Le groupe de distribution automobile Bodemer se projette en famille
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Le groupe de distribution automobile Bodemer se projette en famille

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Premier groupe de distribution automobile monomarque en France avec sa filiale BodemerAuto (Renault, Dacia, Nissan et Alpine), le groupe Bodemer structure son management en s’appuyant sur la quatrième génération d’actionnaires familiaux qui accompagneront, pendant cinq ans, l’actuel président Alain Daher.

— Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Patron du groupe Bodemer à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), Alain Daher a toujours été salué pour ses prises de position réfléchies et mesurées, que ce soit à la tête de son groupe de distribution automobile ou de ses mandats de représentant du monde économique (président de la CCI 22 de 2000 à 2010, président de la CCI Bretagne de 2010 à 2015). Pourtant, ce Marseillais d’origine, issu d’une grande famille d’industriel (l’avionneur et équipementier Daher), l’avoue sans ambages ; la crise du Covid-19 l’a, pour la première fois, plongé dans un brouillard irrationnel.

« Je suis reste sidéré, au sens propre du terme, pendant quatre à cinq jours. J’ai passé ces journées à tondre la pelouse, promener le chien en me posant un tas de questions sur l’avenir de l’entreprise familiale. Ai-je fait les bons choix des dernières années ? Faut-il vendre ? Va-t-on être obligé de mettre la clé sous la porte ou de licencier massivement ? Avec le confinement, le secteur automobile connaît la pire crise de son histoire, de quoi largement ébranler certaines certitudes. »

Photo : @DR

Le choix naturel de la famille

Passé ce temps de sidération, Alain Daher reprend le chemin de ses bureaux, installés sur le port du Légué. Il est notamment accompagné de sa fille Manon, qu’il a propulsée, en février 2020, à la tête du groupe familial en binôme avec son cousin germain, Thibaud Carissimo. « Cela fait plusieurs années que je réfléchis à l’avenir de l’entreprise. Notre pacte d’actionnaires familial garantit la stabilité du capital mais il devenait stratégique de préparer notre avenir opérationnel. »

« J’ai toujours eu, intérieurement, ce fantasme que la lignée familiale se poursuive »

Si tous les scenarii ont été envisagés, comme le recrutement d’un directeur général, celui de montée en compétences de la quatrième génération « Bodemer » s’est naturellement imposé. Il faut dire que sur les neuf petits-enfants de Claude Bodemer, le beau-père d’Alain Daher, six font aujourd’hui carrière dans l’automobile. « J’avais mes deux cibles en tête, Thibaud et Manon, depuis quelque temps, mais je leur ai laissé le temps de la réflexion et de l’apprentissage avant qu’ils prennent la décision de me rejoindre. J’ai toujours eu, intérieurement, ce fantasme que la lignée familiale se poursuive. C’est une fierté que cela devienne une réalité. »

Rennes, barycentre du groupe

Incarné depuis 1992 par un seul homme, le groupe Bodemer va désormais construire son avenir autour d’un trio qui entend jouer la carte de complémentarité. « La transmission se fera en douceur mais l’ambition est qu’en 2025, Manon et Thibaud évoluent en duo pour faire grandir Bodemer, dans le respect des valeurs chères à tous les membres de la famille », confirme Alain Daher qui entend prendre progressivement du champ au cours de cinq prochaines années, avant de se retirer définitivement le jour de ses 70 ans.

Sur la question de l’implantation du siège social du groupe - sa fille et son neveu étant basés à Rennes - le président de Bodemer se veut rassurant. « Notre histoire a débuté à Saint-Brieuc et il n’est pas question que cela soit remis en cause. Toutefois, le Breton que je suis devenu confirme qu’il est plus facile de recruter des cadres à Rennes. La capitale bretonne devient le barycentre du groupe Bodemer. »

