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Avec ses masques, Kolmi Hopen a répondu à l’"effort de guerre"
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Avec ses masques, Kolmi Hopen a répondu à l’"effort de guerre"

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Après plus de six mois de crise sanitaire, Kolmi Hopen, le plus important fabricant de masques médicaux en France, a multiplié sa production par dix . Une croissance très rapide pour l’entreprise de Saint-Barthélemy-d'Anjou, en Maine-et-Loire, qui veut conforter sa place de leader et inscrire ce développement dans la durée.

L'entreprise Kolmi Hopen de Saint-Barthélemy d'Anjou est le premier fabricant français de masques médicaux — Photo : Kolmi-Hopen

« Tous les jours, depuis le 15 janvier, il nous arrive un truc incroyable ! Au début de la crise, j’ai dit aux équipes que l’on partait pour un marathon. En réalité, c’est un ultratrail. On a bien fait 42 kilomètres mais il en reste encore 120. » En janvier, Gérald Heuliez était bien loin d’imaginer une année 2020 aussi animée. Le directeur général de Kolmi Hopen, premier fabricant de masques médicaux en France, est sur le front depuis le début de la crise sanitaire dans l’Hexagone. Et même avant, lorsque les premiers signes du coronavirus sont apparus à l’autre bout du monde. « Le groupe canadien Medicom, dont nous sommes une filiale, a des usines et des réseaux de vente en Asie, raconte le dirigeant. Les demandes ont commencé à affluer de différents pays dès le début de l’année et nous avons peu à peu augmenté la production pour répondre aux demandes. »

En souffrance depuis trois ans

Depuis quarante ans, l’entreprise angevine fabrique des masques anti-projections ou de type FFP2 pour le secteur médical. Elle produit également des coiffants de type charlotte, des couvre-chaussures, des champs opératoires, des gants ou encore des bavoirs dentaires et une gamme de produits d’hygiène corporelle. « Avant la crise, précise Gérald Heuliez, nous étions un des derniers fabricants de masques dans l’Hexagone et nous défendons cette production française, avec 100 % de matières premières qui viennent d’Europe. Tous nos produits sont vendus à des distributeurs et nous travaillons aussi un peu pour le secteur de l’agroalimentaire, ce que nous voulons faire encore plus à l’avenir. » En 2019, l’entreprise angevine, sur ses marchés récurrents, avait réalisé un chiffre d’affaires de 28 millions d’euros, dont 25 % à l’export, principalement en Europe. « On souffrait depuis trois ans, confie Gérald Heuliez. Nous envisagions de spécialiser notre usine angevine uniquement sur la fabrication de masques et d’externaliser le reste en sous-traitance ou en achat, mais désormais nous allons tout gérer en interne. Cela s’est joué à très peu. »

Une production réquisitionnée dès février

La crise sanitaire a en effet modifié le destin de Kolmi Hopen. Créée en 1921 pour fabriquer du papier à cigarettes, se tournant vers la production de masques à usage unique dans les années soixante-dix, Kolmi, il y a trente ans, aurait presque pu fermer ses portes. Reprise en 1999, elle employait 48 personnes pour un million d’euros de chiffre d’affaires, puis 12 millions en 2006 et 25 millions en 2010. Gérald Heuliez a intégré l’aventure fin 2005 : « On s’est relancé, raconte-t-il, en investissant, avec l’objectif de prendre une petite partie du marché mondial. Il y a 20 ans, nous avons créé Hopen, pour les équipements de protection individuelle avec couture qu’on ne peut pas faire ici, et associé les deux noms. » En 2011, l’entreprise angevine se rapproche du groupe canadien Medicom pour s’ouvrir au marché étranger, tout en demeurant Kolmi Hopen. Les produits de l’entreprise sont présents dans 26 pays européens et des masques ont été vendus à Hong Kong et Singapour. Et c’est son savoir-faire que l’État français a mis à contribution dès le début de la crise, réquisitionnant, en février, toute sa production de masques.

7 millions d’euros d’investissement en machines

Des 14 000 mètres carrés de l’usine de Saint-Barthélémy-d’Anjou étaient ainsi sortis, de janvier aux premiers jours de juillet, 150 millions de masques. Pour cela, l’entreprise a dû, à partir de février, intensifier ses cadences, en travaillant sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. « Nous produisions avant la crise 300 000 masques par jour, précise Gérald Heuliez. Cet été, nous en sommes à 1,5 million quotidiennement et nous atteindrons 3,5 millions fin octobre. » Pour cela, Kolmi Hopen a dû se procurer, auprès de fournisseurs français, de nouvelles machines : onze d’ici cet automne, pour un investissement total de sept millions d’euros. Le 7 juillet, la PME a ouvert une seconde usine de 5 000 mètres carrés, à Beaucouzé, en périphérie d’Angers, pour honorer toutes ses commandes.

