Anne Ribayrol-Flesch : « Nous voulons une excellence de la filière de l’eau au niveau international »
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Anne Ribayrol-Flesch présidente de France Water Team Anne Ribayrol-Flesch : « Nous voulons une excellence de la filière de l’eau au niveau international »

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Anne Ribayrol-Flesch vient de prendre la présidence de France Water Team. Cette structure regroupe les trois pôles de compétitivité français spécialisés dans l'eau, dont Hydreos dans le Grand Est. La dirigeante lorraine revient sur les enjeux de cette fusion.

Messine depuis 38 ans et Luxembourgeoise d'origine, Anne Ribayrol-Flesch est la première présidente de la Fédération France Water Team qui a vocation à donner une envergure nationale et européenne à la filière de l'eau — Photo : © Jonathan Nenich

En tant que présidente du pôle de la filière de l’eau du Grand Est, Hydreos, pouvez-vous estimer le poids économique de l’eau dans la région ?

Anne Ribayrol-Flesch : La filière de l’eau représente 500 entreprises et 20 000 emplois dans le Grand Est. L’eau, c’est un ensemble de thématiques depuis l’eau potable et l’assainissement, jusqu'au thermalisme. C'est aussi les nappes phréatiques, les eaux industrielles, l’énergie, l’agriculture, la santé… En 2010, nous avons créé le pôle de compétitivité Hydreos, pour réunir tous les acteurs de la filière. Nous sommes aujourd’hui 160 adhérents, avec 80 % d’entreprises qui sont des TPE, PME, ETI et de grands groupes comme Veolia, Suez, EDF, PAM, Engie, Saur. La création d'Hydreos s’imposait au vu du nombre d’acteurs de la filière présents et des enjeux liés à l’eau dans la région.

Quelles sont les actions du pôle Hydreos ?

A.R-F. : Hydreos a pour fondement le développement des entreprises, afin de générer de la valeur ajoutée et des emplois par l’innovation collaborative. Nous animons leur écosystème, en y intégrant les collectivités et les laboratoires de recherche. Nous les aidons à monter des projets innovants pour les accompagner de l’idée à la conception du produit, jusqu’à la mise sur le marché. (Hydreos a accompagné par exemple le projet Émilie porté par Ixsane, pour accélérer le développement d'une gestion dynamique des réseaux d'assainissement. Un projet parmi de nombreux autres, NDLR). C’est là le retour sur investissement pour une entreprise qui adhère. Le laboratoire de recherche va permettre de développer le process, jusqu’à son application. La filière de l’eau ne peut se passer du monde académique. La région dispose d’une centaine de chercheurs spécialisés dans le domaine de l’eau et les scientifiques apportent une formation d’excellence pour les jeunes qui intégreront ensuite les entreprises. Le rapprochement des laboratoires de recherches universitaires et des entreprises du territoire pour concrétiser ces projets d’innovation est l’une des missions principales d'Hydreos.

Le pôle Hydreos peut-il constituer un moyen de trouver des financements pour les projets innovants des entreprises ?

A.R-F. : Le temps de l’entreprise est souvent court, il faut apporter des réponses rapides à la demande. L’équipe d'Hydreos est sur le terrain et les sollicite pour passer le cap soit vers le national soit vers l’international. C’est du réseau, du maillage à valeur ajoutée. Pour y parvenir, le nerf de la guerre, c’est effectivement le financement. En fonction du type et de la taille du projet, Hydreos peut les orienter vers des guichets, qu'ils soient dans la région, à Paris ou à Bruxelles. Nous suivons tous les appels à projets qui intéressent la filière. Nous sommes des facilitateurs. En France il existe deux autres structures comme la nôtre : Aqua Valley, le pôle de l’eau de la Région Sud et de l'Occitanie, basé à Montpellier, et Dream Eau et Milieux présent dans la Centre - Val de Loire, basé à Orléans.

Depuis le 12 septembre dernier, ces trois pôles de compétitivité se sont fédérés pour lancer l’Association France Water Team. Pourquoi ?

