette dynamique, qui a par ailleurs pour conséquence de diversifier les catégories socio-professionnelles des étudiants. Nous souhaitons atteindre le millier d’étudiants salariés dans trois ans. Ce système, davantage centré sur les besoins des entreprises, devrait s’imposer dans l’éducation supérieure, comme c'est le cas en Allemagne depuis des décennies. C’est une évolution importante, les étudiants étudient et créent leur carrière professionnelle en même temps. Nous les accompagnons aux côtés des entreprises pour parvenir à une employabilité à 100 %. On s’écarte d’un système très académique, traditionnel, avec en ligne de mire l’objectif de rendre nos étudiants opérationnels ultra vite.

Ceux que l’on nomme désormais les "Millennials" (personnes nées entre 1980 et 2000) adoptent-ils ce changement ?

L. B. : Ce sont eux qui apportent ce changement, ce qui parfois peut choquer leurs employeurs. Les jeunes donnent leur avis et se retrouvent davantage dans un management horizontal. Ils ne seront pas forcément derrière leur bureau à 9 heures pile, mais ne rechigneront pas à répondre à un mail à 23h50.

Que recherche actuellement vos diplômés ?

L. B. : Au-delà des nouveaux métiers, relatifs au marketing digital, aux réseaux sociaux et à la data, les valeurs sûres, "classiques", sont toujours recherchées par les entreprises sur les aspects fonctionnels. Les besoins en commerciaux, en comptables, en audit et contrôle de gestion demeurent. Une toute autre filière s’arrache les nouveaux diplômés, c’est celle des établissements de santé. Les besoins en futurs directeurs ne cessent d’augmenter.

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