Coronavirus : ces PME de l'Ouest qui pivotent pour survivre
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Coronavirus : ces PME de l'Ouest qui pivotent pour survivre

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Distributeurs de gel hydroalcoolique sans contact, vitres de protection transparentes, visières, masques… Pour pallier leur manque à gagner, des PME de Vendée et de Loire-Atlantique se lancent dans la production d’équipements pour limiter la propagation du Covid-19 dans les entreprises.

La société nantaise Mprod a installé des sas d'accueil au sein du centre E.Leclerc de Rezé; en Loire-Atlantique. — Photo : Mprod

« En quelques semaines, nous avons réorienté notre activité à 180 degrés ». Dès le début du confinement, la PME nantaise Ad’hoc média (17 salariés, 1,6 M€ de CA) s’est totalement réinventée. Aujourd’hui, elle a mis entre parenthèses son activité principale – l’impression numérique sur panneaux signalétiques pour les entreprises et l’événementiel – pour se consacrer pleinement à la production d’équipements pour protéger les salariés qui ont repris le travail.

L'événementiel à l'arrêt

« Début mars, notre activité liée à l’événementiel s’est brutalement arrêtée, tandis que les dossiers portant sur la signalétique durable ont été mis en attente. L’entreprise s’est donc retrouvée totalement à l’arrêt », raconte Hugues Malhère, le dirigeant d'Ad’hoc média. Dès la fin du mois de février, la société avait cependant imaginé et vendu quelques dizaines de cloisons transparentes en vue des élections municipales pour protéger les assesseurs dans les bureaux de vote.

Grâce à cela, la PME nantaise a été sollicitée dès le lendemain du confinement par des magasins de la grande distribution souhaitant s’équiper de cloisons. « Nous en avons vendu des centaines, notamment aux magasins Biocoop. Au fil des jours, nous avons enrichi notre offre, en sortant trois nouveaux produits par semaine », poursuit le dirigeant. L’entreprise s’est mise à produire des séparations transparentes pour véhicules, des visières et même des présentoirs de solution hydroalcoolique, qu’elle commercialise grâce à son site de vente en ligne.

Ad’Hoc Media, spécialisée dans la fabrication de panneaux signalétiques à Nantes, s’est mise à fabriquer des cloisons de séparation et des distributeurs de gel hydroalcoolique. — Photo : Ad'hoc Media

Et si cette nouvelle activité n’a pas compensé le recul du chiffre d’affaires d'Ad’hoc média en mars et en avril, cela devrait être le cas au mois de mai. « Ces nouveaux marchés nous permettent non seulement de survivre à la crise, mais ils relancent notre métier historique d’imprimeur : les magasins qui achètent nos nouveaux équipements nous demandent maintenant de leur faire leur signalétique Covid », se réjouit Hugues Malhère.

Des bâches transparentes deux fois moins chères que le plexiglas

Comme Ad’hoc média, de nombreuses PME en Loire-Atlantique et en Vendée se sont lancées dans la production de protections pour les entreprises. Pour soutenir les innovations vendéennes, le centre de ressources en innovation (CRI) de l’agglomération de la Roche-sur-Yon a même lancé un fonds de soutien, en partenariat avec le Réseau Entreprendre Vendée et Vendée French Tech. Une enveloppe de 35 000 € permettra d’accompagner au moins quatre innovations.

Dans son atelier du Sud Vendée, la PME Sofareb (32 salariés, 4 M€ de CA), qui fabrique des bâches de protection sur-mesure, a eu une idée ingénieuse. Celle qui utilise notamment des bâches transparentes en PVC pour confectionner des abris, des chapiteaux, ou des housses pour professionnels et particuliers, a imaginé utiliser ce matériau comme alternative au plexiglas. L’idée : poser des bâches de protections entre des bureaux ou devant des espaces d’accueil pour protéger les salariés. « C’est une matière plus souple, plus facile à manipuler et deux fois moins chère que le plexiglas », détaille Laure Rautureau, codirigeante avec son frère, Franck Chauveau, de la PME basée à Longèves.

La PME vendéenne Sofareb s'est lancée dans la production de bâches transparentes pour protéger les bureaux ou espaces d'accueil. — Photo : SOFAREB

Des systèmes pour ouvrir les portes avec les pieds

À Treillières, en Loire-Atlantique, l’entreprise spécialisée dans l’agencement de bureaux Vivolum (60 salariés, 6,5 M€ de CA) a elle aussi développé des écrans de protection en plexiglas pour les bureaux « afin de répondre aux besoins de ses clients post-confinement. » L’entreprise a également développé des systèmes pour ouvrir les portes avec les pieds.

