Saint-Brieuc
« Le risque de voir l'Open de tennis Harmonie Mutuelle de Saint-Brieuc disparaître est bien réel »
Interview Saint-Brieuc # Événementiel

Jean-Paul Briend et Gérard Le Roux directeur et directeur-adjoint de l’Open de tennis de Saint-Brieuc « Le risque de voir l'Open de tennis Harmonie Mutuelle de Saint-Brieuc disparaître est bien réel »

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Comptant parmi les 12 tournois challengers reconnu par l’ATP en France, l’open de tennis Harmonie Mutuelle est devenu un événement incontournable dans le paysage sportif costarmoricain. Bien que participant activement au rayonnement dans l’Hexagone et à l’international de Saint-Brieuc, et soutenu par de nombreuses entreprises, le tournoi continue de souffrir d’un manque de reconnaissance.

Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Le Journal des Entreprises : La 29e édition de l’open Harmonie Mutuelle se déroulera du 24 mars au 1er avril prochain à Saint-Brieuc, faisant de ce tournoi de tennis le plus ancien en Bretagne. Comment expliquez-vous cette longévité ?

Jean-Paul Briend et Gérard Le Roux : L’open international Harmonie Mutuelle est aujourd’hui bien ancré dans le paysage sportif costarmoricain. À nouveau porté par le Tennis Club de Saint-Brieuc, ex-Amicale de Tennis du Griffon, ce challenger doit sûrement sa longévité à son organisation atypique, portée par une association de bénévoles passionnés qui n’ont de cesse d’œuvrer à la promotion de la petite balle jaune sur Saint-Brieuc.

Pourtant, l’évènement souffre d’un manque de crédibilité au regard de son rayonnement à l’international qui devrait être un atout pour Saint-Brieuc et les Côtes-d’Armor ?

J.-P. B. et G. L.-R : Cette question de la crédibilité est en partie de notre faute. Nous sommes trop longtemps restés entre nous, gens du club. En 2013, quand le tournoi a quitté son site historique pour rejoindre la salle Steredenn, qui lui a permis de monter en puissance et de se professionnaliser, nous avons raté le coche.

En délocalisant, nous sommes passés du côté kermesse à un véritable dispositif haut de gamme structuré. Sans cette décision, nous ne serions plus là. Toutefois, il aurait fallu, à cette époque, affirmer aux élus politiques que le tournoi offre au territoire une visibilité exceptionnelle à l’international. Avec la diffusion en streaming de tous les matchs, imposée par l’ATP depuis 2014, Saint-Brieuc bénéficie d’un rayonnement unique. C’est un élément encore trop méconnu.

En expliquant ce contexte, vous laissez poindre un manque de soutien de la part des élus locaux ?

J.-P. B. et G. L.-R : Nous n’allons pas dire que les collectivités ne nous soutiennent car ce n’est pas le cas. Toutefois, si le tournoi est apprécié, on ne sent pas un soutien affirmé. Il manque une certaine flamme. Quand nous voyons l’investissement réalisé autour du festival Photoreporter, nous restons dubitatifs au regard des retombées économiques. Nous ne sommes pas suffisamment considérés car nous avons longtemps avancé seuls et cela convenait bien à tout le monde.

Ce contexte peut vous amener à remettre en cause l’organisation de l’open Harmonie Mutuelle ?

J.-P. B. et G. L.-R : Clairement, oui. Nous sommes à la fois enthousiastes pour l’édition qui s’annonce mais inquiets pour les prochaines années. Si le tournoi disparaît, on ne pourra plus jamais retrouver un événement de ce type en Côtes-d’Armor. Une autre ville en France prendra la place. Actuellement, nous sommes uniquement en concurrence, cette semaine-là, avec Miami.

La question du nom donné au tournoi, avec une place importante accordée au sponsor principal, Harmonie Mutuelle, ne mérite-t-elle pas d’être posée ?

J.-P. B. et G. L.-R : Effectivement. C’est une question qui peut se poser. Toutefois, il faut aussi noter que le soutien d’Harmonie Mutuelle est précieux et a permis au tournoi de poursuivre son existence depuis de nombreuses années. En donnant une véritable identité territoriale, nous gagnerons peut-être en visibilité. C’est une équation pas facile à régler pour l’avenir.

La professionnalisation du tournoi est passée par un virage assumé vers les entreprises privées. C’est un élément favorable pour l’avenir ?

J.-P. B. et G. L.-R : Le soutien des entreprises est majeur. Sans elles, le tournoi ne serait plus là. Les patrons s’y retrouvent et beaucoup sont fidèles depuis des années. Entre celles qui donnent et celles qui nous aident à travers de la valorisation, nous atteignons une soixantaine d’entreprises privées partenaires. Le ticket d’entrée est relativement accessible. Il débute à 1 000 euros pour atteindre 7 000 euros. Pour les séduire, nous avons mis en place des packages VIP qui permettent de valoriser le soutien au travers des prestations spécifiques.

La montée en gamme va se poursuivre. ?

J.-P. B. et G. L.-R : En 2018, nous allons proposer des matchs en nocturne pour prolonger les soirées jusqu’à 22h/23h. Il est nécessaire de gagner en souplesse pour que le spectacle dure le plus longtemps possible. Cela va venir compléter une offre déjà dense vers le monde économique faite de restauration haut de gamme le midi et d’open bar en soirée. Cette année, Mathieu Aumont du Pesked et Christophe Le Fur de l’Auberge Grand maison seront aux fourneaux.

