Loire-Atlantique
Comment la PME Sodipa a été reprise par son propre patron
Loire-Atlantique # Industrie # Reprise

Comment la PME Sodipa a été reprise par son propre patron

S'abonner

Placée en liquidation judiciaire, la PME Sodipa, fabricant d'emballages pour l'agroalimentaire basé à Guérande (Loire-Atlantique), vient d'être reprise par son propre patron, Didier Rio. Une opération rarement autorisée par un tribunal de commerce. Récit d'un sauvetage in extremis.

Didier Rio, dirigeant du réseau d'entreprises Zefi, a repris Sodipa en 2012. — Photo : Sodipa

Quand il rachète pour un euro symbolique Sodipa (Société de Distribution de Papier) en 2012, Didier Rio se décide presque sur un coup de tête. Son prédécesseur Pascal Guibal lui confie alors qu’il va devoir déposer le bilan de cette entreprise de Guérande (Loire-Atlantique) créée 63 ans auparavant qui compte 60 salariés et fournit les artisans, pharmacies et commerces de l’agroalimentaire en emballages. Après de belles performances au début des années 2000, l’activité est en recul, surtout depuis l’incendie qui a ravagé les locaux situés en plein cœur des Salorges en 2005.

« Zefi, le réseau d'entreprises dont je suis dirigeant (500 salariés, 14 M€ de CA), était un des sous-traitants de Sodipa. Il faisait travailler une dizaine de mes salariés », se souvient Didier Rio. Zefi, une holding basée à La Montagne, réunit 8 PME entre la Normandie, le Nord, la Bretagne et les Pays de la Loire, toutes adaptées pour les travailleurs handicapés. De la mise sous pli à l’archivage de documents en passant par l’emballage de pièces détachées pour l’automobile, ils travaillent pour des secteurs très variés, toujours en sous-traitance de grands groupes, tels que le distributeur de presse Presstalis ou le groupe d’assurance MMA.

Plus de 2 millions de perte par an

L’entrepreneur nantais pense alors que la reprise de Sodipa sera une formalité. Et même s’il ne connait pas le secteur de l’emballage, l’aventure ne lui fait pas peur. « J’avais déjà repris trois entreprises et tout s’était bien passé. Tout ce que j’avais fait jusqu’ici, je l’avais réussi. Je n’ai pas pris la mesure », avoue-t-il. C’est en regardant les comptes qu’il déchante rapidement. « L’entreprise faisait 5 M€ de CA, dont 7 millions de passif et perdait 2,5 M€ par an. On était constamment en tension, on n’arrivait pas à livrer nos clients à temps », se souvient Didier Rio. La première année, le chiffre d'affaires chute d’un million d’euros. Il commence par licencier une bonne partie de la direction. « Cela m’a coûté 150 000 euros », se rappelle-t-il. Puis il injecte, sur cinq ans, 1 million en fonds propres pour rembourser les dettes.

Cinq ans pour revenir à l’équilibre

En cinq ans il réussit le pari de l’équilibre. Son objectif est alors de spécialiser l’entreprise dans la fabrication d’emballages en matières écologiques biodégradables. Même en cette période mouvementée, Sodipa, qui travaille pour 3 000 clients, à la fois des grands groupes tels que Leclerc ou Jardiland que pour des charcutiers et poissonniers locaux, n’hésite pas à innover. Sodipa dépose des brevets, invente des nouveaux produits comme des emballages ovales personnalisés avec le nom du charcutier pour emballer les steaks hachés, des feuilles alimentaires avec des poèmes et des partitions de musiques ou encore des élégantes boites en carton pour transporter du poisson ou de la viande. Didier Rio ose, mais ce n'est pas suffisant pour sauver l’entreprise.

Deux concurrents candidats à la reprise

A l’automne 2017, il se résout à placer Sodipa en redressement judiciaire. « On serait mort sinon », se rappelle le chef d’entreprise. Après six mois d'observation, les juges envisagent une vente par plan de cession. Rapidement, deux concurrents directs de Sodipa se présentent à la barre du tribunal de commerce de Saint-Nazaire. Tous deux sont très intéressés par le portefeuille de clients de la vieille entreprise guérandaise. Mais Didier Rio ne veut pas perdre tout ce qu’il a investi. « J’ai passé des nuits blanches, des jours entiers à travailler de 4 heures du matin à 21 heures, constamment sur la route pour gérer mes autres sociétés », se souvient-il.

Didier Rio reprend sa propre entreprise

C’est alors que son avocat, Bernard Rineau, a l’idée originale de demander au tribunal de commerce de Saint-Nazaire d’accorder à Didier Rio le droit de reprendre sa propre entreprise. En principe, la procédure est illégale. Mais il y a une exception à la règle : le dirigeant qui dépose le bilan peut se porter candidat repreneur de sa propre entreprise s’il prouve que les difficultés de l’entreprise ne sont pas de son fait mais dues à la gestion de la précédente direction. L'avocat parvient à prouver les responsabilités de l’ancien dirigeant, Didier Rio participe à la compétition qui s’organise pour la reprise de Sodipa et gagne face à ses concurrents. Aujourd'hui, il espère « revenir à 5 M€ de CA en 2019 et recruter 5 nouveaux salariés par an ».

Comme pour tirer un trait sur le passé, il a démoli lui-même les bureaux de Sodipa, qu’il veut désormais transformer en showroom pour exposer ses produits. A terme, il pense pouvoir atteindre les 20 M€ de CA.

Loire-Atlantique # Industrie # Reprise