Entre la Bretagne et la Belgique, une évidence économique ?
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Entre la Bretagne et la Belgique, une évidence économique ?

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Pour de nombreuses entreprises bretonnes, les premiers essais à l’export se font naturellement en Belgique. Francophone, proche géographiquement et économiquement dynamique, le "plat pays" semble un pays d’accueil évident pour ceux qui souhaitent commencer à vendre leurs produits ou leurs services à l’étranger. Mais que ce soit en Flandre, en Wallonie ou à Bruxelles-Capitale, sur un territoire où le multilinguisme est historiquement cultivé, les obstacles doivent être bien anticipés.

Poumon économique de la Belgique, la Flandre peut notamment compter sur le port d’Anvers, deuxième en Europe, pour porter le dynamisme du plat pays — Photo : Visit Flanders

À peine plus grande que la Bretagne, mais quatre fois plus peuplée, la Belgique est un pays attirant pour tout chef d’entreprise qui souhaite démarrer une stratégie de vente à l’export. Francophone, économiquement dynamique, et désormais situé à 1 h 30 en avion de Rennes via la nouvelle desserte quotidienne lancée par Hop ! Air France, le plat pays fait briller les yeux des patrons bretons.

« Nous en avons fait naturellement notre première cible quand nous avons voulu étendre notre terrain de jeu commercial, confirme Patrice Étienne, PDG de Vital Concept à Loudéac dans les Côtes-d’Armor (75 M€ de CA, 170 salariés), société spécialisée dans la vente par correspondance de matériels agricoles. Sur le papier, la conquête semble, depuis la Bretagne, aussi facile que d’aller séduire des clients dans le Sud ou l’Est de la France. Mais dans les faits, c’est un petit peu plus compliqué. »

La Flandre, poumon économique du pays

Pour bien comprendre le marché belge, il faut notamment s’attarder sur la Flandre, « le » poumon économique du pays. Concentrant 5 7  % de la population belge, deux des principaux ports européens (Anvers et Gand), la région génère les deux-tiers du PIB national pour un taux de chômage de 4,6  %. L’agroalimentaire, la chimie, la pharmacie comptent parmi les trois principaux secteurs d’activité.

« Quand on arrive à vendre aux Flamands, on vend à tout le pays sans aucune difficulté »

« En 2016, la Flandre a consolidé 72  % des importations belges en provenance de la France, tandis que la Wallonie a pesé pou r 21  % et la région de Bruxelles un peu moins de 7  %, confirme Cécile Concile, conseillère économique pour Flanders Investment & Trade, l’agence d’attractivité économique du gouvernement flamand. Toutefois, la France reste cantonnée à la quatrième place des investisseurs étrangers derrière les États-Unis et les voisins néerlandais et allemand. Les marges de progression sont nombreuses mais les freins à l’entrée restent mal appréhendés et peuvent se révéler pénalisants pour construire un business durable en Belgique », décrit-elle.

La barrière de la langue

Principal obstacle, le multilinguisme. En Flandre, la langue officielle reste le flamand. « Clairement, nous n’avions pas mesuré cette spécificité, ajoute Patrice Étienne. Il a fallu réagir immédiatement pour corriger le tir en embauchant, à Loudéac et en Belgique, trois salariés bilingues pour répondre aux commandes en ligne, travailler avec des agences locales de communication pour traduire les étiquettes de nos produits, instruire les dossiers administratifs pour avoir les autorisations de commercialisation, etc. C’est un investissement supplémentaire en temps et en argent qu’il faut être capable de mener. »

À Vannes, un acteur du numérique qui souhaite garder l’anonymat, cible, lui aussi, la Belgique comme futur relais de croissance. Fin connaisseur du pays, il mesure « qu’il concentre trois cultures et langues différentes entre la Wallonie et sa culture latine, la Flandre très anglo-saxonne et le Limbourg tourné vers l’Allemagne. » Dans cette logique, la parfaite pratique de l’anglais est, à ses yeux, une solution pour les entreprises de services, notamment dans le digital. « Certes, l’Anglais est usuellement la langue des affaires, confirme Christian Vermersch, conseiller économique pour Flanders Investment & Trade, basé au bureau de Lille. Toutefois, il faudra nécessairement réaliser un saut culturel car la documentation officielle devra être remplie en flamand, pas en anglais ni en français. »

Une fiscalité qui favorise l’investissement local

Pour Livrenpoche, basée à Kervignac dans le Morbihan (660 000 euros de CA ; 8 salariés), la Belgique est d’abord considérée comme un marché d’opportunités, qui pèse toutefois 7  % de l’activité. Sans surprise, c’est auprès de la population francophone que l’e-commerçant et ses livres d’occasion trouvent preneurs. « Nous n’avons pas eu de démarche particulière car la littérature française et internet n’ont pas de frontière », ajoute Benjamin Duquenne, dirigeant du site.

Poumon économique de la Belgique, la Flandre peut notamment compter sur le port d’Anvers, deuxième en Europe après le voisin Rotterdam, pour porter le dynamisme économique du plat pays — Photo : @VisitFlanders

Pour garder et développer ses parts de marché, l’entreprise morbihannaise a choisi d’avoir une politique très attractive sur les frais de port qui sont élevés depuis la France vers la Belgique. « Notre objectif est de créer de la valeur ajoutée sur nos territoires, ajoute Cécile Concile, de l’agence d’attractivité économique de la Flandre. De nombreuses mesures d’incitation fiscale ont ainsi été mises en place, notamment en Flandre, pour faciliter la création d’une succursale par une entreprise étrangère ou la remontée de dividendes fille-mère. » En matière d’embauche, l’État belge est même allé jusqu’à voter, sur la période 2016-2020, l’exonération de charges patronales à vie du premier emploi créé en Belgique ! Un cas unique en Europe.

Bien préparer son aventure

Évidente sur le papier, la conquête du marché belge se prépare encore plus finement que pour n’importe quel autre pays limitrophe à la France. Au regard de son dynamisme économique et de sa proximité, les relais de croissance sont nombreux. Certains ont préféré abandonner en cours de route comme l’e-commerçant morbihannais Bébé au Naturel, installé à Crac’h (17 M€ de CA ; 70 salariés), qui a stoppé ses ventes au pays de Tintin au motif, notamment, d’un recentrage sur le marché français. D’autres ont joué le jeu de manière inattendue. « Nous avons investi 6 millions d’euros dans une équipe de cyclisme professionnelle Vital Concept Cycling Club pour véhiculer l’image de notre marque dans cette terre de vélo où les classiques prestigieuses se succèdent toute l’année », confirme Patrice Étienne, de Vital Concept.

Les Bretons qui ont réussi à s’imposer en Belgique, notamment en Flandre, le confirment : la course commerciale se gagne sur le long terme. « Quand on arrive à vendre aux Flamands, on vend à tout le pays sans aucune difficulté », rassure ainsi Cécile Concile Drouot de Flanders Investment & Trade.

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