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Coronavirus - Lahaye Global Logistics : « La filière transport a un rôle sociétal à jouer »
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Patrick Lahaye PDG de Lahaye Global Logistics Coronavirus - Lahaye Global Logistics : « La filière transport a un rôle sociétal à jouer »

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Le transporteur et logisticien breton Lahaye Global Logistics (1 300 salariés, 180 M€ de CA en 2019), qui compte 600 camions parcourant 300 000 km quotidiennement, poursuit son activité malgré une baisse de son volume d’affaires et des conditions de travail dégradées pour ses conducteurs. Le PDG du groupe de Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine), Patrick Lahaye, s’attend à un mois d’avril compliqué et a déjà pris des mesures pour sécuriser sa trésorerie.

Pendant la crise du coronavirus, le PDG de Lahaye Global Logistics, Patrick Lahaye, peut compter sur le soutien de ses conducteurs mais témoigne de difficultés grandissantes pour leur travail quotidien, et l'activité en général — Photo : Baptiste Coupin - Le Journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Quel est l’impact de la crise du coronavirus pour votre activité ?

Patrick Lahaye : Nous avons deux types d’activités. Sur les 180 millions d’euros de chiffre d’affaires que nous réalisons, on en fait 90 millions en « frigo » (température dirigée, NDLR), auprès des acteurs de la grande distribution et de l’agroalimentaire et 90 millions en fret dit « industriel ». En frigo, nous avons été en suractivité la première semaine vu que les gens se sont précipités dans les supermarchés. Ça s’est tassé la deuxième semaine. Et nous nous retrouvons, à fin mars, avec un volume d’affaires de - 20 %. L’autre partie de notre activité est liée à nos clients qui travaillent dans l’industrie : les Brico Dépôt, Leroy Merlin, Castorama ou Ikea. Or, toutes ces entreprises ou presque sont à l’arrêt aujourd’hui… Il y avait encore une inertie d’activité sur le mois de mars mais là ça devient plus dur, beaucoup, beaucoup plus dur.

Comment anticipez-vous ce mois d’avril qui démarre ?

Patrick Lahaye : Nous vivons au jour le jour. Nous sommes incapables de savoir quand est-ce que ça va reprendre, qui va rouvrir, qui va fermer et quelles seront les difficultés. L’impact sur le chiffre d’affaires ne pourra être quantifié qu'à la fin de la crise, mais on table déjà sur une baisse assez conséquente. De l’ordre de -30 %, sans doute. -40 %, je ne l’espère pas… Nous avons une trésorerie qui nous permet de gérer les semaines à venir, nous avons demandé des reports d’échéance auprès de notre banque, donc dans l’immédiat ça va, mais c’est le « après » qu’il va falloir gérer…

« Nous vivons au jour le jour. »

Comment êtes-vous organisés aujourd’hui ? Avez-vous mis en place des mesures de chômage partiel ?

Patrick Lahaye : Nous fonctionnons avec 15 % d’effectifs en moins environ. Ce sont soit des personnes qui doivent garder leurs enfants, qui ont des pathologies à risque ou qui sont en chômage partiel. Cela représente environ 150 personnes à l’arrêt.

Les camions de Lahaye Global Logistics parcourent 300 000 km sur les routes d'Europe, tous les jours — Photo : © Lahaye Global Logistics

Les conditions de travail des chauffeurs se dégradent sur les routes. Comment cela se traduit-il pour vos employés ?

Patrick Lahaye : Ce sont des problèmes épisodiques mais tous les jours il y a des histoires à raconter. Au tout départ, nos employés ne pouvaient par exemple pas accéder aux aires de stationnement de certaines stations-service. Des clients ont aussi exigé que nos chauffeurs portent des masques ou ne descendent pas du camion le temps du déchargement. Enfin, des entrepôts n’ont plus eu la capacité de réceptionner de nouvelles marchandises parce qu’ils sont pleins. Les difficultés sont nombreuses…

« Si je fais un trajet Rennes-Paris mais que je n’ai rien à ramener de Paris, il vaut mieux laisser le camion dans la cour. »

Dans ces conditions, avez-vous prévu d’arrêter certaines routes ou de ne plus livrer certains clients ?

Patrick Lahaye : Non, nous poursuivons nos opérations de transport en France, en Angleterre et en Allemagne. Mais ce qui va devenir très compliqué dans les jours et les semaines à venir c’est de répondre aux exigences du client tout en trouvant notre équilibre économique sur le fret. Parce qu’à chaque fois que nous livrons quelque part, nos camions reviennent chargés. Un camion ça ne roule jamais à vide… Si je fais un trajet Rennes-Paris mais que je n’ai rien à ramener de Paris, il vaut mieux laisser le camion dans la cour et se mettre en chômage partiel. Et c’est là que ça va être compliqué, parce que, faute de marchandises au retour, ça va engendrer un surcoût important pour le client.

Des syndicats ont appelé les chauffeurs routiers à des débrayages, le 30 mars, en raison du danger sanitaire. Ce mot d’ordre a-t-il été suivi dans votre entreprise ?

Patrick Lahaye : Non, nous n’avons pas eu de débrayages. Au contraire, il y a une certaine solidarité du personnel et des gens du transport en général. Nous avons fourni aux chauffeurs du gel hydroalcoolique, des lingettes et des masques. Quand on fait du transport frigorifique, il y a une certaine culture de l’hygiène et du respect des choses. On a été très réactif et ça a été très vite compris et appliqué.

« Pour nourrir le peuple, il faut des camions. »

Dans le contexte économique difficile et incertain qui s’annonce, le secteur du transport apparaît essentiel pour la continuité de l’activité économique du pays. Comment appréhendez-vous votre rôle ?

Patrick Lahaye : Sans nous, tout s’arrête. Si on n’était pas là, la situation serait beaucoup plus grave que ça. Tout passe dans les camions à un moment ou à un autre parce qu’on n’a pas tous un agriculteur à côté de chez nous pour nous fournir. C’est primordial d’avoir des infirmiers dans les hôpitaux pour soigner les malades mais, pour nourrir le peuple, il faut des camions ! On fait partie des entreprises qui se doivent de fonctionner parce qu’on a un rôle sociétal à jouer.

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