RSE : Les Nantais préparent la révolution

RSE : Les Nantais préparent la révolution

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La RSE pour gagner un marché public ou faciliter l'obtention d'un prêt ? C'est le rêve de grand soir de plusieurs dirigeants de PME nantaises. Un rêve qui commence à devenir bien réel, avec la signature en avril d'une convention entre ces chefs d'entreprise, la Région et Nantes Métropole.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Des chefs d'entreprise nantais préparent une révolution. Ils n'ont pas de Bastille à prendre et ne réclament même pas une tête à couper. Mais ils comptent bien imposer leur vision de l'entreprise. Et leur modèle, c'est celui de la RSE, c'est-à-dire de la responsabilité sociale de l'entreprise. Cette conception consiste à prendre en compte non seulement les aspects économiques de l'entreprise, mais aussi ses interactions sociales, environnementales et sociétales. S'ils réussissent leur coup, les entreprises faisant de la RSE seront favorisées dans les appels d'offres publics, bénéficieront d'une meilleure cotation à la Banque de France et de meilleures conditions de prêts de la part de leurs banques.




Qui sont les conspirateurs ?

Contrairement aux zadistes, les révolutionnaires nantais avancent à visage à découvert. On les retrouve principalement dans trois cercles d'entrepreneurs que sont le Centre des jeunes dirigeants, Dirigeants responsables de l'Ouest (DRO) et Planet RSE. Principaux meneurs de la conspiration : des entrepreneurs comme Gilles Rampillon (S3A), Éric Davy (groupe Guesneau) ou Dominique Goubault (Goubault Imprimeur). Mais aussi des banquiers tels qu'Olivier de Marignan (Banque Populaire Atlantique). Ces agitateurs d'idées peuvent compter sur le regard bienveillant, voire complice, de deux collectivités locales : le conseil régional des Pays de la Loire et Nantes Métropole, dont un élu est chargé par Johanna Rolland de la RSE, André Sobczak.




Une note RSE pour deux ans

Les deux collectivités signeront en ce mois d'avril une convention avec les entrepreneurs nantais de Planet RSE. Cette convention doit aider les collectivités à prendre en compte dans leurs appels d'offres la RSE, en plus de la note technique et du prix. Ces quatre dernières années, Nantes Métropole a lancé deux appels d'offres comprenant des critères RSE, l'un pour un accord-cadre dans l'imprimerie, l'autre dans le nettoyage. À chaque fois, les entreprises devaient répondre à une cinquantaine de critères et fournir les preuves associées, issues du bilan social ou matérialisées par une attestation d'un expert-comptable. « Il m'a fallu quatre jours pour répondre », témoigne un entrepreneur. Pour éviter de trop alourdir les appels d'offres, Nantes Métropole et le conseil régional vont désormais s'appuyer sur Planet RSE pour définir la note RSE des entreprises. Après cinq ans de travail, cette association d'entrepreneurs nantais a défini 51 critères permettant de donner une note RSE sur 1.000 (lire ci-contre) suite à un audit assuré par trois de ses membres, chefs d'entreprise. L'intérêt, c'est que cette note est valable deux ans et que les conditions financières pour accéder à l'association ne sont pas rédhibitoires (300 euros par an).




Tous les marchés de Nantes

Pour les deux collectivités, il s'agit ensuite de lancer des marchés publics comportant un volet RSE qui pèse vraiment. Car, lors des deux premiers appels d'offres de Nantes Métropole, la RSE ne comptait que pour 10 % de la note finale. « Ce n'est pas suffisant », peste un chef d'entreprise nantais. À Nantes Métropole, André Sobczak opine. Le Monsieur RSE de Johanna Rolland dévoile la stratégie de l'agglomération sur le sujet : « On vit un moment clé. Mais on va y aller pas à pas, pour ne pas mettre en péril les entreprises », assure-t-il. Ce sera donc une révolution de velours. Mais un sacré tournant quand même : « La vision, c'est que 100 % des marchés de Nantes Métropole intègrent la RSE à un degré qui soit discriminant », indique André Sobczak. Discriminant ? « À partir de 20 à 25 % de la note finale d'un appel d'offres, ça devient discriminant », poursuit l'élu nantais. En parallèle, des critères RSE pourraient être intégrés dans le système de notation de la Banque de France. Celle-ci est officiellement mandatée par son gouverneur, suite aux travaux menés par les banques régionales et les entreprises nantaises, pour ajouter la RSE à ses critères. Une façon d'affirmer que les bilans comptables ne suffisent pas pour traduire le réel niveau de performance de l'entreprise. « La Banque de France va officiellement donner le signal de départ à toutes les banques », estime Éric Davy, directeur général du groupe Guesneau et membre du CJD. L'enjeu est de taille : la cotation Banque de France est utilisée par les établissements financiers pour décider d'attribuer ou non un prêt.




Les ennemis de la révolution

La Banque de France tout comme les collectivités locales restent toutefois très prudentes. Les évaluations financières et le code des marchés publics n'autorisent guère les fantaisies. « C'est aussi notre rôle de faire évoluer le cadre juridique », indique André Sobczak. Celui-ci a co-animé le groupe de travail sur la RSE, mis en place par Jean-Marc Ayrault alors premier ministre, qui vient de rendre son avis sur l'intégration de la RSE dans les marchés publics. « Il n'y a pas eu de consensus. On fait face à des lobbies pour qui les entreprises ne sont pas prêtes dans le contexte actuel à ajouter un élément administratif», explique l'élu nantais. Certaines voix au sein d'organisations nationales comme la fédération des travaux publics ou le Medef freinent des quatre fers. Mais André Sobczak en est convaincu : prévue cette année, la traduction dans le droit français d'une directive européenne devrait offrir un cadre plus souple aux partisans de la RSE dans les marchés publics. De quoi permettre à Nantes Métropole de poursuivre ses expérimentations. Du côté des entrepreneurs du CJD ou de Planet RSE, on veut encore aller plus vite. Ils l'espèrent, un jour, leur révolution va s'exporter et s'étendre à l'ensemble du territoire français.