Coronavirus : les banques du Sud s'organisent pour répondre au flux de demandes des entreprises
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Coronavirus : les banques du Sud s'organisent pour répondre au flux de demandes des entreprises

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Les banquiers font partie de ces métiers qui ne chôment pas en cette période de crise liée à la propagation du coronavirus. Ils sont même plus que jamais mobilisés pour proposer de nouveaux produits, comme le Prêt garanti par l’État, dans des délais les plus courts possible et ainsi soutenir l’économie. Témoignages de la Fédération régionale des banques Paca, de la Société Marseillaise de Crédit, de la Caisse d’Épargne CEPAC et du Crédit Agricole Alpes Provence qui se sont adaptées à la vague de demandes tout en réorganisant leurs services pour protéger leurs salariés et leurs clients.

Frédéric Ronal, président du Comité régional des banques de PACA. — Photo : DR

Depuis le début de la crise du coronavirus Covid-19, quelque 150 000 entreprises françaises ont obtenu un accord en vue d’obtenir un prêt garanti par l’État (PGE) pour un montant total estimé à 22 milliards d’euros, a annoncé le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourq, le 14 avril. « En région Paca, 6,7 % des entreprises ont accédé à un PGE, un chiffre en phase avec les données nationales. Et aujourd’hui 40 milliards d’euros supplémentaires sont en cours d’instruction sur tout le territoire national et nous passerons rapidement la barre des 100 milliards d’euros d’octroi », précise Frédéric Ronal, président du Comité régional des banques de Paca.

« Le challenge est historique »

« Le challenge est historique puisqu’en moins d’un mois, une centaine de milliards d’euros ont été accordés ou est en cours d’instruction, ce qui représente un tiers de notre activité annuelle : en temps normal, les banques françaises distribuent chaque année au monde professionnel et de l’entreprise 300 milliards de crédit, soit 25 milliards d’euros par mois », estime celui qui est par ailleurs directeur du transport/logistique, de l’industrie et de l’immobilier d’entreprise chez Arkéa. Une mobilisation qu’il juge d’autant plus inédite que « les banques ne prennent pas un centime sur les PGE », qu’elles répondent à ce surcroît d’activité avec des effectifs en télétravail, et qu’elles prennent des risques tout en accusant une baisse de leur activité classique de prêt aux particuliers ou de soutien à l’investissement.

« Ces efforts, elles les ont acceptés parce qu’elles ont estimé qu’elles devaient soutenir l’économie et les entreprises, parce que leur activité future dépend de la bonne santé de ces entreprises », souligne Frédéric Ronal.

Un "tsunami" de demandes

À la Société Marseillaise de Crédit, qui compte 45 000 clients professionnels et entreprises, « nous avions reçu, à la date du 9 avril, 4 100 dossiers pour un montant global de 570 millions d’euros », souligne Bruno Deschamp, président du directoire. Pour permettre une mise en œuvre rapide de « ce véritable pont aérien, nos directeurs d’agence ont délégation pour des PGE allant jusqu’à 1 million d’euros. » Et, comme chez ses confrères, les procédures ont été adaptées et simplifiées : « dès lors que les critères d’éligibilité sont remplis et que le contrat est retourné signé, nous décaissons les fonds : pour les dossiers les plus simples, cela peut se faire en une semaine », précise Bruno Deschamp, qui ajoute être particulièrement attentif à toutes réclamations, « parce que nous sommes bien conscients de nos responsabilités. »

Au Crédit Agricole Alpes Provence, plus de 3 000 demandes de PGE étaient arrivées en quelques jours et leur traitement devait respecter un mot d’ordre : « toute entreprise viable avant la crise devra sortir vivante de cette crise. L’enjeu est économique et une banque régionale comme la nôtre se portera bien si les entreprises se portent bien. Nos destins sont liés », lance Jérôme Lebon, son directeur général adjoint.

« Toute entreprise viable avant la crise devra sortir vivante de cette crise »

Joël Chassard, président du directoire de la Caisse d’Épargne CEPAC, abonde dans ce sens, soulignant que « plus que jamais, notre engagement dans l’économie de nos territoires prend tout son sens. » La banque coopérative avait d’ailleurs enregistré, au 14 avril, « près de 3 000 demandes de PGE en moins de 2 semaines pour un montant de 500 millions d’euros et plus de 300 d’entre elles avaient déjà été accordées », précise Joël Chassard.

Ce PGE a été imaginé par le Trésor Public avec le concours des banques, tient à rappeler le président du Comité régional des banques. « Il coûte aux banques dans sa mise en œuvre mais aussi en prise de risque, qui n’est pas négligeable et avoisinera les 30 milliards d’euros (10 % de l’enveloppe des 300 milliards d’euros qui ne sont pas garantis par l’État, NDLR) », ajoute Frédéric Ronal.

