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Saïd Chabane (Angers Sco) : « La bonne santé d'un club de foot est le reflet de la bonne santé du territoire »
Interview Angers # Sport

Saïd Chabane président d'Angers Sco Saïd Chabane (Angers Sco) : « La bonne santé d'un club de foot est le reflet de la bonne santé du territoire »

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En 2011, Saïd Chabane prenait les rênes du club de football d’Angers Sco, alors en Ligue 2. Bien installé maintenant dans l’élite du football français, le club entame sa cinquième saison en Ligue 1, mais reste l’un des petits Poucet du championnat, avec le 19e budget sur 20 clubs. Dirigeant également du groupe agroalimentaire sarthois Cosnelle, qu’il a fondé en 1997, le président Chabane mène de front les deux entreprises, très éloignées l’une de l’autre, mais, en beaucoup de points, similaires.

Saïd Chabane, également président du groupe industriel Cosnelle dans la Sarthe, est à la tête du club de football Angers Sco depuis 2011 — Photo : Ouest Medias

Le Journal des Entreprises : Depuis 2011, vous êtes président du club Angers Sco. Une forme de routine s’est-elle installée ?

Saïd Chabane : Non ! Il n’y a absolument aucun sentiment de routine. J’aimerais bien parfois qu’il y en ait un peu, cela signifierait que tout va bien ! Mais d’un autre côté, si la routine s’installait, cela signifierait que l’on n’avance pas. Or le club continue d’avancer, avec un vrai projet, mené par les mêmes hommes. Le staff s’est étoffé, mais le coach, le manager général, le directeur commercial et les équipes administratives sont toujours les mêmes. Dans un groupe industriel comme dans un club, la réussite est celle de toute une équipe. Il faut savoir déléguer et faire confiance. Angers Sco, ce sont 120 à 130 personnes. Les joueurs ne sont que la partie visible.

Un club est-il une entreprise comme les autres ?

S. C : C’est une entreprise à part entière, avec ses spécificités : une entreprise indépendante, dont l’actionnaire est le propriétaire, mais qui appartient également aux supporters, à la ville, aux partenaires. Néanmoins, un club reste une entreprise, dans laquelle il y a peut-être moins de constance et de visibilité, car une saison peut se jouer sur un seul but.

« Pour être président, il faut un minimum de passion. Mais elle ne doit pas prendre le dessus sur la réalité. »

Mais il y a des risques dans toutes les entreprises : une crise alimentaire, comme une descente en Ligue 2, peuvent être des catastrophes industrielles. Il faut toujours penser à cela en concentrant ses forces sur l’avenir, en anticipant et sans paniquer face à la difficulté. S’il y a une faille, tout le monde s’y engouffre. Il faut donc rester droit dans ses bottes et ne pas perdre de vue son projet.

Quel est le rôle d’un président de club de football ?

S. C : Je suis un chef d’orchestre. Je veille à ce que tout soit mis en musique, et que chaque spécialiste maîtrise parfaitement son domaine. Il faut ensuite laisser l’artiste s’exprimer sans qu’il sorte de son territoire et de sa partition. Mais il y a l’incertitude du sport, et là, pendant les 90 minutes d’un match, je ne maîtrise plus rien. Pour être président, il faut un minimum de passion mais raisonnablement, et il ne faut pas qu’elle prenne le dessus sur la réalité. Un club n’est plus la danseuse d’un président.

Chaque week-end, on parle d’Angers dans les médias. Le club est un véritable ambassadeur ?

S. C : Oui, on place maintenant mieux Angers sur la carte de France… Plus sérieusement, on parle effectivement aujourd’hui plus d’Angers et du territoire angevin. La ville est sous les projecteurs et le football l’a aidée en cela, par l’accession en Ligue 1 ou la finale de la Coupe de France en 2017. Il y a aussi localement un développement à grande vitesse, sur les plans économique et des infrastructures, qui y contribuent.

