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Coronavirus : « Après le confinement, il faudra que les entreprises redonnent du sens »
Interview Nantes # Management

François Badénès fondateur de La Fabrique du changement Coronavirus : « Après le confinement, il faudra que les entreprises redonnent du sens »

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La crise sanitaire et économique liée à la propagation du coronavirus est, selon François Badénès, l’occasion pour les entreprises de remettre en question leur organisation mais aussi leur mission. Le sociologue, fondateur de la Fabrique du changement et créateur du collectif Les artisans du changement donne quelques conseils aux dirigeants pour vivre cette période et préparer l’après-confinement.

— Photo : François Badénès

Le confinement est en train de bouleverser le fonctionnement des entreprises, obligeant celles qui le peuvent à basculer les équipes en télétravail. Avez-vous des conseils à donner aux dirigeants pour gérer au mieux cette période de management à distance ?

François Badénès : Les dirigeants se rendent compte que les réunions ne sont pas de la même nature quand on les fait à distance. Cette pandémie amène à avoir une meilleure qualité d’écoute, à être dans la bienveillance. Je leur conseille d’avoir un usage raisonné de la visioconférence, à ne pas faire des réunions trop longues, et d’organiser des échanges juste pour prendre des nouvelles, être dans l’empathie, la bienveillance. Le rôle du manager aujourd’hui est d’avoir une veille bienveillante sur son équipe. Pour les dirigeants, cette période est l’occasion de réfléchir à l’organisation des équipes et au management. C’est le moment de s’interroger sur son équipe : est-ce que je suis bien entouré, avec les bonnes personnes ? Il faut aussi que le dirigeant arrive à se mettre en pause s’il le peut, à lâcher prise. Savez-vous que les 10 patrons des 10 plus grosses entreprises du monde ont tous adopté des rituels de méditation ? Ce n’est pas pour rien. Pour les dirigeants qui ont le temps, je conseille de profiter de la période de confinement pour se former, d’autant plus qu’il y a plein de coaching ou de webinars gratuits en ce moment.

En quoi cette crise sanitaire peut faire réfléchir sur l’organisation de son entreprise ?

François Badénès : L’erreur à ne pas faire est de repartir comme avant, comme en 40 comme on dit, et de mettre la pression aux équipes. On a tous pris une grosse claque et on va devoir reconstruire cela en se posant des questions sur ce qui est, au fond, la mission de l’entreprise. Les dirigeants ont intérêt à réinventer l’entreprise, revoir son organisation, son management, en mettant en place un temps d’écoute et de construction collective. Le job des managers n’est pas d’avoir toutes les réponses mais de savoir écouter, d’être en coconstruction. Les dirigeants peuvent organiser des marathons créatifs, des forums ouverts avec les collaborateurs, ce que l’on appelle aussi du hacking bienveillant, en s’interrogeant sur leur mission sociale et leur politique RSE. Les salariés devront aussi prendre leur part, et ne pas attendre un chef d’entreprise qui aurait réponse à tout comme un homme providentiel. Il faudra aussi qu’ils contribuent à la sortie de la crise. Il faudra que les entreprises redonnent du sens, réinventent des services innovants.

Comment voyez-vous l’après-confinement ?

François Badénès : Le scénario le plus pessimiste que je redoute, c’est que l’on reparte comme avant jusqu’à l’écroulement final en passant par le repli sur soi et la récession. J’espère que le choc va nous amener à réfléchir sur ce qu’on peut faire demain. J’espère qu’il y aura des États Généraux à la rentrée, organisés par le gouvernement, pour revoir le pacte social et économique. C’est l’occasion de mettre en place un fonctionnement économique plus près de l’humain qui passerait aussi par un plan de relance européen. C’est mon espoir un peu naïf. Mais j’espère que cet état d’esprit de solidarité que l’on observe actuellement perdurera. Cela pourrait être l’occasion de mettre en place le revenu universel et de lancer un nouveau statut d’entreprise que l’on appellerait des social up, des petites start-up à vocation sociale. C’est aussi le moment d’imaginer des modes d’organisation et de travail plus souples avec à la fois du présentiel et du distanciel. Je pense que la population est bien plus mûre que ce que les dirigeants pensent, qu’elle aspire à plus d’autonomie, de créativité, d’écologie. Ce serait dommage que cette aspiration ne trouve pas d’écho.

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