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Les débuts fulgurants du plot anti-attentat de Blocstop
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Les débuts fulgurants du plot anti-attentat de Blocstop

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Photo : Caroline Ansart - Journal des Entreprises

Quel est le point commun entre les Champs-Elysées, le carnaval de Dunkerque, le défilé Yves Saint Laurent et l’école Tabarly au Taillan-Médoc? Blocstop. Ses plots en béton multicolores chargés de sécuriser les lieux fréquentés par le public poussent comme des champignons dans tout le pays. La TPE de Cestas, qui ne va pas rester très petite longtemps, vient d’ouvrir de "vrais" bureaux à Saint-Jean-d’Illac, avec un entrepôt supplémentaire et, à terme, un show-room. Elle prévoit de quasi doubler ses effectifs (7 personnes aujourd’hui) d’ici la fin de l’année, dispose désormais d’une équipe à Paris et prépare l’ouverture de trois autres sites dans l’Est, les Bouches-du-Rhône et le centre ouest. "Dans un an, il faudrait que j’ai quintuplé la production", estime son gérant. Et dire que ces blocs devenus familiers n’existaient pas il y a quinze mois…

Camions-toupies dans le jardin

C’est l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, qui inspire Abdel Feghoul. "Je me dis qu’il faut faire quelque chose". A l’époque, l’entrepreneur de 42 ans à la tête de Chantielec, une société de location d’équipements électriques pour les chantiers, est en vacances. "Ça lui a pris comme ça, raconte sa femme. Et quand il a une idée…", ça ne traîne pas. De retour chez lui à Cestas en août, il conçoit son premier modèle. "Il a fait venir des camions-toupies dans le jardin, les voisins devaient nous prendre pour des fous !", sourit madame, partie prenante de l’aventure.

Il trouve sa forme du premier coup et en est sûr, il tient « la » bonne idée. "Oui je savais que ça marcherait". D’ailleurs, il a immédiatement loué un premier entrepôt à Cestas. Sa première commande est livrée dès le mois suivant, pour le Décastar International de Valence. Depuis, 3 000 blocs ont été démoulés. Du made in France soigneusement breveté. La concurrence ? Outre sa longueur d’avance, le patron martèle à l’envi qu’il présente, lui, un produit "très abouti". Abdel Feghoul n’est pourtant pas un pro du béton. "J’ai rapidement regardé les options possibles, le sable, etc. Le béton, c’est le seul matériaux économiquement et techniquement valable", assure-t-il. Le dirigeant se félicite d’avoir été novice en la matière. "Un bétonneux n’aurait pas pu avoir une idée comme ça, qui tient compte de l’aspect anxiogène en matière de sécurité."

« Une façon de répondre en couleurs à ces gens »

Il est là le credo: des blocs personnalisables (couleurs, effigies, aspect textures) faciles à mettre en place, tantôt supports publicitaires, tantôt supports poubelle, chicanes un jour, portiques le lendemain… Du chatoyant ou du discret qui ressemble à tout sauf à un plot en béton que nous imposent désormais les terroristes. "Une façon de leur dire « merde » et de répondre en couleurs à tous ces gens." Ils seront bientôt connectés, à l’instar des outils sécuritaires classiques. Blocstop s’est adjoint les services d’une société spécialisée pour plancher sur le digital. Ils s’achètent (250 à 450 euros selon le modèle) et surtout - à 70%- se louent (30 à 60 euros par mois), par des collectivités ou des sociétés d’événementiel.

Si Blocstop cartonne, Abdel Feghoul se défend d’être un opportuniste qui surferait sur la terreur. "Je n’avais pas besoin de Blocstop pour vivre", même s’il reconnaît mieux gagner sa vie aujourd’hui. Motus sur le chiffre d’affaires, qui doit bien avoisiner le million. "Je suis approché de partout, des banques, des investisseurs… J’ai déjà refusé des tas de partenariats." Ce qui le "fait kiffer", c’est l’intérêt national, la sécurité des personnes. Et l’opportunité d’y accoler une manne pour l’emploi. "On peut facilement former à ce métier. Et mes gars sont contents parce qu’ils installent aussi, c’est valorisant. Ils contribuent à la sécurité. Vous imaginez un jeune d’une cité avec un job comme ça ? Quand il rentre chez lui le soir, c’est avec un discours positif." Blocstop a signé un premier partenariat avec une association d’insertion dans le Nord.

"Je gagnerais davantage en industrialisant ma production, j’ai fait des études." Mais il ne veut pas changer son mode de fabrication artisanal. "Quand je vois toutes ces technologies qui détruisent des emplois… Je suis peut-être fou, mais je ne cherche pas à devenir millionnaire." Les partenaires sont triés sur le volet. "Je veux travailler avec les bonnes personnes, avoir l’aval des autorités compétentes, et prendre le temps de former." L’objectif du gérant : que Blocstop tourne aussi bien sans lui. "J’ai un rythme de dingue. Je ne tiendrai pas toujours comme ça, j’ai des enfants et j’aime profiter de la vie aussi…"

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