Quel est le budget de l’open ?

J.-P. B. et G. L.-R : Le budget est de 400 000 euros dont 50 % de liquidité et 50 % en prestations et échanges. L’effort public est de 40 % et le reste est apporté par les entreprises privées. La fédération nous aide également dans le cadre d’une convention de partenariat pour sensibiliser les jeunes générations, notamment le public scolaire.

Capitaliser sur la victoire de la France en Coupe Davis n’est pas un élément d’attractivité ?

J.-P. B. et G. L.-R : Nous allons le faire, bien entendu. Par ailleurs, pour de nombreux joueurs, nous sommes idéalement placés, à quelques semaines de Roland Garros, pour prendre des points ATP et s’assurer de rentrer dans le tableau final du grand chelem parisien. C’est aussi la possibilité pour des joueurs plus âgés de rebondir. Au niveau des participants, l’open a accueilli Nicolas Mahut, Lucas Pouille, Adrian Mannarino, etc. Il y a un réel niveau de spectacle de haut niveau qui attire en moyenne 10 000 personnes pour 70 matchs joués au total.

10 000 spectateurs c’est suffisant ?

J.-P. B. et G. L.-R : Il faut que l’on arrive à remplir davantage la salle avec un véritable engouement. Peux être on s’y prend mal ? Les querelles d’ego ont été longtemps nocives pour ce tournoi. Il n’y a également pas eu assez de prospection. Quand nous voyons l’implication du comité départemental de basket pour remplir Steredenn pour un match de Nationale 2, alors que ce sport ne compte que 3 500 licenciés, nous sommes frustrés. Le tennis compte 9 000 licenciés en Côtes-d’Armor. Il devient essentiel d’accélérer l’ouverture vers les autres clubs. La nouvelle direction, moins clivante que par le passé, y contribue. Il faut aussi muscler notre communication, notamment être meilleurs sur les réseaux sociaux pour faire parler de nous auprès des jeunes générations.

« Si le tournoi disparaît, on ne pourra plus jamais retrouver un événement international de cette envergure en Côtes-d’Armor. Une autre ville en France prendra la place. »

Quelles sont les retombées économiques pour le territoire ?

J.-P. B. et G. L.-R : Le prize money est de 43 000 euros plus l’hébergement. À cela, l’ATP nous impose le superviseur et les juges que nous devons payer et héberger. Ce sont des sommes importantes pour le tournoi qui sont autant de retombées économiques, en termes de restauration et de nuitées, pour le territoire. Il n’est pas facile de mesurer les retombées précises mais par exemple, rien que sur l’hôtellerie, l’enveloppe est de 45 000 euros. Sur 9 jours, plus de 200 personnes gravitent autour de l’organisation du tournoi. Dans cette logique, il faut faire prendre conscience à nos élus que c’est un événement important et récurrent. Ce n’est pas un one-shot.

Reste qu’en Côtes-d’Armor, le contexte économique n’est pas le même qu’à Rennes ou Brest. Beaucoup d’argent part sur En Avant Guingamp. Harmonie Mutuelle nous apporte un réel soutien à hauteur de 30 000 euros, heureusement. Nous parlons de l’évolution du sponsoring autour de l’open mais cela prendra du temps.

Changement majeur en 2018, vous êtes éligibles aux opérations de mécénat ?

J.-P. B. et G. L.-R : Cette année, il sera enfin possible de proposer des offres de mécénat. Cela doit nous permettre d’aller plus loin dans le démarchage, le lancement de nouveaux produits, etc.

La difficulté d’avoir une affiche alléchante n’est pas un handicap ?

J.-P. B. et G. L.-R : On peut donner des garanties pour avoir un nom mais cela ne donne pas un joueur connu en finale du tournoi. Nous n’avons jamais souhaité aller sur ce terrain.

Concernant l’avenir de l’open Harmonie Mutuelle, comment le voyez-vous ?

J.-P. B. et G. L.-R : Très bien. Toutefois, nous sommes conscients de la fragilité de notre organisation. Nous pourrions imaginer la confier à un prestataire privé comme certains de nos confrères mais la philosophie ne serait plus la même. Nous n’avons pas vocation à faire de l’argent au sein du club avec un tournoi qui doit rester associatif. Nous pouvons trouver une suite auprès des forces vives du TCB en étant épaulés par des partenaires privés et publics.

La question de la transmission et du modèle économique se pose clairement ?

J.-P. B. et G. L.-R : Le fait d’avoir un permanent salarié nous permettrait de prospecter toute l’année là où, avec un format 100 % bénévole, nous commençons à travailler 6 mois avant le tournoi. C’est un engagement prenant qui nécessite un véritable investissement. Il serait aussi intéressant de trouver une figure pour porter le tournoi à l’extérieur. Grosjean est à Montpellier, Ascione pour Lyon, etc. Pourquoi Marc Gicquel ne pourrait pas être cette personne capable de mobiliser ?

Vous lancez clairement un appel ?

J.-P. B. et G. L.-R : En 2018, nous avons reformé une équipe gagnante. Suite au départ de Patrick Le Bacquer, nous avons repris le flambeau car nous ne voulons pas qu’un événement de ce type disparaisse. Toutefois, nous ne continuerons pas éternellement, à 70 ans tous les deux, l’aventure.

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