Hubertde Boisredon : La foi dans l'entreprise

Hubertde Boisredon : La foi dans l'entreprise

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En six ans, Hubert de Boisredon a redressé tout un pan d'Armor, fleuron industriel nantais. Une performance qui doit beaucoup à une conscience sociale forgée dans le ghetto du Bronx et les bidonvilles du Chili. Sébastien Payonne
— Photo : Le Journal des Entreprises

S'il avait suivi la tradition d'une famille ayant donné à la France généraux et officiers de réserve, Hubert de Boisredon aurait dû embrasser une carrière militaire. Mais c'est en capitaine d'industrie que les Nantais l'ont découvert en 2004. Ce Francilien quittait alors Rhodia et un poste à haute responsabilité pour rejoindre Armor, un fleuron de l'industrie locale marqué par un contexte social tendu. Acteur reconnu mondialement sur le marché du traitement des encres, l'entreprise, qui emploie près de 700 personnes dans l'agglomération, fait notamment face aux déboires de son activité de fabrication de cartouches d'imprimantes. Beaucoup en prédisent la mort imminente. Six ans plus tard, le paysage est tout autre: les voyants de l'activité cartouches sont au vert, la division dédiée au transfert thermique affiche des ambitions de leadership mondial, et, surtout, Hubert de Boisredon est devenu, dans le cadre d'un LBO, actionnaire et P-dg d'Armor. De prime abord, un tel retournement de situation pourrait faire d'Hubert de Boisredon un de ces «requins» du redressement draconien à la marche ou crève. Il n'en est rien, comme le prouve le retour de la paix sociale dans l'entreprise. Discret, affable, ce diplômé de HEC est au contraire un adepte résolu du développement durable et de la responsabilité sociale. Ne cachant pas une profonde foi religieuse, ce neveu de Charles-Henri Cossé Brissac - ancien président du conseil général de Loire-Atlantique -, se présente d'ailleurs comme un homme d'écoute et d'ouverture, souhaitant avant tout donner du sens social à son action d'entrepreneur.




Dans le ghetto du Bronx

Humanisme et entreprise? Ces termes souvent opposés dans l'imaginaire collectif, Hubert de Boisredon essaie pourtant de les concilier depuis un programme d'études en finance internationale à New York University, dans la grosse pomme des années 80. À l'époque, l'étudiant de bonne famille décide, suite à une rencontre avec Mère Térésa, de servir chaque matin à 6heures la soupe populaire dans le ghetto de South Bronx, y côtoyant sdf, malades du sida et familles en détresse. «L'université nous faisait alors étudier un livre dont le titre était ?Le but d'une entreprise est de maximiser le profit de l'actionnaire ?alors que je voyais au quotidien les ravages de ce système poussé à l'extrême. Je me suis dit que si c'était cela, ça ne comblerait pas ma vie. Il fallait trouver le fil», se souvient-il. Ce fil, il commence à le tirer en rejoignant en 1986 le Chili de dans le cadre de sa coopération. Il contribue alors à créer une société de capital-risque soutenant les PME locales, tout en s'engageant dans un centre de réhabilitation de jeunes drogués. Alors que beaucoup lui suggèrent de rentrer en France pour bâtir sa carrière, il reste pour mettre en place un projet d'entreprise permettant de déjouer les drames humains, nombreux dans le Chili de Pinochet.




Précurseur du microcrédit

En contact avec Muhammad Yunnus, le Bangladais précurseur de la microfinance devenu depuis prix Nobel de la Paix, il crée alors Contigo, une banque de microcrédit soutenant les très petits projets entrepreneuriaux souvent issus des bidonvilles et bien sûr recalés par le système bancaire classique. «Avec 20dollars, on pouvait changer des vies, remettre de la viande sur la table, voir les effets concrets. Mais personne n'y croyait. J'ai dû rentrer en France pour trouver du soutien». La croisade séduit illico Joseph Camille-Genton, le numéro deux de Total, qui lui accorde à titre personnel un soutien financier aussi inconditionnel que rigoureux. Grâce à ce déclencheur, Contingo a fêté l'an passé ses 20 ans, fort de 50.000 micro-entreprises soutenues. Préférant que les Chiliens s'approprient ce succès, Hubert de Boisredon choisit pourtant de quitter l'aventure en 1993 pour rejoindre le groupe Rhône Poulenc, pour lequel il voyagera, de la France à Hongkong en passant par le Japon. Le temps de cultiver son ouverture, de se passionner pour le marketing industriel et d'arriver à de hautes responsabilités, sans jamais manquer d'y injecter une dose de sens à coup de développement durable. Une approche qui fait désormais le bonheur d'Armor. Et qui n'empêche pas le dirigeant de se consacrer à une famille nombreuse, passée de quatre à six têtes blondes y a trois ans, avec l'adoption de deux enfants d'une cousine germaine décédée. Non, Hubert de Boisredon n'est donc pas devenu général. Mais en matière de don de soi, l'homme mérite décidément quelques étoiles.