Comme elle, le commerçant d’instruments de musique Music Sun, basé aux Sables d’Olonne, a imaginé une solution « sans contact ». Il a créé un distributeur de gel hydroalcoolique confectionné à partir d’un pied de batterie. Les cymbales sont remplacées par un flacon et, en appuyant avec le pied sur la pédale, une dose est distribuée. Le commerçant, qui n’a pu rouvrir ses portes que le 11 mai, a déjà réussi à séduire plusieurs commerces : des agences bancaires, des centres médicaux et une galerie commerciale.

Les dirigeants des sociétés de nettoyage MISP et de métallurgie MISM, à Saint-Herblain, ont créé un distributeur de gel hydroalcoolique sans contact. — Photo : MISM

Et ce n’est pas le seul à avoir imaginé un produit comme celui-ci. En Vendée comme en Loire-Atlantique, les distributeurs de gel fleurissent. À Saint-Herblain, les dirigeants des sociétés de nettoyage MISP (45 salariés, 700 000 € de CA) et de métallurgie MISM (30 salariés, 3M€ de CA) se sont également lancés dans cette production. « Depuis le début du confinement, l’activité de l’entreprise de métallurgie est à l’arrêt, les commandes sont annulées. Une quinzaine d’emplois sur 30 sont en danger. Alors, nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose pour sauver l’activité, décrit Jean-Michel Dias, qui dirige la société MISP. Et nous nous sommes lancés dans la production de bornes de désinfection. Aujourd’hui, déjà 500 produits ont été vendus et nous espérons en vendre beaucoup plus », se réjouit-il.

Des crochets pour limiter l’usage de ses mains

Un peu partout sur le territoire, des innovations sans contact voient le jour. Avant le confinement, Valentin Diot et Louison Charpentier fabriquaient des vélos haut de gamme en bambou sur-mesure. Mais le confinement a brutalement arrêté l’activité principale de leur jeune société Atelier d’Ernest (2 salariés) créée en 2019. Les deux ingénieurs nantais fraîchement sortis de l’Ecole Supérieure du Bois ont eu alors l’idée d’inventer un outil utile au déconfinement : un crochet en bois qui permet de limiter l’usage de ses mains. Il sert à ouvrir les portes mais aussi à appuyer sur les boutons des interphones ou les ascenseurs sans utiliser ses doigts. Les deux entrepreneurs l’ont inventé en trois jours.

La commercialisation a été lancée début mai. En une semaine, l’atelier d’Ernest a vendu 500 crochets, majoritairement pour les particuliers. « Nous sommes capables de produire 1 000 crochets en bois et 1 000 autres en inox destinés aux professionnels par semaine », précise Louison Charpentier. Il a pour objectif de vendre 300 000 crochets en France. Et d’ores et déjà, l’atelier d’Ernest réfléchit à créer un autre outil pour aider les restaurateurs à reprendre leur activité en toute sécurité.

Des sas d’accueil pour le déconfinement

Pour le déconfinement, la société Mprod est même allée plus loin. Elle a imaginé des sas d’accueil avec du gel hydroalcoolique distribué sans contact, des panneaux d’informations pour rappeler les gestes barrière mais aussi des caméras thermiques en option. L’entreprise de deux salariés (1,8 M€ de CA) qui conçoit et monte des scénographies pour les événements des agences de communication et d’événementiel s’est retrouvée avec une activité réduite à zéro du jour au lendemain.

Les trois premiers sas d'accueil ont été installés le 10 mai à l’entrée du E.Leclerc Océane à Nantes. Depuis, Aymeric Dargnies, le dirigeant, ne cesse de recevoir des appels d’entreprises intéressées. « Ce sont surtout des petites entreprises, certaines sont locataires d’un même espace et cherchent un moyen d’organiser la réouverture et l’accueil du public », remarque-t-il. « On est capable d’en fabriquer 50 par semaines ». Cette activité pourrait bien lui permettre de sauver l’année de son entreprise. « On continue à faire de l’événementiel, de l’éphémère, mais en moins glamour. On rajoute juste une corde à notre arc », analyse Aymeric Dargnies. Ce nouveau produit pourrait bien devenir un nouveau standard de l’entreprise. « Probablement que dans un an, deux ans, on aura gardé l’habitude d’avoir un distributeur du gel hydroalcoolique à l’entrée des sites », suppose l’entrepreneur.

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