Gilles Henrio (tribunal de commerce) : « A Saint-Brieuc, le nombre d’affaires traitées est anormalement bas »
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Gilles Henrio (tribunal de commerce) : « A Saint-Brieuc, le nombre d’affaires traitées est anormalement bas »

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Président du tribunal de commerce de Saint-Brieuc, Gilles Henrio confirme que le travail de prévention mené pendant la crise du Covid-19 a porté ses fruits. Il reste toutefois vigilant sur une fin d’année qui s’annonce musclée.

Gilles Henrio, président du tribunal de commerce de Saint-Brieuc : "De janvier à mai, nous avons enregistré cette année 21 liquidations judiciaires contre 116 en moyenne depuis 2010" — Photo : @DR

Comment s’est déroulée la vie des entreprises au sein du tribunal de commerce de Saint-Brieuc depuis le 17 mars ?

Contrairement à d’autres tribunaux de commerce, celui de Saint-Brieuc a mis en place un plan de continuation de l’activité en traitant les urgences. Depuis le 17 mars, cela a permis de prononcer 26 mandats ad hoc concernant 500 salariés dans les domaines du transport, du bâtiment et du service à la personne. C’est beaucoup, car sur la seule année 2019, nous avions mis en place 16 mandats ad hoc. Toutefois, je crains que ce soit insuffisant par rapport à ce qui va se passer à la rentrée car les entreprises vont devoir rembourser les emprunts mis en pause et les arriérés de cotisations sociales et fiscales reportées.

Cette crise a-t-elle permis de faire évoluer l’image de votre juridiction ?

C’est même l’un des enseignements car le Covid-19 a révélé les missions d’accompagnement du tribunal de commerce afin d’assister les dirigeants à comprendre les dispositions législatives. Les entrepreneurs qui sont venus nous voir ont compris que nous n’étions pas là pour faire cesser leur activité mais bien pour trouver des solutions à ce qu’ils puissent continuer. D’ailleurs, à force de rappeler les dispositifs de prévention, une quinzaine de rendez-vous de prévention, en plus de mandats ad hoc, ont été réalisés.

Les statistiques à fin mai du tribunal de commerce sont pourtant plutôt bonnes…

De janvier à mai, nous avons enregistré cette année 21 liquidations judiciaires contre 116 en moyenne depuis 2010. Idem sur les redressements judiciaires : 34 sur les cinq premiers mois de 2020 pour une moyenne de 42 depuis 2010. Bruts, ces chiffres sont bons mais je dirais qu’ils sont anormalement bas. Depuis le déconfinement, une partie de l’économie du département est sous oxygène avec la multiplication des aides et la mise en place du chômage partiel. Une sauvegarde ou un redressement judiciaire peut se révéler la moins mauvaise des solutions afin de se donner du temps pour restructurer la dette et travailler sur un plan de reprise d’activité fiable et viable.

Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs costarmoricains ?

Le danger consisterait à ne pas provisionner les sommes dues et de faire face aux actions de recouvrement dans les prochains mois. Il faut le faire en urgence comme respecter le crédit interentreprises qui agit directement sur le besoin en fonds de roulement. À ceux qui pensent qu’un redressement peut nuire à l’image, je leur dis que l’impact des publications officielles dans les journaux sera complètement gommé par l’effet du Covid-19 car tout le monde est concerné et comprend les difficultés des entreprises. A contrario, j’invite les dirigeants, qui en ont le potentiel, à s’intéresser aux offres de cession afin de sauver des filières et des emplois.

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