Dans l’entourage de Christian Faivre, ils sont au moins cinq à lui demander de ralentir le rythme : sa femme Marie-Odile, ses trois garçons et son médecin. « Mais je n’y arrive pas… », confesse le patron d’ER Ingénierie, âgé de 64 ans. « Je suis toujours passionné par mon métier, je n’arrive pas à imaginer en faire moins ». Qu’est-ce qui différencie le dirigeant d’une belle PME de 40 salariés, qui pèse 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, du jeune ingénieur de 34 ans qui a créé ER Ingénierie en 1987 ? Rien, si ce n’est 30 ans d’expérience et quelques cheveux blancs.
De l'Irak à la Lorraine
Originaire de Rupt-sur-Moselle, marié en 1981, Christian Faivre lance sa carrière en mettant le cap sur le Moyen-Orient pour un groupe français. « Mon patron m’a donné ma chance. J’ai beaucoup appris, mais au bout d’un moment, je ne savais même plus où j’habitais. » Sa dernière mission l’emmène à Kirkouk au nord de l’Irak. « Je me suis dit que si j’arrivais à m’en sortir dans un pays comme celui-là, sans route, sans eau, sans infrastructure, créer son entreprise en France ne devait pas être si compliqué ».
Christian Faivre choisit de rééquilibrer travail et vie familiale, s’installe à Maxéville pour concevoir des machines spéciales, et très vite, décroche de premières références pour les grands équipementiers automobiles : « En 1989, j’ai embauché un premier ingénieur et nous avons installé notre première station de CAO. L’investissement était énorme, quelque chose comme 120.000€ aujourd’hui… » Les lignes d’assemblage d’ER Ingénierie sont déjà innovantes et les grands groupes emmènent la petite entreprise lorraine à l’export. « C’est là que nous avons acquis une grande expertise, en suivant les exigences des équipementiers automobiles ».
L’usine du futur ? « Une révolution »
En 1998, Christian Faivre anticipe la dégradation du marché de l’automobile : ce secteur, qui pèse 80% de son chiffre d’affaires, va être remplacé par l’agroalimentaire, l’environnement et la chimie-pharmacie. Toute l’expertise d’ER Ingénierie repose sur les hommes, et Christian Faivre sait faire confiance et repérer les talents. Et se désole quand il n’arrive pas à pourvoir cinq postes dans son entreprise : « J’ai du mal à recruter et pourtant, la Lorraine compte une liste d’écoles d’ingénieurs longue comme le bras. »
En 2009, il commence à prospecter au Maroc, grâce au programme Autoessor piloté par Vincent Carel, de la CCI Lorraine. « J’ai senti qu’il y avait du potentiel. » Mais le dirigeant, prudent, ne veut pas brûler les étapes : c’est en 2013 qu’il ouvrira sa première filiale à Tanger, dirigée par un jeune VIE, Baptiste Portebois. Aujourd’hui, les deux filiales marocaines d’ER Ingénierie emploient une dizaine d’ingénieurs et de techniciens marocains. L’avenir ? C’est l’usine du futur et la robotique. Du haut de son expérience, le patron d’ER Ingénierie voit ce mouvement comme une « révolution », à laquelle il a hâte de prendre part. « Mais pour y aller, il faut aussi que les clients acceptent cette rupture… ». On peut compter sur Christian Faivre pour les convaincre, toujours avec passion.