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Tournaire : « Notre plateforme va permettre à nos clients d'accélérer leur innovation »
Interview Grasse # Industrie # Innovation

Franck Bardini directeur des opérations de Tournaire Equipement Tournaire : « Notre plateforme va permettre à nos clients d'accélérer leur innovation »

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Depuis 1833, le groupe Tournaire (300 salariés, 70 M€ CA) est spécialisé dans les emballages et les équipements d'extraction pour le secteur des arômes et parfums. L’entreprise familiale installée à Grasse inaugure une plateforme d’innovation dédiée aux ingrédients naturels. Pour Franck Bardini, directeur des opérations de Tournaire Equipement, elle doit permettre aux grands groupes, PME ou nouveaux acteurs du marché de mener leur R & D mais aussi d'être accompagnés jusqu’à l’industrialisation.

Baptisée WiNatLab, la plateforme d’essais pilote du grassois Tournaire, dédiée au traitement du naturel, sera opérationnelle en septembre — Photo : Tournaire

Comment se porte Tournaire aujourd’hui ?

Franck Bardini : L’entreprise a bien géré la crise. Nous avons pu maintenir pleinement l’activité. Le mois de mars a été important car les gens ont eu peur et ont fait du stock. Nous aurons quelques retombées à partir de septembre, peut-être quelques baisses de certains de nos clients mais ce n’est même pas sûr. Nous n’allons rien changer à nos objectifs

La plateforme collaborative WiNatLab sera inaugurée le 17 septembre. Comment est né ce projet ?

Franck Bardini : En 2015, nous avons pris la décision de nous dédier à 100 % au marché du naturel alors que nous avions jusqu’alors beaucoup développé la chimie. Nous avons donc consacré toutes nos ressources pour que Tournaire, dont l’image de marque était déjà très bonne, devienne un acteur incontournable de ce secteur. Nous avons fait le bon choix puisque la demande est très forte.
En 2017, nous avons redéployé une offre de services, en doublant le bureau d’études qui compte 9 personnes aujourd’hui, nous nous sommes repositionnés sur la chaîne de valeur, en amont des projets. Nous nous détachions donc déjà à ce stade de notre positionnement de fabricant-concepteur pour permettre à nos clients d’avancer dans leurs projets et leur permettre ensuite de les accompagner jusqu’au bout. Nous avons ainsi augmenté notre activité de 1,5 million d’euros en moins de trois ans sur cette activité services. L’an dernier, nous avons donc conforté ce développement. Toutes les conditions étaient réunies pour convaincre le directoire et Luc Tournaire (président du directoire, NDLR) de poursuivre les investissements et notamment lancer le projet qui, mené en plusieurs étapes, a nécessité un million d’euros.

« Sur cette plateforme, nous regroupons toutes les technologies "industriables" »

À qui s’adresse cette plateforme ?

Franck Bardini : L’ambition que nous portons avec WiNatLab est d’être pour nos clients un outil d’accélération de leur innovation. Elle s’adresse à tous les acteurs, les industries, les clients qui sont déjà implantés dans le domaine du naturel, dans la transformation de matières premières. Sur cette plateforme, nous regroupons toutes les technologies « industriables ». Tout acteur qui veut tester une matière première pour évaluer le rendement ou évaluer un procédé peut être un client de cette plateforme dans le cadre de son développement. Les pôles de compétitivité ou des plateformes technologiques très pointues sont en général déconnectés d’une réalité industrielle. Nous avons la capacité à amener une transformation vers l’industrie.

Mais ces clients ne sont-ils pas déjà eux-mêmes équipés pour mener ce type de tests ?

Franck Bardini : C’est très variable. Les grands groupes ont des laboratoires au sein de leurs structures mais, pour pouvoir continuer à innover, ils ont souvent en parallèle de l’activité principale des microcellules moins bien équipées. Ils vont donc trouver un intérêt dans une plateforme comme la nôtre, capable en un même lieu de les accompagner sur le choix des technologies et les tests qu’ils pourront effectuer sur leurs produits. Les PME-PMI sont quant à elles souvent équipées de façon modeste. Et puis il y a énormément de nouveaux entrants dans le marché du naturel, beaucoup d’acteurs qui décident d’investir à partir de coproduits ou d’une idée pour se positionner car ce sont des marchés de niche à très forte valeur ajoutée. Nous avons par exemple un client européen spécialisé dans certains types d’épices. Pour produire ces épices, l’entreprise génère des déchets représentant des tonnages importants. Elle s’est rendu compte qu’elle pouvait en extraire une huile essentielle et se positionner ainsi sur le marché des huiles essentielles. Typiquement, la plateforme pourra l’accompagner pour mener les études de marché, savoir si elle peut entrer et à quel prix, pour contribuer à accélérer le processus d’innovation…

« Nous allons passer de cuisiniste à chef étoilé »

Cela pose la question, sensible, de la confidentialité

Franck Bardini : C’est un vrai sujet. Nous y travaillons avec un cabinet. Nous voulons vraiment sécuriser cette partie et amener toutes les garanties pour nos futurs clients quant à « l’étanchéité » de ce qui va se produire ou se faire sur leur projet. Notre positionnement nous aide car nous ne sommes dans aucune concurrence directe avec nos clients. Notre rôle n’est pas de produire mais de les accompagner dans leur innovation. Bien sûr, l’aboutissement est de développer l’activité Tournaire Equipement et de vendre plus d’équipements mais dans des conditions plus pertinentes que ce que nous faisons aujourd’hui.

Le lancement de cette plateforme a-t-il nécessité une réorganisation interne ?

Franck Bardini : Ce projet est un challenge quant à l’évolution de la culture de l’entreprise. Pour prendre une image symbolique, nous allons passer de cuisiniste à chef étoilé, de quelqu’un qui fabriquait des équipements pour ses clients sans trop savoir ce qui se passait dedans, à quelque chose pour lequel nous allons contribuer à amener la recette. Nous nous intégrons un peu plus dans cette chaîne de valeur.
Le deuxième volet avec WiNatLab, au-delà de sa raison d’être, est d’ouvrir notre école interne. L’entreprise était très verticale dans le transfert du savoir, cette plateforme va modifier cela aussi bien au bureau d’études, que parmi nos chefs de projets et nos équipes commerciales. Chacun aura un rôle à jouer. C’est en faisant et en étant confrontés à des situations pratiques que nous pouvons apprendre à monter en compétences.

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