Photo : @DR

À l’affût d’opportunités de croissance

Nommé directeur général adjoint de BodemerAuto, Thibaud Carissimo, 34 ans, prend en charge le pilotage et le développement de concessions Renault, Dacia (filiale du groupe Renault) et Alpine (marque du groupe Renault). « La crise du Covid-19 nous a appris que nous devions redonner encore plus de moyens vers le service clients, en atelier ou au commerce, confirme Alain Daher. Si le groupe reste à l’affût d’opportunités de croissance, nous sommes passés d’une logique d’entrepreneur patrimonial à une logique entrepreneuriale pure, afin de redonner des moyens au terrain. »

Un exemple de cette stratégie : Bodemer finalise un accord avec un acteur régional de l’immobilier pour céder une grande partie de ses actifs bâtis, pour certains tombés dans son escarcelle au gré des acquisitions passées. « Toutefois, nous ne vendons pas uniquement pour récupérer du cash, précise Alain Daher. L’idée est bien de bénéficier de l’expertise d’un partenaire, capable de nous accompagner dans nos choix immobiliers actuels et à venir. »

Jeunesse et missions distinctes

De son côté, Manon Daher, 35 ans et cadette de ses trois enfants d’Alain Daher, a été nommée directrice générale adjointe en charge de Bodemer Développement. Plus modeste en chiffre d’affaires, ce département d’activité, qui regroupe Nissan (marque japonaise liée au constructeur français Renault depuis 1999 à travers l’Alliance Renault-Nissan, NDLR), BLC Automotive (location longue durée), SLL (franchise Avis) et Briocar (vente en ligne), contribue toutefois à une large part de la rentabilité. « Nous avons souhaité scinder, de manière distinctive nos métiers, pour éviter que l’un, BodemerAuto, écrase, par son poids naturel, le second, justifie Alain Daher. Bodemer Développement est à la fois un laboratoire d’idées et un lieu où nous lançons les projets de croissance dans des métiers complémentaires à la vente de voitures. »

Dans cette démarche, le groupe breton finalise le projet de création d’une usine de reconditionnement de ses véhicules d’occasion. Basé à Bruz (Ille-et-Vilaine), le site table sur un investissement de 1,2 million d’euros pour une ouverture en 2021. « L’objectif est de réduire les délais de préparation de nos véhicules d’occasion, de l’ordre de 50 %, par une industrialisation de nos process, précise Manon Daher. Tout ce travail, actuellement réalisé selon des process différents en concession, va être centralisé et homogénéisé. Nos ateliers vont ainsi regagner du temps pour mieux servir nos clients lors des travaux de réparation. »

Le pari gagnant du monomarque

Pour Alain Daher, si l’avenir du groupe s’écrie en famille, il continuera également de se construire autour de Renault et ses satellites (Dacia, Nissan et Alpine). « Pendant quelques années, la concession Fiat de Rennes a fait partie de nos actifs. Toutefois, je n’ai jamais réussi à mettre en place des synergies entre les collaborateurs et les cultures d’entreprise. » En cédant Fiat, Bodemer avait fait le pari d’une fidélité totale à la marque aux losanges. « L’histoire montre que nous avons eu raison. Nous sommes aujourd’hui le premier groupe de distribution automobile monomarque en France avec 680 millions d’euros de chiffre d’affaires, 35 concessions en Bretagne et Normandie et 1 400 collaborateurs. »

« L’histoire montre que nous avons eu raison d’être fidèles à Renault »

Photo : @DR

Ces mensurations ont surtout permis à Bodemer de rééquilibrer le rapport de force avec le constructeur automobile. « À mes débuts, en 1992, Renault comptait 440 concessions indépendantes. Nous ne sommes plus aujourd’hui que 120, détenus par 40 familles ou groupes d’actionnaires. Ce rééquilibrage nous a par exemple permis de sortir de terre un centre de logistique de pièces détachées de 20 000 m² à Saint-Caradec. Financé sur nos fonds propres, ce projet n’aurait pas pu se faire en étant multimarque ou de plus petite taille. C’est unique dans l’univers Renault et regardé de près par la marque. Cela démontre tout le potentiel innovant, et souvent méconnu, d’une entreprise familiale comme la nôtre. »

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