Agroalimentaire : « Faire de la Bretagne une zone franche »
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Agroalimentaire : « Faire de la Bretagne une zone franche »

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Alors que le tissu économique breton est assommé par le naufrage de son agroalimentaire, Alain Glon, P-dg du groupe de 3.350 salariés monte au créneau.
— Photo : Le Journal des Entreprises

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ourquoi la situation agroalimentaire bretonne a-t-elle changé ? Le pouvoir d'achat du consommateur ne lui permet plus d'acheter des poulets labélisés ! Les pays voisins ont fait simple : de la bonne viande sans les rubans autour qui augmentent le prix ! Et ils déboulent sur notre marché... On voudrait plus d'élaboration, alors que nos coûts de revient sont plus élevés. Que le ministre prenne conscience d'une réalité : quand on est dans un pays perdant, la destruction d'un des maillons de la filière entraîne la chute de toutes les autres. C'est le phénomène bien connu des dominos.
Les projecteurs sont braqués sur la Bretagne, écotaxe et agroalimentaire sont-ils indisocciables ? Il ne s'agit pas de se raccrocher... Mais l'ensemble du système se tient. Un grand nombre d'agriculteurs et de salariés ont fait confiance au système. Et tout s'effondre. Aujourd'hui, on parle de Gad. Mais cela va se reproduire dans d'autres entreprises. Notre retard de compétitivité par rapport à l'Allemagne, la Belgique et la Hollande est d'environ 14 % dans l'agroalimentaire ! Cela résulte du prix de la main d'oeuvre et d'un manque d'investissement. Nous n'avons jamais pu garder les marges d'autofinancement qu'il aurait fallu pour moderniser. Prenez nos poulaillers, par exemple, ils ont une moyenne d'âge de 25 ans alors qu'ils étaient prévus pour 15 ans... Imaginez ce que peut-être leur isolation thermique... La France recule aussi vite que les autres avancent. Quand eux gagnent 1 %, nous perdons 1 %. Ils peuvent déverser chez nous tous leurs excédents de production. La France va tomber dans une dépendance alimentaire. Nous importons déjà 50 % de nos poulets.
Comment s'opère la pression de la grande distribution ?

Les grands distributeurs ne nous demandent pas de baisser les prix tout de suite. Mais ils nous rappellent notre différentiel de compétitivité de 14 % par rapport aux Allemands, et soulignent qu'il s'accroît de 2 % par an. Ils nous interrogent sur notre avenir dans cinq ans... en nous demandant des garanties sur notre compétitivité. Ils préfèrent commencer à se retirer progressivement et sans faire de bruit... Mais ça nos dirigeants ne peuvent pas le comprendre. Ils sont dans un autre monde !
Que faut-il faire alors ?
Il faudrait faire de la Bretagne une sorte de zone franche agroalimentaire. Depuis 30 ans, la France refuse son adaptation au monde. Aujourd'hui, nous avons un saut de 30 % de compétitivité à réaliser ! Combien d'entreprises en sont capables ? Une refondation est nécessaire. Ce ne sont pas des mesurettes, des rabais sur tel ou tel écotaxe qui vont changer la situation...
En quoi la Bretagne serait-elle plus légitime qu'une autre région à devenir zone franche ?
La Bretagne est un cas particulier... C'est elle qui fabrique le plus de produits élaborés en France, voire en Europe. La France aurait dû prendre la Bretagne comme terrain d'expérimentation. Mais jamais nos dirigeants n'ont accepté de différences... Or la France, pour s'en tirer dans la compétition mondiale, doit valoriser les talents des régions. On ne peut pas appliquer une règle uniforme aux Bretons et aux Corses ! L'économie souterraine en France est de l'ordre de 15 %. En Bretagne, elle se situe à 3 %. Cela veut dire que son retard à tricher lui vaut 10 % d'impôts supplémentaires ! Et donc quand la fiscalité monte, la région boit la tasse bien avant les autres ! Ou les Bretons trichent sur leurs valeurs et mettent du cheval dans les lasagnes ou ils affrontent le système. Et nous, nous préférons affronter le système !

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