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Daurema : "Les aléas réglementaires sont une importante source de stress"
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Daurema : "Les aléas réglementaires sont une importante source de stress"

Lancée en anticipation de la loi Agec sur l’interdiction du plastique pour l’emballage des fruits et légumes, la jeune entreprise lilloise Daurema a dû faire face à un rétropédalage de la part du gouvernement français. Ayant adapté sa stratégie, elle scrute désormais la réglementation européenne.

Drigeant de Daurema, Frédéric Salomon voulait réaliser des barquettes pour les fruits rouges et les champignons. Il a réalisé des investissements dans ce but. Sauf que l’évolution d’un décret a complètement changé la donne — Photo : Jeanne Magnien

Ça pourrait ressembler à une mauvaise blague, mais ça ne fait pas trop rire Frédéric Salomon. Le dirigeant de l’entreprise lilloise Daurema a pensé et lancé son activité de production de barquettes en cellulose, en 2021, en anticipation de la loi Agec. Laquelle, rappelle le dirigeant, était censée interdire, à partir de janvier 2023, les contenants en plastique jetable pour le conditionnement des fruits et légumes, jusqu’à 1,5 kg. Avec ce calendrier en tête, Frédéric Salomon, avec son associé Florian Lefebvre, le dirigeant de Plastisem, lance ses prospections clients, et in fine, un investissement de 4 millions d’euros pour se doter d’une usine, inaugurée à Wattrelos à l’été 2023. Sauf qu’entre-temps, la donne a clairement changé.

Un coup dur

"Le décret concernant les emballages des fruits et légumes a été attaqué devant le Conseil d’État fin 2022, parce qu’il prévoyait un échelonnement de son entrée en vigueur, en fonction des produits concernés. Cela a été jugé illégal, et en décembre 2022 le Conseil d’État a retoqué le décret et demandé au gouvernement de prévoir une même date butoir pour tous les fruits et légumes", retrace Frédéric Salomon.

Oui mais, quand le décret paraît à nouveau, en juin 2023, son contenu a bien changé. 29 fruits et légumes ne sont désormais plus concernés par l’interdiction des emballages plastiques, dont les fruits rouges et les champignons, premières cibles de Daurema.

"Ça a été un coup dur. Nous venions d’investir dans notre usine, et d’acheter pour 300 000 euros de moules, pour des formats de barquettes spécifiquement destinés aux producteurs de champignons et de fruits rouges. Après la parution du nouveau décret, on n’a plus beaucoup eu de nouvelles de nos prospects, et on peut les comprendre : nos barquettes coûtent 8 centimes pièces, contre 4 centimes pour celles en plastique. Sans la contrainte de l’interdiction, le calcul est vite fait", reconnaît, fataliste, Frédéric Salomon. Qui tient tout de même à souligner l’engagement de certains de ses clients, comme la champignonnière Champicarde, qui a maintenu sa sortie du plastique.

Adapter sa stratégie

Après cette déconvenue, Daurema adapte sa stratégie, pour adresser les producteurs toujours concernés par l’interdiction du plastique en janvier 2024. "En l’état, nos barquettes peuvent convenir pour les kiwis et les fruits à noyaux, pêches ou abricots, dans des conditionnements de 500 grammes. Nous nous sommes donc tournés vers ce marché, avec des retours plutôt encourageants pour la saison prochaine. Mais cela va sans doute nous obliger à réinvestir plus tôt que prévu dans de nouveaux moules, pour pouvoir proposer des barquettes d’un kilo, plus demandées sur ces types de fruits", détaille Frédéric Salomon.

Cet automne, c’est sur Bruxelles que le dirigeant a un œil. Un règlement européen portant sur les emballages, la Proposal Packaging and Packaging Waste, dite PPWR, y est en discussion. Selon l’issue des débats, la loi pourrait accélérer, ou contrarier encore, le développement de Daurema. "Ces aléas réglementaires sont une source de stress importante, parce que nous n’avons pas du tout la main dessus. Et de l’autre côté, beaucoup de prospects attendent d’être sous le coup de la loi pour agir, le plus tard possible. Mais même si certains revirements peuvent nous ralentir, je sais que nous sommes dans le sens de l’Histoire, et que tôt ou tard, la loi sera de notre côté," raisonne Frédéric Salomon.

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