Ce prêt garanti par l’État n’est pas la seule mesure proposée. « Les banques ont très tôt pris l’initiative d’étudier et de traiter avec beaucoup de bienveillance les demandes de suspension d’échéances de crédit pour une durée de 6 mois et ont ainsi envoyé un premier message fort vers leurs clients professionnels et entreprises », ajoute Frédéric Ronal. Une mesure que ce dernier juge d’autant plus forte qu’elle revient pour les institutions bancaires « à se priver d’une partie de leur chiffre d’affaires pour 6 mois, qui se chiffre en plusieurs dizaines de milliards d’euros. » Ainsi, à la Caisse d’Épargne CEPAC, « plus de 300 millions d’euros de crédits de trésorerie ou de découverts ponctuels avaient été octroyés à la date du 14 avril et plus de 7 100 entreprises avaient bénéficié d’un report des échéances de 6 mois de manière automatique, pour un total cumulé de plus de 120 millions d’euros », détaille Joël Chassard. Du côté du Crédit Agricole Alpes Provence, les conseillers avaient reçu plus de 12 000 demandes de report des échéances en huit jours.

Une nouvelle organisation à adopter

Des demandes nombreuses et exceptionnelles, qui affluent dans un contexte de réorganisation importante du travail. Une situation que Jérôme Lebon, du Crédit Agricole Alpes Provence, une entreprise de 2 300 salariés présente dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Hautes-Alpes, résume ainsi : « nous avons vécu un séisme en quelques heures, dont l’épicentre a été le confinement. En trois jours, nous avons réorganisé toute la société, un peu comme si on recréait une nouvelle entreprise », ajoute-t-il. Au Crédit Agricole, comme à la Société Marseillaise de Crédit ou à la Caisse d’Épargne CEPAC, les équipes se sont mobilisées, dans le respect des gestes barrières, pour assurer une continuité de service. Certaines banques ont dû composer avec les gardes d’enfants et les congés de leurs équipes mais, globalement, elles n’ont enregistré qu’un nombre infime de droits de retrait, voire aucun. « Nos équipes ont très vite compris que nous avions un rôle fondamental à jouer », confirme Jérôme Lebon.

Tous ces réseaux bancaires ont aussi basculé en quelques jours une part plus ou moins importante de leurs effectifs en télétravail, tout en conservant un maximum d’agences ou centres d’affaires ouverts. Du côté de la Caisse d’Épargne CEPAC, présente dans treize départements (Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Corse et huit DOM-TOM) « parmi les 3 200 collaborateurs en activité, près d’un tiers d’entre eux est sur le terrain, ce qui nous permet d’avoir 93 % de nos 250 agences ouvertes en Métropole et en Outre-mer, avec des horaires aménagés et des mesures sanitaires très rigoureuses. Plus de 1 100 autres salariés sont aujourd’hui en télétravail pour soutenir la continuité de notre activité », assure Joël Chassard.

Au Crédit Agricole Alpes Provence, parmi ses 160 agences de proximité, qui emploient 1 000 personnes, les plus grandes sont restées ouvertes avec un maximum de 5 à 6 collaborateurs sur place. Et plus de 350 conseillers des 6 centres d’affaires entreprises et des 16 centres d’affaires professionnels et agri-viti sont mobilisés. Enfin, à la Société Marseillaise de Crédit, filiale à 100 % du Crédit du Nord, 92 % des 139 agences, regroupées en 14 directions régionales reparties sur le pourtour méditerranéen, sont ouvertes, ainsi que ses 14 centres d’affaires avec des collaborateurs sur site et d’autres en télétravail. En quelques jours, le groupe bancaire devait passer de 200 à 500 collaborateurs en télétravail (sur un effectif total de 1 289 salariés) et « au bout de quatre semaines, nous avons presque trouvé notre rythme, mais il a fallu très vite se retourner pour garantir la sécurité des collaborateurs et des clients tout en assurant le fonctionnement de la banque et de sa mission de soutien à l’économie », se félicite Bruno Deschamp.

« Au bout de quatre semaines, nous avons presque trouvé notre rythme, mais il a fallu très vite se retourner »

Partout, et ce quelle que soit l’enseigne, les réseaux ont pris des mesures de filtrage à l’entrée des agences, ils ont fourni des gels hydroalcooliques, des gants et des masques quand ils en avaient, ils ont équipé les bureaux et comptoirs de plexiglas et ont renforcé les équipes d’entretien. « Dès les premiers jours de la crise, nous avons pris des mesures très rigoureuses pour préserver la santé de tous », souligne ainsi Joël Chassard de la Caisse d’Épargne CEPAC.

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