La vague des cosmétiques bio gagne les Pays de la Loire
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La vague des cosmétiques bio gagne les Pays de la Loire

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Alors que le marché des cosmétiques stagne, voire décroît, des entreprises régionales se lancent dans la production de crèmes et de produits de beauté bio, locaux et insolites. Ils sont vignerons, éleveurs d’escargots ou producteurs de sel et n’ont pas peur de se frotter aux mastodontes du secteur.

— Photo : Jéromine Doux

Peu à peu, la vague verte gagne du terrain. Dans les Pays de la Loire, de plus en plus d’entrepreneurs se lancent sur le marché des cosmétiques bio. Éleveurs d’escargots, vignerons ou producteurs de sel : tous découvrent un marché, en pleine expansion.

En Vendée, la marque Royer Cosmétique a vu le jour il y a cinq ans. Olivier et Sébastien Royer, éleveurs d’escargots, sont les fondateurs de cette société. En 2014, ils avaient besoin « d’un nouveau challenge » et ont senti que l’héliciculture pouvait prendre un autre visage. À ce moment-là, les cosmétiques à la bave d’escargot commencent à émerger. D’où l’idée de lancer une crème pour le visage. « J’ai commencé à démarcher les pharmacies qui se trouvaient sur mon chemin lorsque je livrais mes clients restaurateurs », raconte Sébastien Royer.

Rentable en quelques mois

Des points de vente qui lui font confiance et lui permettent en seulement quelques mois d’atteindre la rentabilité. « Dès la première année, nous avons réalisé 250 000 € de chiffre d’affaires », se souvient l’agriculteur, qui vend son pot de crème 39,50 €. « Pour faire baver un escargot, il faut lui chatouiller le pied », explique Sébastien Royer, qui a imaginé une machine capable de chatouiller des milliers d’escargots à la fois. Un travail d’un an de R & D et un investissement de 80 000 € pour la société. Aujourd’hui, cette machine permet de récolter 70 litres de bave par jour pendant la saison, au mois d’août.

Royer Cosmétique réalise 1 M€ de chiffre d’affaires en 2018 et devrait passer à 1,6 M€ en 2019. « Notre image de producteur nous a beaucoup aidés à pénétrer le marché », confie Sébastien Royer, qui emploie quatre salariés. Désormais la marque dispose d’une dizaine de produits. Des cosmétiques présents dans 800 pharmacies, instituts de beauté et magasins bio en France. « Cela a été assez facile », estime le dirigeant.

De 60 à 480 millions d’euros en 13 ans

Car le marché des cosmétiques bio est en pleine croissance. Selon le baromètre de l’Agence BIO/CSA, 57 % des Français ont acheté ces produits en 2018 contre 24 % en 2013. « Le bio représente 5 % du marché de la cosmétique et sa croissance est de 10 % chaque année », explique Marine Pentecote, de l’association Cosmébio qui réunit les acteurs du marché et délivre des labels pour certifier aux consommateurs que les produits sont respectueux de la santé et de l’environnement. « Chaque jour, nous avons de nouvelles adhésions », poursuit-elle. En 2004, le marché des cosmétiques bio pesait 60 millions d’euros. En 2017, il est estimé à 480 millions d’euros.

Comme les autres acteurs locaux de ce marché, Royer Cosmétique fait confiance à un laboratoire pour fabriquer ces produits. Les Salines de Guérande (60 salariés, 23 M€ de CA) se sont, par exemple, associées au laboratoire Science et Nature, basé à Nueil-les-Aubiers (79) et réputé pour ses marques Centifolia et Body Nature, pour lancer Guérande Cosmetics, fin 2016. Une stratégie qui permet à l’entreprise de ne pas faire d’investissement mais surtout d’aller très vite. En deux ans, Guérande Cosmetics s’est, elle aussi, implantée dans 600 points de vente et devrait doubler ce chiffre à l’horizon 2020. « Notre positionnement capitalise à la fois sur la belle image et la forte notoriété de la marque Guérande », analyse Jean-Louis Manceau, le directeur commercial de la marque. Celle-ci a réussi le pari de convaincre les consommateurs avec des cosmétiques à base de sel, d’extraits d’algues, d’argiles et d’eaux-mères, riches en oligoéléments et sels minéraux.

900 boutiques Sephora en Europe

À Gétigné (44), le vigneron Jérôme Bretaudeau et son associé Benjamin Bellet, fondateurs de la société Sarmance, surfent sur la même tendance avec des cosmétiques à base de pousses de sarments de vignes, cultivées en biodynamie. Les vignerons, qui emploient 5 salariés, ont même créé des produits solaires et distribuent leurs gammes dans 400 magasins bio, pharmacies et quelques sites touristiques, comme la Cité du Vin.

Ho Karan, basé à Nantes, a quant à elle misé sur le chanvre, le cousin du cannabis dénué de substances psychoactives. Sa fondatrice, Laure Bouguen, vient de convaincre Sephora de commercialiser ses cosmétiques dans 900 boutiques en Europe.

Présent à Taïwan, en Chine et au Canada

Ces petits Poucet de la cosmétique, nés à peu près au même moment, se taillent en effet une place à l’international. L’Europe, l’Asie et même l’Amérique leur ouvrent les bras. « Les démarches à l’export demandent du temps, mais il y a des perspectives », déclare Jean-Louis Manceau de Guérande Cosmetics. Sarmance a pris pied en Belgique, en Chine et, plus symboliquement en Australie. « Nos atouts qui plaisent à l’international sont l’histoire, les valeurs et l’ancrage de nos produits dans un terroir », témoigne Benjamin Bellet. Royer Cosmétique a, pour sa part, conquis 13 pays dans le monde. « Nous sommes présents à Taïwan, au Canada et nous ciblons désormais les États-Unis, c’est un très gros marché », raconte Sébastien Royer. Évalué à 8,8 milliards d’euros en 2015, le marché mondial est lui aussi en forte croissance et offre de belles perspectives qui n’ont pas échappé aux mastodontes du secteur.

Défriché par des TPE et des PME, le marché des cosmétiques bio ne laisse plus insensible des groupes comme LVMH ou L’Oréal. Il faut dire que le marché traditionnel de la cosmétique stagne en France. Du coup, même les distributeurs, de Carrefour, à Auchan en passant par Monoprix, lancent leurs propres marques. Au total, on en dénombre 450, selon une estimation de LSA-Conso. Pour les nouveaux entrants, il s’agit donc aujourd’hui de composer avec les acteurs historiques de la cosmétique, qui disposent de moyens industriels et d’une force de frappe commerciale bien supérieurs. Tout l’enjeu consiste pour eux à trouver durablement leur place pour éviter qu'après la vague du bio n'apparaisse le ressac.

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