Climat : ces entreprises qui s’engagent en faveur de la transition écologique
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Climat : ces entreprises qui s’engagent en faveur de la transition écologique

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Que ce soit au sein de la Convention des Entreprises pour le Climat ou du Grand Défi des Entreprises pour la Planète, des centaines d’entreprises françaises s’engagent dans des initiatives collectives en faveur du climat. Des initiatives qui gagnent du terrain, poussées par une conviction : il ne faut pas attendre.

Pendant dix mois, à raison de deux journées mensuelles, la CEC a réuni 300 représentants de 150 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité — Photo : CEC

"S’adapter ou mourir". Pour Sophie Robert-Velut, l’une des directrices générales des laboratoires Expanscience, qui commercialisent notamment la marque Mustela, le constat est sans appel. Se référant à Darwin, - "les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements"-, Sophie Robert-Velut estime que les entreprises doivent s’adapter si elles veulent continuer à exister. C’est dans cette perspective qu’Expanscience a participé aux six sessions de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) qui s’est clos le 1er juillet dernier. Inspirée par la Convention Citoyenne pour le Climat, cette initiative qui a démarré en septembre 2021 a permis à 150 entreprises de construire ensemble des feuilles de route de transformation écologique de leurs organisations à horizon 2030 et d’émettre des propositions concrètes à destination des pouvoirs publics.

"Les chefs d’entreprise de la CEC ont été transformés. Ils sont devenus des champions du climat en quelques mois. Ils ont été fortement challengés mais sont enthousiastes car ils se sont impliqués et réalignés avec la trajectoire de leur entreprise", signale Eric Duverger, initiateur de la CEC. Son ambition ? Que les dirigeants engagés sur la transition écologique deviennent "la nouvelle normalité" et "incarnent les dirigeants de demain". L’objectif de la convention étant de faire en sorte que l’économie rime avec l’écologie en traitant de quatre piliers : le climat et les enjeux du carbone, la régénération de la biodiversité, la gestion de la pénurie des ressources naturelles et les pollutions. "Le parcours a ainsi permis aux chefs d’entreprise d’envisager une RSE augmentée, qui ne consiste plus seulement à limiter les impacts mais à réintégrer leurs modèles d’affaires dans les limites planétaires et à réinventer l’empreinte de leur entreprise", poursuit Eric Duverger.

150 entreprises à la Convention des Entreprises pour le Climat

De septembre 2021 à juin 2022, les chefs d’entreprise ont travaillé de façon collective afin d’établir des propositions opérationnelles sur la réinvention du modèle des affaires, la comptabilité, l’innovation… Ainsi, pendant dix mois, à raison de deux journées mensuelles, la CEC a réuni 300 représentants de 150 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, telles que Renault Trucks, la SNCF, Heineken France, Caisse d’Épargne, Nature et Découvertes, Pierre et Vacances et de plus petites entités comme Le Village Potager, Evolukid ou Kaoukab. Au total, elles représentent 350 000 salariés et 75 milliards de chiffre d’affaires. "Nous avons pris le temps, face à l’urgence, de comprendre les choix qui nous attendent et les conséquences qu’ils vont avoir sur nos métiers, nos modèles économiques, nos clients, nos collaborateurs et nos partenaires", explique Sophie Robert-Velut. Au programme, des conférences de scientifiques, d’économistes, de sociologues, avec par exemple l’intervention de la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et coprésidente du groupe du GIEC depuis 2015 ; des travaux en groupes de 15 à 20 personnes encadrés par des coachs facilitateurs "pour créer un cadre de confiance, libérer la parole et permettre aux dirigeants de travailler entre pairs", détaille Eric Duverger. Ce parcours en six sessions s’est déroulé avec les dirigeants et leurs "planet champions", souvent le directeur développement durable ou responsable RSE, chargés aux côtés du dirigeant de mettre en œuvre les actions au sein des entreprises. Objectif : permettre aux entreprises de construire leur propre feuille de route. Soit un engagement à horizon 2030 pour rediriger leur modèle économique vers une trajectoire prenant en considération les limites planétaires et leur permettre de viser le cap de l’économie régénérative. Pour l’heure, la convention est en train de les analyser, avec l’aide de plusieurs experts de l’économie régénérative, dont Christophe Sempels, docteur en sciences de gestion, président et le directeur scientifique d’ImmaTerra, coopérative visant à promouvoir la transition vers des modèles économiques durables. "Il y a beaucoup d’axes de redirection différents selon les secteurs", note Eric Duverger.

Formation de tous les chefs d’entreprise aux enjeux écologiques

Au-delà de ces quelque 150 feuilles de route, les entreprises ont également planché sur des propositions concrètes et opérationnelles en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, les pollutions et l’érosion de la biodiversité à l’issue de la sixième session parisienne à destination des pouvoirs publics. Pour Eric Duverger, deux propositions sont particulièrement emblématiques. À commencer par la généralisation de la formation aux enjeux écologiques pour tous les chefs d’entreprise, y compris les conseils d’administration. "Tout commence par la compréhension des enjeux et la formation. Nous sommes d’ailleurs en contact avec le gouvernement pour construire un programme de formation pour les ministères et les cabinets ministériels", se réjouit-il. Autre proposition symbolique, l’indexation de la rémunération variable des chefs d’entreprise et des comités exécutifs sur des critères liés à l’écologie. "Pour l’heure, seuls 5 % des objectifs des parts variables des dirigeants sont indexés à des objectifs liés à la planète". Les dix propositions ont été présentées le 28 septembre au Conseil économique, social et environnemental. Charge ensuite aux participants de les remettre officiellement aux ministères et dans les territoires, accompagnées de leurs feuilles de route "afin de montrer que les entreprises ne se défaussent pas sur la question et que monde économique et politique vont dans la même direction", justifie Eric Duverger. La coopération entre les différents acteurs des sphères économiques et politiques étant indispensable. "Avec la CEC, nous avons pris conscience qu’il fallait réconcilier les cercles économiques, politiques et la société civile, qui doivent absolument se parler, se comprendre, se nourrir dans leur réflexion pour faire avancer tous les curseurs en même temps afin d’être efficace", confirme Sophie Robert-Velut.