« Nous avons l’obligation de véhiculer une bonne image. C’est aussi une responsabilité. »

Le club est une locomotive en termes d’image de la ville et cela crée une dynamique. Mais la pression est aussi plus forte, au-delà du résultat : cela impose de garder un équilibre, des valeurs de fidélité et de travail. Nous avons fédéré les différentes forces locales autour du club dans sa construction, mais l’image des partenaires du club est engagée. On a donc l’obligation de véhiculer nous aussi une bonne image. C’est aussi une responsabilité. Un club est en lien avec l’économie locale, et sa bonne santé est le reflet de la bonne santé du territoire.

Vous avez acquis en 2018 le club de handball d’Angers Noyant, devenu désormais Angers Sco Handball. Pourquoi ?

S. C : Cela entre dans la stratégie du développement de la marque Angers Sco. C’est ce que nous avons fait avec le club de futsal que nous avons créé, installé dans l’enceinte du stade Raymond-Kopa. L’objectif est de la développer avec d’autres sports, mais il est encore trop tôt pour en parler.

Le Mans FC a accédé cette saison à la Ligue 2. Vous qui vivez en Sarthe, où votre groupe industriel est installé, n’avez aucun regret de ne pas avoir pris un jour la présidence du club ?

S.C : Aucun ! Quand j’ai repris Angers Sco, le club du Mans était déjà en Ligue 2. La question ne se posait donc pas et si j’avais le choix, je referais la même chose. J’ai beaucoup de liens économiques avec la Sarthe, par mes activités industrielles. J’y habite et je suis toujours vice-président de la CCI 72. La montée du club va apporter au Mans une autre dynamique sur le plan économique. Le stade de football est un lieu facilitateur pour les relations entre les chefs d’entreprise. C’est l’un des endroits les plus importants de la vie économique d’un territoire.

Vous êtes angevin, sarthois ?

S.C : Ni plus angevin que sarthois. Algérien ! Je suis né à Alger, je suis algérien ! Avec des clubs de cœur : Angers Sco, évidemment, l’Olympique de Marseille et la JS Kabylie.

S.C : Vous êtes aussi président du groupe agroalimentaire Cosnelle, que vous avez créé, spécialisé dans les produits de charcuterie et de salaisons avec 5 filiales de production. Comment se porte cette activité ?

Le groupe représente 450 salariés pour environ 170 millions d’euros de chiffre d’affaires. Actuellement, nous subissons une très importante hausse du prix de la matière première. Le prix du porc a augmenté de 37 %. Cela engendre donc des perturbations et nous essayons de voir comment nous en sortir face à cette situation qui semble partie pour durer. Il faut que l’on répercute cette hausse et le danger est de voir disparaître un certain nombre d’acteurs.

S.C : Comment voyez-vous l’avenir d’Angers-Sco ?

Le club va fêter ses cent ans cet automne, ce qui sera un événement important pour nous, pour les supporters et pour la ville. L’avenir ne sera sans doute pas un long fleuve tranquille mais je suis serein. Si on peut avoir de l’adrénaline mais dans une situation maîtrisée, ce sera pas mal !


Le club investit 20 millions d’euros au stade Raymond-Kopa

Angers Sco a signé avec la ville d’Angers un bail emphytéotique de 35 ans pour la location du stade Raymond-Kopa. Le club va y investir 20 millions d’euros dans la construction d’une nouvelle tribune rue Saint-Léonard, avec entre autres salles de conférences, amphithéâtre, restaurant gastronomique, loges réversibles pour être aménagées en salles de réunion… Les travaux ont débuté et l’ensemble devrait être opérationnel en juillet 2021 : « L’objectif de ce projet, c’est de créer une économie autour du club. Actuellement, nous avons un budget de 32 M€, le 19e de Ligue 1 avant Nîmes, majoritairement grâce aux droits télévisés. Avec les activités dans le stade, nous aurons peut-être la possibilité d’arriver à 50 % de notre budget hors droits TV. Si autre chose fonctionne en plus du club, cela solidifie les fondations. » C’est aussi pour le président, même s’il ne l’envisage absolument pas, un moyen de minimiser les pertes en cas de moment difficile, comme une éventuelle descente en ligue 2.

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