Quand l’art redonne du sens au travail
# Activités culturelles # Management

Quand l’art redonne du sens au travail

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Leur objectif n’est pas de réaliser une œuvre d’art, ni d’accorder une pause récréative à leurs collaborateurs. Non, si de plus en plus d’entreprises placent un pinceau ou un instrument de musique entre les mains de leurs salariés, c’est pour fédérer les équipes, transmettre des valeurs, renforcer la culture d’entreprise… Retours d’expérience sur ces pratiques en plein développement, qui associent management et activités artistiques et présentent au moins quatre avantages pour renforcer le lien entre employeur et salariés.

Le groupe de marketing et de communication EWD a travaillé sur ses valeurs et sa culture d'entreprise au travers d'un atelier graphique, animé par Corporate Art — Photo : EWD

Le concert sort de l’ordinaire. L’orchestre qui joue le canon de Pachelbel pour instruments à cordes n’est pas composé de musiciens professionnels, mais d’une quarantaine de cadres du groupe Vorwerk France, qui commercialise notamment le robot culinaire Thermomix. Issus des services financiers, logistiques, informatiques, etc., du siège social nantais, la plupart n’avaient jamais touché à un instrument de musique avant ce séminaire d’entreprise.

« Au départ, je voulais juste changer du format classique de nos réunions de fin d’année. Il n’y avait pas de finalité liée à nos métiers, juste une vocation de distraction. Mais, à la fin de l’événement, j’ai trouvé beaucoup d’analogies entre cette expérience et une gestion de projet réussie. Pour parvenir à jouer ensemble alors qu’ils ne maîtrisent pas le sujet, les gens s’écoutent, s’accordent, sont attentifs les uns aux autres. Ils s’investissent énormément. Résultat, cela marche : ils arrivent à produire quelque chose de beau et ils sont fiers », relate Cédric Guilloux, directeur des systèmes d’information chez Vorwerk France (270 salariés à Nantes, 280 M€ de CA en 2017) et organisateur de cette journée.

« La musique n’est pas une finalité, mais un prétexte et un lien. »

La mise en musique du séminaire a été réalisée par la société nantaise Musique et Vous, créée par Stéphanie Blet et Ludovic Passavant, respectivement altiste et violoniste professionnels. Ils proposent aux entreprises de travailler leurs problématiques RH dans un format de 3 heures, comprenant une initiation à l’instrument grâce à un système de gommettes pour indiquer où poser les doigts, l’apprentissage d’un morceau simple et sa restitution sous la forme d’un concert. « Nous transférons les codes de la musique au management. La musique n’est pas une finalité, mais un prétexte et un lien. Elle permet de mettre au jour, dans une ambiance ludique et inhabituelle, des problématiques de l’entreprise, des dynamiques de groupe, de révéler des potentiels… », expliquent les deux musiciens, qui peuvent se targuer d’avoir dirigé un orchestre de 90 patrons vendéens du Centre des Jeunes Dirigeants.

La démarche est la même pour Antoine Baret, animateur artistique de la société Corporate Art, qui organise, en lien avec sa formation de graffeur, des événements et séminaires d’entreprises autour d’activités graphiques. « Au début, les salariés sont sceptiques, ils ont peur parfois. Dans un second temps, ils se prennent au jeu, se donnent à fond et c’est là qu’il se passe des choses intéressantes », raconte-t-il. En effet, s’il est difficile de trouver des statistiques pour confirmer la tendance, il semble que de plus en plus d’entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs, se montrent sensibles à l’approche artistique pour traiter des problématiques RH.

1 - Fédérer les équipes

La première vertu qui lui est reconnue est de fédérer les équipes. Le cabinet vendéen de conseil en organisation et en stratégie Optésys Conseil (7 salariés, 800 000 € de CA en 2017), qui réunit chaque année ses salariés pour évoquer les projets à venir de l’entreprise autour d’une activité commune, a fait appel, fin août, à Musique et Vous.

