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Comment Le Camping du bord de mer s'est remis d'un divorce
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Comment Le Camping du bord de mer s'est remis d'un divorce

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C’est l’histoire d’une entreprise qui a bien failli disparaître à cause d’un divorce et d’une spirale infernale de procédures judiciaires. Placé en liquidation judiciaire à l’été 2018, en pleine saison estivale, Le Camping du bord de mer de Saint-Michel Chef-Chef, en Loire-Atlantique, s'est battu pour être sauvé, in extremis, et obtenir un plan de continuation inédit. Un scénario exceptionnel .

— Photo : Amandine Dubiez - Le Journal des Entreprises

C’est elle qui avait craqué à l’époque pour ce camping situé idéalement face à la mer, à l’entrée de Saint-Michel Chef Chef, entre Saint-Brévin et Pornic. C’était en 2006. Après avoir géré pendant deux ans un camping municipal, Adèle Anglio rachète avec son mari Le Camping du bord de mer. « C’était une ruine, il fallait tout refaire », se souvient-elle. Elle qui a fait toute sa carrière dans l’hôtellerie de plein air en Martinique d’où elle est originaire voit tout de suite le potentiel. D’un terrain nu de près de trois hectares, elle prévoit de construire 88 emplacements, d’installer des mobil-homes et de faire construire une piscine. Le couple d’entrepreneurs commence alors à investir et la première saison estivale se passe bien.

Mais le divorce du couple, deux ans plus tard, bouleverse tous les plans. « Pour moi, ce divorce, c’était juste des formalités », se rappelle Adèle Anglio. Elle ne se rend pas compte qu’en devenant unique propriétaire du camping, elle doit racheter la part de son mari : « L’évaluation du terrain a été beaucoup plus élevée que ce qu’on avait acheté. Cela a été le premier coup de plombs dans l’aile », se rappelle la chef d’entreprise. Elle enchaîne alors plus de 12 rendez-vous auprès des banques avant d’en trouver une qui accepte de reprendre son plan de financement.

Elle attaque sa banque en justice

Malgré une activité en hausse avec un chiffre d’affaires passé de 60 000 à 440 000 euros, la situation financière de la dirigeante est toujours délicate. En 2014, l’endettement s’avère trop lourd. La PME qui compte jusqu’à cinq salariés en pleine saison est placée en procédure de sauvegarde.

S’étant laissée convaincre par un conseiller juridique, la dirigeante a assigné sa banque devant le tribunal de commerce pour contester le taux des prêts souscrits et aussi lancé une autre procédure contre le pisciniste. Mais Adèle Anglio perd ses procès. Le conseiller juridique lui réclame le paiement de ses honoraires, y compris pour les procès perdus, qu’elle ne peut pas payer. Elle tente de contester seule, sans avocat, le montant réclamé mais se retrouve quand même condamnée à payer à son conseil une somme qui s’avère trop importante pour sa trésorerie.

« Si vous n’avez pas le cœur bien accroché, cela peut faire mal »

Après l’été 2017, Adèle Anglio se résigne à transformer sa procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, avec de nouveaux délais pour faire le point. Pendant ce temps-là, les rumeurs sur l’avenir du camping gonflent et les commentaires des clients, pas toujours très sympathiques, finissent par plomber le moral de la dirigeante. « C’était indiqué sur le KBis, c’est difficile auprès des fournisseurs », soupire celle qui habite à l’année dans un des chalets du camping. « Si vous n’avez pas le cœur bien accroché, cela peut faire mal ».

Une liquidation judiciaire annulée

Après l’ouverture du redressement judiciaire, le camping est en « période d’observation ». Adèle Anglio s’accroche. « Cela fait dix ans que je travaille, cela ne me fait pas peur, je ne peux pas baisser les bras », confie cette fille de commerçant. À l’approche de l’été 2018, la dirigeante a bon espoir de sortir du redressement judiciaire à l’automne, avec un plan de continuation. Elle mise alors sur la saison estivale pour prouver que son camping est solide. En juillet 2018, coup de théâtre : la liquidation judiciaire est décidée par le tribunal de commerce.

Adèle Anglio ne comprend pas la décision. Celle qui s’était promis de ne plus écouter de conseiller juridique décide de faire confiance à un avocat nantais, Maître Bernard Rineau. Touché par la situation de la dirigeante et pensant qu’une autre issue est encore possible, il s'engage à la défendre, sans certitude de pouvoir encaisser des honoraires normaux : en cas d’échec, la liquidation sera maintenue. Il s'attelle à plaider pour obtenir le blocage de la décision de liquidation, puis son annulation pure et simple. En parallèle, Maître Bernard Rineau parvient aussi à obtenir un bon accord avec la banque, principal créancier : Adèle Anglio obtient un aménagement amiable de douze ans pour rembourser alors que le cadre légal fixe le plafond à 10 ans.

En mai 2019, après plus de 10 ans d’allers-retours devant la justice et presque un an après la liquidation judiciaire de l’été 2018, le tribunal de commerce accepte de donner une nouvelle chance au camping du bord de mer : le plan de continuation proposé est accepté. Un scénario exceptionnel. Adèle Anglio envisage la saison 2019 comme une renaissance mais sait qu’il lui reste encore un cap difficile à passer : effacer des mémoires de ses interlocuteurs qu’une liquidation judiciaire a été prononcée.

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