La dynamique de l'emploi cadre contrariée par la guerre en Ukraine et les difficultés de recrutement
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La dynamique de l'emploi cadre contrariée par la guerre en Ukraine et les difficultés de recrutement

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Parties pour signer une année record, les embauches de cadres devraient finalement marquer le pas en 2022. De quoi freiner la dynamique engagée depuis l'été dernier, sans pour autant la briser, selon l'Association pour l'emploi des cadres (Apec). D'ailleurs, les difficultés de recrutement ne se démentent pas. Mais, en la matière, les employeurs feraient mieux de se remettre en question, assène l'association.

Les entreprises ont revu à la baisse leurs intentions d'embauche de cadres pour 2022, selon l'Apec — Photo : denissimonov

Les cadres français n'échapperont pas aux conséquences de la guerre en Ukraine. Prise de court par le conflit, l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) avait repoussé au 27 avril la publication de ses prévisions d'embauche pour 2022. Le verdict est tombé : 282 000 recrutements devraient avoir lieu cette année. Un chiffre revu à la baisse de 2,5 %, à la suite de la crise russo-ukrainienne.

L'emploi cadre plie, mais ne rompt pas

Rien de catastrophique cependant : le marché de l'emploi cadre devrait rester en croissance sur un an (+5 %) et même renouer avec son niveau d'avant-crise (+0,2 %, comparé à 2019). Autrement dit, "on devrait égaler le record d'il y a trois ans, mais pas forcément le supplanter de manière nette et massive, comme nous nous y attendions", décrypte Gilles Gateau, le directeur général de l'Apec.

Et pour cause : refroidies par la guerre et ses répercussions économiques, les entreprises sont désormais moins confiantes dans l'évolution de leur activité à court terme (-6 points en trois mois). Pour ne rien arranger, l'association prédit aussi un "effet de bosse" lié au Covid-19 - comprendre : l'essoufflement du phénomène de rattrapage des embauches qui avaient été suspendues ou reportées au plus fort de l'épidémie.

L'industrie et le tourisme patinent plus sévèrement

Cette tendance au "ralentissement" général prend toutefois des allures de freinage en règle dans certains cas. Il en va ainsi de l'industrie. Dans ce secteur, 11 % des entreprises affichent des intentions de recrutement au cours du prochain trimestre, en baisse de 3 points en trois mois et 2 points sous la moyenne nationale.

Pis, si le nombre de postes ouverts devrait légèrement progresser en 2022 (33 800, +2 % en un an), certaines activités vont se rétracter, comme la chimie-pharmaceutique (-3 %) et d'autres se redresser trop lentement, à l'image des transports (-21 % par rapport à leur niveau pré-Covid). En la matière, seuls l'hôtellerie-restauration et les loisirs font pire (-5 % sur un an, -25 % sur trois).

D'après l'Apec, la morosité ambiante de l'industrie devrait rejaillir sur la carte de France des embauches : elles resteront inférieures de 2 à 4 % à ce qu'elles étaient en 2019 dans les régions "à vocation industrielle (Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France)". Une trajectoire à l'opposé de celle de la Bretagne, où l'emploi cadre explose (+11 %).

Les difficultés de recrutement pénalisent les TPE

Autre sujet d'inquiétude, récurrent celui-là : les difficultés de recrutement restent vives. A tel point que 69 % des entreprises qui ont embauché au cours du trimestre passé, y ont été confrontées (+8 points depuis fin 2021 et +23 en un an !).

« Les difficultés de recrutement sont un frein à la croissance potentielle qu'il ne faut absolument pas sous-estimer. »

Les TPE y sont particulièrement exposées. Dans ces entreprises, 71 % des postes à pourvoir sont ouverts depuis plus de trois mois. Or, ce sont dans ces petites structures que les conséquences sont le plus lourdes : la vacance des emplois se traduit par une surcharge pour les équipes en place dans 85 % des cas, une dégradation du travail et/ou de la qualité de service à 53 %, et même une perte de chiffre d'affaires à 49 %. "C'est particulièrement vrai pour les PME aussi, note Gilles Gateau. Les problèmes de recrutement constituent donc un sujet de frein à la croissance potentielle qu'il ne faut absolument pas sous-estimer."

Des employeurs en partie responsables ?

A qui la faute ? 87 % des dirigeants interrogés pointent du doigt le manque chronique de profils adéquats et disponibles sur le marché. Un diagnostic que ne partage pas complètement le directeur général de l'Apec. Pour lui, les employeurs détiennent aussi une partie de la solution.

"Les entreprises n'ouvrent pas davantage leur "chakra" vers des cadres plus expérimentés, déplore-t-il. Il y aurait pourtant de la ressource pour accroître l'embauche de seniors, ou même de débutants. Ce paradoxe bien français n'est pas nouveau, mais le plus préoccupant est de constater l'absence d'amélioration et de changement de regard des recruteurs sur ce sujet."

L'année 2022 ne fera pas exception. Les embauches en contrats longs devraient stagner pour les cadres débutants, et régresser pour les plus expérimentés. Au point de s'effronder de 19 % chez ceux en poste depuis plus de 20 ans.

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