A.R-F. : France Water Team s’inscrit dans la lignée de ce que souhaitait la phase 4 des pôles de compétitivité demandée par le gouvernement. Nous avons constitué un dossier commun entre Aqua Valley, Dream Eau et Milieux et Hydreos afin de rassembler nos ambitions, selon un modèle fédératif. La fédération France Water Team a été labellisée par l’État comme pôle de la compétitivité de l’eau : elle forme un écosystème d’innovation fort de 500 adhérents, dont 400 entreprises de toutes tailles. Il y a aussi 60 établissements de recherche et de formation. Le travail collaboratif est le maître mot de France Water Team. J’en suis la présidente mais nous avons prévu tous les deux ans une rotation entre les présidents des trois pôles. Les deux autres, Daniel Pierre et Sylvain Boucher (respectivement présidents de Dream Eau et Milieux et Aqua Valley, NDLR) sont présidents délégués. Le siège social est à Montpellier.

Que peut apporter concrètement la Fédération France Water Team aux entreprises de la filière ?

A.R-F. : Cette structure mutualise les fonctions comme l’aide aux entreprises vers l’international, le suivi des plans européens… Dans notre filière, nos interlocuteurs sont souvent nationaux : la Direction Générale des Entreprises, le ministère de l’Environnement… Ainsi, il est plus structurant et efficace d’être un pôle de compétitivité national. Nous pouvons faire entendre notre voix à l’international, peser sur les futures orientations européennes de la filière et participer aux salons. Mais aussi être des partenaires face aux situations de crise liées à l’eau, comme les catastrophes naturelles en lien avec le changement climatique.

« France Water Team forme un écosystème d’innovation forts de 500 adhérents, dont 400 entreprises de toutes tailles »

Notre objectif est également de réunir les clusters et d’agglomérer d’autres acteurs de la filière de l’eau. Nous voulons une excellence de la filière de l’eau au niveau national et international, prendre le leadership sur certains projets européens à plusieurs pays et permettre à nos entreprises adhérentes d’identifier de nouveaux marchés au-delà de nos frontières.

La création de France Water Team n’induit-elle pas une perte d’autonomie et d’identité des pôles régionaux dont fait partie Hydreos ?

A.R-F. : Bien au contraire. Le bénéfice d’une fédération d’envergure nationale est d’offrir des services en plus à nos adhérents et de permettre une lecture clarifiée au niveau politique. Nous travaillons en étroite collaboration avec les présidents de Région. Ils sont financeurs et attendent de nous une animation locale dynamique et de proximité. L’ancrage territorial constitue l’essence même de notre identité. Nous nous devons d’être proches de nos entreprises afin d’en cerner leurs enjeux et problématiques. Nos adhérents continuent de cotiser auprès d'Hydreos. France Water Team renforce la coopération stratégique et opérationnelle et a vocation à poursuivre le travail engagé par les pôles régionaux, qui ont déjà accompagné 18 projets européens depuis 2013.

De façon générale, comment se structure la filière de l’eau à l’échelle nationale ?

A.R-F. : A l’Ouest et au sud du pays, il existe des pôles de compétitivité spécialisés sur l’eau de mer, avec qui nous pourrons travailler ponctuellement. La filière de l’eau est organisée en France. Le Comité Stratégique de l’Eau a été labellisé en 2018, par le Conseil National de l’Industrie présidé par Édouard Philippe : le CSF Eau constitue son bras armé pour notre filière. C’est une belle reconnaissance industrielle pour la filière qui permet de faire connaître à l’international les réalisations industrielles françaises liées aux technologies de traitement d’eau et d’assainissement, aux technologies des réseaux… L’un des enjeux est de structurer les technologies de bio essais comme solution de détection de la pollution de l’eau.

Vous êtes aussi directrice générale du « pôle eau et environnement » du groupe Pingat, première vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) du Grand Est et présidente du conseil d'administration de l’ENGESS (École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg). Comment conciliez-vous ces activités ?

A.R-F. : Toutes mes activités sont en lien direct avec l’eau, ressource qui me passionne depuis 30 ans. Je sais organiser mon temps. J’ai cédé ma PME spécialisée dans l’hydrobiologie, Pedon Environnement et Milieux Aquatiques (PEMA), au groupe Pingat (basé à Reims, NDLR) en février dernier, avec qui nous travaillons en toute confiance pour renforcer les activités de mon ancienne société et développer l'activité environnement du groupe. J’élabore aussi un projet innovant avec la start-up Alerion et le Loria : la production d’un hydradrone amphibie qui vole et nage afin de réaliser des prélèvements. Je passe la main facilement mais tant que l’on aura besoin de moi, je répondrai présente.

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