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Logistique urbaine : à Nantes, la bataille du dernier kilomètre fait rage
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Logistique urbaine : à Nantes, la bataille du dernier kilomètre fait rage

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Pendant qu’Amazon et Uber grignotent des parts de marchés, les acteurs locaux, que ce soit les grands groupes comme La Poste ou DB Schenker, jusqu'aux livreurs en vélo tentent aussi d’entrer dans la bataille du dernier kilomètre à la recherche d’un nouveau modèle économique autour de la logistique urbaine.

— Photo : JDE

Comment répondre à l’exigence d’un consommateur ou d’un commerçant du centre-ville qui veut être livré le plus vite possible dans un contexte où la ville est de plus en plus congestionnée et où la réglementation contraindra bientôt les véhicules thermiques à l'arrêt ? À Nantes, l’urgence se fait d’autant plus ressentir que la législation sera très bientôt beaucoup plus contraignante : en septembre 2020, seuls les véhicules propres, fonctionnant à l'électriques ou au gaz naturel, seront autorisés à livrer en ville toute la journée, de 4 heures à 23 heures, comme l'a décidé le conseil municipal. Les autres seront contraints de le faire le matin uniquement, entre 4 heures et 11h30.

Frédéric Vallet, président de DB Schenker France — Photo : Jéromine Doux

Logisticiens et transporteurs commencent donc à changer leur ligne de conduite. Ceux qui ont senti depuis longtemps qu’il y avait un nouveau créneau à prendre roulent à vélo. Il s’agit des entreprises Green Course, Transeco, Bicicoursiers ou encore Les Coursiers Nantais. Le plus ancien s’est lancé il y a 10 ans à Rennes : les Triporteurs de l’Ouest (35 salariés), en croissance de 15% par an, prennent le relais, sur le dernier kilomètre, des transporteurs Dachser, Jefco ou DB Schenker à Rennes, Saint-Malo, Angers, Nantes, Bordeaux mais aussi Strasbourg et bientôt Pau et Montpellier. « Ils réalisent 1 % de nos livraisons », explique Frédéric Vallet, président du groupe de Montaigu DB Schenker (6 200 salariés, 1,5 M d€ de CA) qui réalise 55 000 livraisons chaque jour. Leur atout : un local en hypercentre-ville où ils peuvent transférer les marchandises du camion au vélo cargo. L'entreprise créée par Fabrice Marteaux duplique son concept en créant des licences de marques.

Stéphane Juguet a ouvert le Wattignies Social Club fin juin 2019. — Photo : JDE

Eux ont préféré le statut Scop parce qu’ils voulaient prouver qu’ils existaient un autre modèle social qu’Uber ou Deliveroo pour livrer à vélo. Créés par des anciens livreurs de feu Take Eat Aasy, Les Coursiers Nantais (7 collaborateurs) livrent à vélo cargo les fruits et légumes de Kerbio, la filiale des Côteaux Nantais, aux restaurateurs. Ils viennent de commencer la livraison de repas, avant de s’attaquer, en 2020, à la livraison de colis et visent les 300 000 euros de chiffre d’affaires l’an prochain. Ils aimeraient à terme s'ancrer sur plusieurs quais logistiques, aux quatre coins de Nantes. Le premier vient tout juste d’être inauguré en plein cœur de l’Ile de Nantes, dans le garage de l’anthropologue et entrepreneur Stéphane Juguet, le Wattignies Social Club.

La difficile rentabilité d’un centre de distribution urbain

Un autre quai logistique de 1 500 m² est en train de voir le jour à l’est de Nantes, près de Sainte-Luce-sur-Loire. Il est réservé au projet Urby Nantes (4 salariés) porté par La Poste associé au groupe Keran et Idéa. Nantes est la 9e ville à tester le dispositif qui avait été initié à Grenoble en 2017. Le but est de mutualiser la logistique du dernier kilomètre pour désengorger le centre-ville. Ce sont des camions à faible émission de CO2, des véhicules électriques ou des vélos cargos qui prendront le relais sur le dernier kilomètre. Tous types de publics sont visés : commerçants, artisans, transporteurs, collectivités. « On fédère plutôt qu’on aspire. Nous sommes l’inverse d’Amazon », indique Florent Yann Lardic, PDG d’Urby Nantes. Une deuxième plateforme pourrait être créée à l’ouest de Nantes.

"Les villes se cherchent sur le modèle écologique de demain. Cela va être le gros sujet dans les mois à venir."

Si le modèle de Centre de distribution urbaine (CDU) semble s’imposer comme une solution logistique évidente, il n’est pourtant pas facile à mettre en place. « Il y a eu beaucoup d’échecs, que ce soit en Allemagne ou Italie où le modèle a été lancé dans les années 90 ou même en France, à Monaco, Saint-Etienne », observe Bruno Durand, maître de conférences en logistique à l’université Paris Nanterre-La Défense. En cause : des faibles marges et des clients qui hésitent à confier la livraison à un tiers. Pour La Poste, qui vise à dupliquer le modèle dans 22 villes d’ici à 2021, l’enjeu est de taille. Dans la région, l’activité colis a augmenté de 30 % en trois ans, atteignant jusqu’à 30 000 colis livrés par jour à Nantes.

Lobbying des transporteurs dans les mairies

Les transporteurs aussi se pressent pour trouver une solution de distribution rentable. Chez DB Schenker, à Montaigu, un collaborateur est même chargé de faire du lobbying au sein des collectivités. « Les villes se cherchent sur le modèle écologique de demain. Cela va être le gros sujet dans les mois à venir. Nous avons un salarié à temps plein qui se déplace dans les mairies afin de savoir ce qu’elles feront demain pour la livraison urbaine. Si elles souhaitent plutôt mettre en place des vélos pour livrer, des véhicules à gaz ou électrique », explique Frédéric Vallet, le responsable qui veut ainsi prendre une longueur d’avance.

Le constructeur de poids lourds suédois Scania, implanté à Angers, lui a misé sur une innovation inédite fabriquée à Nantes. City Progress est un concept inventé par le bureau d’études Central Design (2 salariés) dirigé par Frédéric Fournier. Il a inventé un petit véhicule électrique qui peut s’atteler à l’arrière d’un poids lourd de marchandises et prendre le relais sur le dernier kilomètre. Le dispositif est testé actuellement en Charente-Maritime et le sera à Nantes en 2020. Reste à savoir si l'un de ses modèles réussira à s'ériger en modèle dominant.

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