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« Le Mans, future place forte de la reconnaissance de la parole »
Interview Le Mans # Informatique # Levée de fonds

Vincent Jousse directeur technique et codirigeant d'Allo-Média « Le Mans, future place forte de la reconnaissance de la parole »

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En novembre dernier, Allo-Media levait 8 millions d'euros auprès de deux fonds d’investissement. Ayant son siège social à Paris, la start-up de 24 salariés développe depuis Le Mans sa solution d’analyse de conversation téléphonique et compte fortement renforcer ses effectifs sarthois.

Docteur en reconnaissance automatique de la parole, directeur technique et associé d’Allo-Media, Vincent Jousse travaille depuis Le Mans au développement de la solution de reconnaissance et analyse de la parole de la start-up — Photo : Cédric Menuet - Le Journal des entreprises

Début 2017, vous avez débuté la commercialisation de votre « cookie vocal ». Qu’est-ce que c’est ?

Vincent Jousse : C’est un outil d’amélioration de la relation entre le client et une marque via l’analyse de la conversation téléphonique. Lors d’un échange avec un téléconseiller, il y a une perte d’informations. Nous la comblons avec cette solution de reconnaissance vocale et d’analyse de la parole. La conversation est retranscrite en temps réel et garde tout son sens, ce qui permet de comprendre les motifs de l’appel ou de mécontentement éventuel. La plus-value d’Allo-Media est de lier le parcours de l’utilisateur sur Internet à l’appel avec le téléconseiller. À chaque visiteur d’un site web est attribué un numéro de téléphone unique. S’il contacte un téléconseiller par ce numéro, nous sommes en mesure d’établir la corrélation entre son coup de fil et sa navigation sur le site. Les données qui en sont issues et leur analyse permettent entre autres une meilleure qualification des appels entrants, le transfert automatique des informations dans les outils de gestion clients ou encore la mise en œuvre d’actions de marketing direct. C’est la compréhension de leurs appels en temps réels que nous leur offrons.

Moins d’un an après le lancement de l’offre, Allo-Media effectue un tour de table de 8 millions d'euros. Comment fait-on pour lever une telle somme quand on est une start-up ?

V. J. : En réalité, nous avons levé 1,5 million d'euros début 2017 et 8 millions en novembre, soit 9,5 millions d'euros en 2017 ! C’est une question de réseaux. Nouer des contacts sur Paris a été décisif. Nous avons deux fonds qui investissent dans Allo-Media : Serena Capital et Red River West. Ce dernier appartient à la famille Pinault. Avec cette levée de fonds, nous entrons dans des sphères inatteignables depuis Le Mans... Il y a aussi l’attraction des grands groupes pour Allo-Media. Des grandes marques françaises nous courent après. Dès novembre, nous comptions 12 grands comptes comme clients, avec des références comme Covea, Allianz, la SNCF, La Poste, Engie... Pour les investisseurs c’est un signal fort.

Comment entre-t-on justement chez ces grands comptes ?

V. J. : Un centre d’appels, c’est pour ces marques un centre de coût que nous transformons en centre de valeur, car c’est là que le client s’exprime. On les aide à comprendre pourquoi un client n’a pas validé un acte d’achat au téléphone. Pour les convaincre, le premier outil, c’est la démonstration. On leur montre le potentiel de la solution. Sur les salons, on a quatre sites Web de démo en fonctionnement avec les équipes d’Allo-Media qui jouent les téléconseillers au téléphone. Ça vaut 30 slides de PowerPoint ! Il y a le produit mais aussi la qualité technique. Tout est intégré chez nous. Les données sont donc hébergées en France et ça, c’est une porte d’entrée chez les grands groupes.

Quelle va être l’utilisation des derniers fonds levés ?

V. J. : Pour des questions de rentabilité, nous ciblons uniquement la conquête de clients qui ont un nombre d’appels entrants très important. Ces grands comptes, on va vite en faire le tour en France. Nous allons donc accélérer à l’international. Juste pour le marché britannique, on estime qu’il y a 4 à 5 fois plus de téléconseillers qu’en France. On a aussi le soutien de Red River West, qui est un fonds ayant l’objectif d’aider l’accélération commerciale des start-up françaises aux États-Unis. Allo-Media s’intéresse donc aussi à ce marché. Nous sommes d’ailleurs présents au CES de Las Vegas début janvier. Les premiers contrats américains sont attendus pour septembre.

Pourquoi avoir la R&D au Mans ? Ça ne serait pas plus simple de tout centraliser à Paris ?

V. J. : Avec ma société Voxolab, on développait depuis Le Mans un système de reconnaissance automatique de la parole. La technique était là, mais il nous manquait l’aspect commercial. À Paris, Romain Sambarino cherchait à acquérir une base technologique pour Allo-Media. Plutôt que de partir chacun de notre côté, on s’est allié début 2017. J’ai pris des parts dans l’entreprise et on est allé lever des fonds ensemble. Pour les associés, ça n’a jamais posé de problème que la R&D soit au Mans. Je suis issu du Laboratoire d’informatique de l’université du Mans (Lium) avec lequel on garde un lien très fort, qui s’est traduit par des embauches de doctorants. Sans le labo de l’Université, jamais Allo-Media n’aurait pu en arriver là. De cela découle une volonté de l’entreprise de développer Le Mans comme une place forte de la reconnaissance de la parole, au-delà de la communauté scientifique. L’équipe technique mancelle va être renforcée. De trois personnes aujourd’hui, l’effectif pourrait monter à une dizaine l’année prochaine. On réfléchit même à installer le siège d’Allo-Media au Mans. Tout en gardant un pied à Paris pour le business.

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