« Alors que nous avions des a priori sur la rigueur et l’austérité supposées de la musique classique, nous avons vécu un moment d’échange et de partage intense. Nous nous sommes rendu compte que jouer au même rythme que ses partenaires exigeait beaucoup d’écoute, d’attention envers les autres. Cela passe par de l’entraide, parfois en inversant les rôles. C’est parfois le salarié, plus à l’aise que son manager, qui le soutient. Cette journée a créé une incroyable cohésion au sein de l’équipe et apporté une vraie valeur ajoutée en termes de management », témoigne Julie Legault, chargée de communication chez Optésys Conseil.

2 - Libérer l’expression

Autre expérience, même ressenti. Revêtus de la tête aux pieds d’une combinaison blanche, les quelque soixante salariés de l’entreprise industrielle SFCMM (15 M€ de CA), basée à Saint-Herblain, ont été invités pour leur séminaire de Noël 2017 à s’armer de pots de peinture pour réaliser un visuel commun.

« Je subodorais qu’il pouvait se passer quelque chose. Mais j’ai obtenu avec l’art des résultats que je n’avais jamais obtenus auparavant par des séminaires classiques, fondés sur une activité sportive par exemple. L’art fait ressortir le côté enfance des salariés. L’expression est libre et sans contrainte. En blouse, tout le monde est égal : hommes et femmes, opérateurs et managers, jeunes et plus âgés… De plus, dans l’environnement très normé de l’industrie, faire des graffitis sur les murs a un côté transgressif, assez jouissif. C’est une occasion de sortir du cadre qui révèle des personnalités », commente Olivier Baret, PDG de la PME.

3 - Transmettre des valeurs

Intégrer de nouveaux collaborateurs, transmettre des valeurs, renforcer la culture d’entreprise, ce sont quelques-unes des raisons qui ont amené le groupe nantais de marketing et de collaboration à distance EWD (32 salariés, 4,5 M€ de CA) à recourir aux services de Corporate Art. « En 2017, nous avons créé l’entité EWD Group, pour Enjoy Workink Differently, qui regroupe les sociétés Effi'connect (solutions collaboratives), Pogotango (stratégie data et marketing relationnel) et Com’caféine (communication). L’enjeu de notre premier séminaire EWD était de travailler de façon décalée sur notre positionnement et nos valeurs, alors que la moitié des collaborateurs de la société a moins d’un an d’ancienneté », expose Philippe Saurel, fondateur et dirigeant du groupe.

Les 30 collaborateurs ont ainsi été invités à graffer sur trois panneaux représentant le nom du groupe, ainsi que sur des vignettes énumérant ses cinq valeurs clés. Les œuvres ainsi réalisées sont affichées sur les murs, permettant de conserver une trace pérenne de ce travail de groupe, autre avantage de cette approche.

4 - Autoriser l’émotion

Selon une étude réalisée par l’Institut Gallup (State of the global workplace) en 2017, seulement 10 % des salariés français seraient engagés dans leur travail. Ce qui laisse supposer qu’a contrario 90 % d’entre eux seraient plus ou moins désengagés. L’art peut constituer une réponse adaptée à ce phénomène, en redonnant du sens au travail, via l’émotion et le plaisir partagés. Ce que corrobore Philippe Saurel : « Pour moi, engagement des collaborateurs et plaisir sont indissociables. C’est pourquoi, nous avions organisé notre séminaire en deux temps. Le matin, nous avons fait intervenir un expert du digital sur la nécessité d’engager les salariés dans la transition managériale et numérique. Ce travail sur le fond a été complété et enrichi, l’après-midi, par les activités graphiques qui ont apporté du plaisir, de l’émotion, ainsi qu’une dimension collaborative fondamentale dans nos métiers. »

Même ressenti pour Julie Legault d'Optésys Conseil, qui souligne : « Le concert que nous avons joué était un moment hors du temps, très fort. Ce n’est pas fréquent d’éprouver de telles émotions dans le cadre du travail avec ses collègues. Je m’en souviendrai toute ma vie ».

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