Kolmi-Hopen a investi 7 millions d'euros dans 11 nouvelles machines — Photo : Kolmi-Hopen

« Depuis le début de l’année nous renforçons sans cesse nos équipes, ajoute Gérald Heuliez, De 102 personnes en janvier, nous sommes passés à 200 en juillet et nous serons au total 270 à la fin de l’année sur nos deux sites. » L’usine de Saint-Barthélemy conservera la production de dispositifs médicaux, masques, surchaussures et coiffants. La nouvelle unité de Beaucouzé, baptisée Medicom Kolmi Hopen Engineering, fabriquera des masques pour de nouveaux segments, pharmacies ou grande distribution, en plus de quelques autres productions pour le secteur médical. L’entreprise veut en effet répondre aux commandes de ses clients historiques et s’attaquer à d‘autres marchés.

Nouvelle usine en Angleterre

Pendant près de quatre mois, Kolmi Hopen, réquisitionnée, a donc livré tous ses masques à l’État français, via Santé Publique France. Au plus fort de la crise sanitaire, le 31 mars, en plein confinement, le président de la République Emmanuel Macron est même venu visiter l’usine angevine, appelant ce jour-là à l’importance de relocaliser les productions stratégiques.

Le 31 mars, Emmanuel Macron est venu visiter l'usine angevine — Photo : Olivier Hamard JDE

Une visite d’une heure quarante qui a mis la PME sous les feux de la rampe : « Si je devais remettre une médaille à notre meilleur vendeur, ce serait au président Macron, s’amuse Gérald Heuliez. Sa venue nous a apporté une énorme visibilité et a renforcé notre notoriété. » Elle a permis à l’entreprise angevine, avec l’appui de Medicom et des deux sociétés sœurs commerciales du groupe en Ukraine et aux Pays Bas, de décrocher de nouveaux contrats. « Nous accompagnons la création d’un site à Singapour qui emploiera 75 personnes, précise Gérald Heuliez, et le gouvernement britannique a passé commande de 500 millions de masques. Nous construisons une usine qui sera opérationnelle en septembre, à Northampton, à une centaine de kilomètres au nord de Londres. » Si c’est le groupe canadien qui a investi dans cette nouvelle entité, Medicom UK, Kolmi Hopen en assure l’expertise, source les matières premières et supervise la partie technique. L’usine de Saint-Barthélémy-d’Anjou produira même 30 % de la commande, ce qui va lui permettre de compenser les pertes générées pendant la réquisition de l’État français.

Des clients conservés

Photo : Kolmi-Hopen

En effet, jusqu’à la mi-mai, l’entreprise angevine, même en assurant la fabrication en parallèle d’autres produits, n’a pas livré de masques à ses clients habituels. Sans pour autant perdre le lien avec eux, la PME a dû temporairement céder du terrain : « Nous ne les avons pas perdus parce que nous sommes fabricants depuis 40 ans et qu’il y a une relation de confiance, affirme Gérald Heuliez, mais nous avons vu arriver de nouveaux concurrents en France et en Europe, et la crise a permis à des opportunistes de créer du business. Le prix des matières premières a aussi flambé. Nous avons pu sécuriser nos approvisionnements auprès de nos fournisseurs qui sont de vrais partenaires et avec lesquels nous développons des produits. »

La concurrence nouvelle, la hausse du coût des matières premières n’inquiètent pas l’entreprise angevine. Si la réquisition de l’État français est terminée, le contrat court jusqu’au printemps 2021 et 40 % des masques fabriqués actuellement lui sont encore destinés. Parallèlement, la PME a retrouvé ses marchés et la commande passée par l’État britannique lui assure un certain volume. « Jusqu’à fin 2021, nous sommes super-optimistes, confie Gérald Heuliez. Pour la suite, on ne sait pas, mais nous avons plusieurs leviers de croissance, avec la prescription, les alertes sanitaires, l’agroalimentaire et l’industrie en général. Nous sommes aussi en discussion avec plusieurs États et, d’ici la fin de l’été, nous aurons sans doute signé des contrats avec d’autres pays. Dans quelque temps, nous devrions avoir trois ou quatre sites de production en Europe et leur organisation sera gérée depuis Angers. »

En attendant, le chiffre d’affaires de Kolmi Hopen atteignait 75 millions d’euros au 31 juillet de cette année, date de clôture de son année fiscale. Sur le périmètre européen, en y additionnant ceux des deux sociétés commerciales du groupe en Ukraine et au Pays Bas, pilotées depuis Angers, il dépassait même les 100 millions d’euros contre 43 millions d’euros en 2019. 95 % auront été réalisés sur le Vieux continent. Un territoire dont l’entreprise de Saint-Barthélemy veut poursuivre la conquête.

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