Les pêcheurs bretons mesurent déjà les premiers effets du Brexit
# Pêche

Les pêcheurs bretons mesurent déjà les premiers effets du Brexit

S'abonner

Quelques jours après la signature d'un accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, les ministres Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune sont venus porter la bonne nouvelle – ou plutôt la moins mauvaise – aux pêcheurs bretons, à Lorient, le 4 janvier. La vigilance reste de mise car les nuages s’amoncellent déjà.

Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian (au centre) a donné rendez-vous aux pêcheurs bretons dans trois mois pour s'assurer avec eux du respect de l'accord post-Brexit — Photo : Xavier Eveillé

Si l’accord trouvé suite au Brexit permet aux pêcheurs de l’Union européenne de continuer à pêcher dans les eaux britanniques jusqu’en juin 2026 (avec une baisse des captures de 25 % quand les Britanniques réclamaient 80 %), les premiers bouleversements liés à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne se font déjà sentir. Venus à la rencontre des acteurs de la pêche bretons à Lorient le 4 janvier, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes Clément Beaune ont rappelé que l’accord prévoyait des mesures de rétorsion en cas de non-respect. Ils ont donné rendez-vous dans trois mois pour un premier état des lieux.

Des arrivages au ralenti

Premiers effets : les arrivages en provenance des côtes britanniques tournent au ralenti. « Nous avons des certificats en Écosse, résume Jean Besnard, dirigeant des Ets Moulin Marée (24 salariés), mareyeur à Lorient-Keroman. Le problème n’est pas le temps de transport mais celui des autorisations. Les nouvelles formalités de contrôle des camions vont entraîner des retards de livraisons. » Bien que promulgué, l’accord de pêche n’est pas encore appliqué dans la zone des 6-12 milles ni dans la zone des îles anglo-normandes.

Et les Britanniques feraient preuve d’un certain zèle en douane. Un spécialiste des questions de pêche estime la situation ainsi : « Les pêcheurs britanniques sont amers et considèrent qu’ils ont été mal défendus. Résultat, ils mettent des bâtons dans les roues sur tout. Les Britanniques retardent les expéditions, traînent à délivrer les papiers… Or, le temps est primordial, gage de fraîcheur. Si le poisson met 24-48 heures pour venir au lieu de 12 heures, l’impact sur la fraîcheur et donc les prix est considérable. »

Mareyeurs, armateurs et Nord Bretagne en première ligne

Les premiers impactés sont les mareyeurs qui centralisent les captures. « Nous souhaitons avant tout le respect des engagements pour que tout se débloque. Ce n’est pas leur intérêt : nous avons aussi besoin de poisson anglais », poursuit Jean Besnard. Les pêcheurs du nord Bretagne sont aussi fortement impactés car ils pêchent surtout dans les eaux britanniques et près des îles anglo-normandes. En Bretagne sud, les gros armements sont également concernés : à titre d’exemple, à Lorient, les neuf bateaux de la Scapêche (sur 23 navires), qui emploie en tout 250 marins et 50 salariés à terre, et les six bateaux de l’Apak, regroupement de plusieurs patrons pêcheurs, pêchent essentiellement au large des côtes britanniques, en particulier en Écosse. Or, ils génèrent 40 % du chiffre d’affaires du port de Lorient (72 millions d’euros en 2019 pour 110 bateaux en tout).

Chaises musicales

Un autre enjeu se profile : la réorganisation des zones de pêche entre Européens eux-mêmes. « La Bretagne risque d’être l’un des grands perdants du Brexit car les pêcheurs des Hauts de France et de Normandie vont venir pêcher plus à l’ouest », redoute Olivier Le Nézet, le président du comité régional des pêches de Bretagne. Et venir partager la ressource que les Bretons exploitaient près de leurs côtes. « Les Bretons doivent trouver des solutions, peut-être avec les Irlandais qui sont isolés et demandeurs. Comme pour la pandémie, le Brexit va rebattre les cartes. Ceux qui seront force de propositions seront les gagnants de demain. »

# Pêche