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Tribunal de commerce de Nice : "Trop peu d'entreprises utilisent les procédures amiables"
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Pascal Nougarède président du tribunal de commerce de Nice "Trop peu d'entreprises utilisent les procédures amiables"

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Pascal Nougarède occupe depuis un an la présidence du tribunal de commerce de Nice, où il est élu depuis 2004. Sur sa juridiction, les défaillances n’ont pas augmenté, mais il souligne l’importance pour les chefs d’entreprise d’anticiper les difficultés et d'utiliser les instruments mis à leur disposition.

Pascal Nougarède est le président du tribunal de commerce de Nice depuis octobre 2020 — Photo : Olivia Oreggia

Comment se portent les entreprises niçoises ? Y a-t-il un effet Covid sur les défaillances ?

C'est tout à fait paradoxal encore à ce jour : le nombre d'ouvertures de procédures collectives est en chute de 38 % en 2020. Et par rapport à 2019, on est bien en deçà : 63 jugements d'ouvertures de redressement judiciaire en août 2021, contre 182 en août 2019. Nous pensions qu'une fois que les aides diminueraient, on aurait un "mur de faillites", mais il n'y en a pas et il n'y en aura pas, grâce au "quoiqu'il en coûte" de l'exécutif. Sans le fonds de solidarité et le chômage partiel, je pense qu'une majorité d'entreprises aurait défailli. Pour notre typologie d'entreprises, sur le territoire de Nice, cela a été salvateur. Les entreprises "malades" avant la crise arrivent aujourd'hui en liquidation mais un certain nombre d'entreprises, dans le tourisme notamment, ont réalisé une bonne saison. Et grâce à un prêt garanti par l’État et au fonds de solidarité, elles peuvent maintenant présenter un plan avec des comptes consolidés. Sur ma juridiction, septembre a été très bon. La visibilité n'est pas encore totale mais l'économie repart bien.

Le rôle du tribunal de commerce est-il bien identifié auprès des chefs d’entreprise ?

Le tribunal a une image un peu délétère. Les gens voient en la procédure collective une sanction, alors qu’elle est un outil de gestion que le chef d’entreprise doit utiliser à bon escient. Je le dis aux chefs d’entreprise : n’ayez pas peur de venir ! On pourra toujours vous conseiller, vous orienter et ce de manière confidentielle. Il y a des procédures collectives judiciaires (redressement, sauvegarde, liquidation) qui permettent de donner de l’oxygène à l’entreprise le temps qu’elle se restructure. Il y a aussi des procédures amiables qui, à mon avis, ne sont pas assez utilisées. Quand on a une difficulté avec l’Urssaf, avec le Trésor public, avec sa banque, et dès lors qu’on n’est pas en état de cessation des paiements, on peut ouvrir une procédure amiable. On fait une requête au président, qui nomme un conciliateur qui gère le problème pour le dirigeant, c’est une tierce personne présente pour trouver un terrain d’entente. C’est un peu une procédure allégée car on bloque les créanciers, on donne du délai sans ternir l’image de l’entreprise, car tout reste confidentiel. Trop peu d’entreprises connaissent ce dispositif.

Nous sommes là pour aider les entreprises. Nous avons par exemple une chambre de prévention avec un magistrat présent tous les vendredis matin pour recevoir les entrepreneurs, gratuitement et en toute confidentialité.

Quels sont les signaux qui doivent pousser le dirigeant à se tourner vers le tribunal de commerce ?

Nous avons des signaux faibles remontés par le greffe, comme le non-dépôt des comptes. On essaye aussi de centraliser avec l’Urssaf, la Direction générale des finances publiques et la Banque de France pour avoir une vision un peu plus fine de ces entreprises en difficulté et intervenir au plus tôt. Mais, pour l’entreprise, le signal numéro un c’est la trésorerie. Il y a évidemment des hauts et des bas mais l’expert-comptable, lui, a la capacité de dire quand il faut agir : quand on ne peut plus payer son Urssaf, quand on a des problèmes avec la TVA… Pour bien gérer une entreprise, le dirigeant doit avoir un tableau de bord. Le plus simple est le chiffre d’affaires, le suivi journalier et mensuel ; l’état des endettements, le passif… souvent l’entrepreneur a le nez dans le guidon et ne voit pas.

Il ne voit pas ou ne veut pas voir ?

La culture économique et juridique des chefs d’entreprise est souvent insuffisante. Notre tissu est fait principalement de TPE qui sont compétentes dans leur métier mais n’ont pas cette connaissance. Le législateur n’a pas jugé nécessaire d’obliger les chefs d’entreprise d’avoir un minimum de bagages économiques en termes de gestion d’entreprise. Ils doivent alors avoir à côté d’eux des conseils avisés dont le premier est l’expert-comptable, mais certaines sociétés n’en ont pas.

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