Foison d’initiatives d’entrepreneurs s’engageant pour la planète

Autre objectif poursuivi, la création d’une CEC Académie pour porter le mode d’emploi de la transition écologique des entreprises et préparer une démultiplication. Pour l’heure, la Convention semble avoir fait des petits puisqu’une trentaine de projets de démultiplication vont être lancés au niveau régional ou de certaines filières. Cinq ont déjà vu le jour, tels que la CEC Provence Corse et CEC Ouest qui sont en cours de recrutement ou la CEC de la fédération du bois. Preuve de la volonté des chefs d’entreprise de s’engager, la Convention a reçu des centaines de candidatures et de demandes d’information de la part de chefs d’entreprise qui ont regretté de ne pas faire partie de la première vague. "C’est particulièrement encourageant pour la suite", se réjouit Eric Duverger. Certains grands groupes ont également contacté la CEC pour construire une feuille de route adaptée pour leur entreprise. "On ne compte pas sur la dénonciation des chefs d’entreprise qui ne bougent pas mais sur l’effet d’entraînement de ceux qui bougent. Je rêve personnellement du moment où Michelin sera prêt à suivre ce parcours", confie-t-il.

À moins que le fabricant de pneu auvergnat frappe à une autre porte. Car le climat mobilise au-delà de la CEC et de ses déclinaisons. Ces derniers mois, d’autres initiatives ont vu le jour à l’instar de l’association marseillaise Entrepreneurs pour la Planète, qui met en relation des dirigeants d’entreprise et des porteurs de projets à impact positif pour la planète, ou encore du Grand Défi des Entreprises pour la Planète. Si l’objectif final est commun, les moyens mis en œuvre diffèrent. L’ambition du Grand Défi des Entreprises pour la Planète est ainsi de "permettre aux entreprises et à leur écosystème de créer un modèle de prospérité qui soit à la fois humaniste et régénératif, c’est-à-dire qui intègre la dimension humaine et la contrainte écologique", explique la Nantaise Virginie Raisson-Victor, à l’origine de l’initiative. Pour atteindre cet objectif et faire émerger un ensemble de propositions "prioritaires, impactantes et mesurables", le Grand Défi a tiré au sort une centaine d’entreprises sur la base de quatre critères – taille, secteur d’activité, implantation géographique, statut – pour qu’elles soient représentatives de la diversité du tissu économique français. "Actives dans tous les secteurs et présentes sur tous les territoires, les entreprises constituent un maillon essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique et le recul de la biodiversité", relève Jérôme Cohen, co-initiateur du Grand défi et président fondateur d’Engage, une organisation dont les activités sont dédiées à la transformation de la société. "À ce titre, il est important qu’elles puissent contribuer au débat national sur ces enjeux pour apporter des réponses convergentes, à la mesure du défi climatique et de la préservation du vivant".

Des propositions à essaimer

En déléguant un représentant (dirigeant, salarié ou actionnaire) auprès du Grand Défi, les entreprises qui acceptent de jouer le jeu participent à ses trois étapes. La première, dite de "consultation", a permis de recueillir en ligne les préoccupations et points de blocage des entreprises, mais aussi leurs leviers d’action, besoins d’accompagnement et propositions. Cette consultation, qui s’est achevée en juin, a permis de recueillir plus de 60 000 réponses.

Lancée en juin, la deuxième étape doit permettre aux délégués des entreprises de formuler un ensemble de propositions, actions concrètes ou orientation des politiques publiques. Celles-ci peuvent aussi bien porter sur les modèles d’affaires, les ressources humaines, le financement, la gouvernance, les ressources, etc. Après avoir été réunis en sessions d’intelligence collective de deux jours à Nantes, puis Lille, Grenoble, Caen et Montpellier, l’ensemble des délégués se réuniront à Paris en décembre pour une sixième et dernière session plénière au cours de laquelle ils adopteront l’ensemble des propositions qu’ils porteront ensemble ensuite. Car c’est à partir de ce dernier round, à la veille de Noël, que s’amorcera la phase de diffusion et de promotion des résultats du Grand Défi dans les sphères économiques, académique et politique. "Notre idée est d’essaimer. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de dresser une énième liste de propositions. Le plus important, c’est qu’un maximum d’acteurs s’en empare", insiste Virginie Raisson-Victor.

Si le Grand Défi partage le même objectif et une démarche assez proche de celle retenue par la convention des entreprises pour le climat (CEC), l’une des différences notoires qui distingue les deux initiatives tient au fait que contrairement aux dirigeants réunis par la CEC qui ont travaillé sur la feuille de route de leur propre entreprise, les "délégués" du Grand Défi, eux, ne travaillent pas sur eux-mêmes mais sur des propositions plus générales. Pour autant, les deux initiatives étant complémentaires, "l’idée est de proposer à la CEC de venir présenter ses conclusions au Grand Défi pour faire converger les initiatives", conclut Virginie Raisson-Victor.

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