Depuis la rentrée, vous assurez la direction générale de Wiseed. Vos nominations marquent-elles une nouvelle étape pour l’entreprise ?
Christophe Azaïs : Nous avons été recrutés par Nicolas Sérès, président et cofondateur de Wiseed, dans le cadre des nouvelles ambitions de l’entreprise. Dans un premier temps, l’objectif est de doubler l’activité dans les deux ou trois ans à venir, à la fois sur les montants prêtés et le chiffre d’affaires. La deuxième ambition est, à cette échéance, de s’ouvrir le marché européen.
Quelles sont vos priorités pour assurer ce développement ?
C. A. : Un premier enjeu concerne le sourcing de projets à financer. À la création du crowdfunding, les sociétés qui ont réussi à se développer sont celles qui ont su trouver des fonds. Notre plateforme regroupe 122 000 inscrits dont 15 000 portefeuilles actifs, pour des investissements moyens de 1 500 euros. Cette communauté est capable de réagir très rapidement : sur certains projets immobiliers, on arrive à lever jusqu’à 2 M€ en un après-midi ! Il y a, aujourd’hui, un décalage entre ce dynamisme des investisseurs et l’offre.
Mathilde Iclanzan : Développer l’offre de financement implique une évolution de nos process vers la recherche de projets, les audits, les comités de sélection… Nous aurons besoin de renforcer les équipes mais aussi de structurer l’entreprise. Sur la communication et le marketing, nous allons créer une branche centrée sur la recherche d’affaires et la gestion de nos partenaires. On peut aussi envisager des alliances avec des concurrents qui auraient des projets mais pas la puissance d’investissement de Wiseed. Le marché du crowdfunding s’est beaucoup développé ces dix dernières années. Il y a maintenant énormément d’acteurs, des rapprochements sont inévitables.
Vous envisagez la croissance externe ?
C. A. : Nous discutons actuellement avec d’autres acteurs du marché. La croissance externe pourrait se faire auprès d’un pure player présent soit sur des marchés que nous traitons déjà, comme l’immobilier ou les énergies renouvelables, soit sur de nouveaux segments pour étoffer notre offre. Une autre piste consisterait à nous positionner auprès d’une société généraliste, déjà présente dans d’autres pays afin de gagner du temps sur nos projets européens. La question n’est pas de trouver un avenir à la société, mais de lui trouver le meilleur des avenirs possibles ! Notre objectif d’est d’identifier une cible d’ici le premier trimestre 2020.
De nombreux acteurs du crowfunding ont fait le choix de s’adosser à des grands groupes bancaires. Quelle est votre stratégie ?
C. A. : Ces acteurs ont privilégié la recherche de fonds : Wiseed a fait le chemin inverse en travaillant sa notoriété, sa communauté d’investisseurs et sa rentabilité. Les fondations pour l’accélération sont là. Notre ambition est de regrouper des acteurs de taille moyenne pour créer un leader français indépendant, avec l’agilité et la liberté que cela implique dans le choix et la gestion des projets.
Vous avez cependant annoncé une ouverture aux acteurs institutionnels en début d’année…
M. I. : Nous leur ouvrons l’accès sur les dossiers supérieurs. La loi Pacte nous permet désormais de monter le niveau des financements proposés aux entreprises, de 5 M€ actuellement jusqu’à 8 M€, et ouvre aussi nos produits pour les détenteurs de PEA-PME. Wiseed est la seule plateforme en France à pouvoir proposer ces montants grâce à son statut de prestataire de services d’investissement (PSI). Mais notre ADN reste le crowdfunding.
Votre plateforme est surtout identifiée sur l’investissement immobilier. Allez-vous élargir le spectre des projets ?
C. A. : À la création de Wiseed, il a fallu faire des choix : l’immobilier, la santé et les énergies renouvelables ont été priorisés. Notre souhait est de moins nous concentrer sur des filières mais davantage sur des typologies d’entreprises. Nous visons notamment les PME porteuses de projets innovants, par exemple dans l’aéronautique ou le spatial, ou ayant projets de développement commercial. À titre d’exemple, nous venons d’accompagner le développement de la société d’Inès de la Fressange en Chine.
M. I. : Les start-up sont une autre cible. Lever des fonds avec Wiseed, ce n’est pas seulement obtenir des financements, c’est aussi développer d’un coup une notoriété auprès d’une communauté de dizaines de milliers d’investisseurs souvent très qualifiés, avec des expertises susceptibles d’accompagner la croissance du projet. Un de nos chantiers est de mieux faire connaître Wiseed dans les pépinières et les incubateurs. De façon plus générale, nous avons tout un travail de maillage à effectuer auprès des prescripteurs type clusters, pôles de compétitivité et syndicats professionnels, mais aussi chez les acteurs institutionnels type Bpifrance avec qui on peut envisager des effets leviers.