Engagée depuis 2019 dans un verdissement de son modèle, l’enseigne nordiste de prêt-à-porter Jules (3 000 salariés, 500 M€ de CA) va plus loin en devenant, au printemps 2023, entreprise à mission. Mettant au cœur de sa raison d’être, de "retisser le lien entre l’homme et son environnement", Jules veut agir là où le bât blesse. "L’industrie de la mode est face à deux grands enjeux : elle fait partie des plus polluantes et des plus consommatrices de ressources. Depuis les années 1970, surconsommation et surproduction sont au cœur de notre industrie. Nous allons essayer de faire évoluer ça, à notre échelle", résume Franck Poillon, le DG de l’enseigne, détenue par l’AFM. "Nous sommes un petit acteur, très franco-français, notre impact ne sera jamais énorme. Mais nous avons une responsabilité et un rôle à jouer, il n’y a pas de petit geste."
Rapprocher la production
Petites ou pas, Jules multiplie les initiatives pour tenter de réduire son impact. En commençant par prendre le contre-pied du mantra de l’industrie textile : "Produire toujours plus, toujours plus loin, toujours moins cher", comme le résume Franck Poillon. L’enseigne travaille à réduire les quantités qu’elle fait produire, pour limiter ses invendus. Elle a ainsi acheté 2,7 millions de pièces en moins depuis 2019, à chiffre d’affaires équivalent, et a vu baisser son stock résiduel à 2 % de ses collections, contre 6 % auparavant, tout en proposant moins de promotions. Surtout, elle travaille à rapprocher ses lieux de production, et à améliorer ses matières premières. "En 2023, nous produisons à 83 % en Asie, et à 17 % en proche import, entre le bassin méditerranéen et l’Europe. Nous visons les 33 % en proche import d’ici 2026, en nous appuyant de plus en plus sur des partenaires industriels français, avec 19 projets en cours". Avec parfois des déconvenues : le Denim Center, l’usine de jeans implantée par le groupe pour relocaliser une partie de la production de jeans de Jules et BZB à Neuville-en-Ferrain (Nord), n’a pas atteint ses objectifs, peut-être "un peu trop ambitieux", selon Franck Poillon. Sur les quelque 80 000 pièces produites dans le Nord en 2022, 20 000 à 25 000 jeans "5-9" étaient destinés à Jules, qui vise les 40 000 pièces en 2023, les 100 000 pour 2024, puis "beaucoup plus". En parallèle, Jules accélère sur la "désidurabilité" (contraction de désir et durabilité) de ses produits, conçus pour être portés plus longtemps : sa nouvelle gamme de basiques "parfaits" est garantie quatre ans.
Améliorer les matières premières
En parallèle, Jules travaille sur ses matières premières, qui constituent 50 % de son impact environnemental. L’enseigne se fournit donc en matières "à moindre impact", bio ou recyclées : en 2022, elles représentaient 17 % du tonnage acheté, et devraient passer à 40 % en 2023. L’éco-conception lui permet également de réduire son empreinte, avec par exemple des pulls "zéro déchet", tricotés d’un seul tenant chez un partenaire malouin, des denims délavés grâce à la technique "Waterless"… En tout, 50 % de l’offre, équivalent à 70 % du chiffre d’affaires, est ainsi étiqueté "In Progress", soit, plus vertueux. Cela devrait concerner 80 % des produits en 2026.
Face à ces efforts, Jules souligne "l’ambivalence" des comportements de ses clients. Lesquels se disent concernés par l’empreinte carbone de leurs achats, mais s'attachent surtout au style et au prix quand il s’agit de passer à la caisse. Qu’importe, Jules mise sur le long terme, et sur la "pédagogie" déployée dans ses 550 boutiques, pour accompagner ses clients dans leurs choix.
