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Tertium : « Il faut profiter de la crise pour ouvrir le capital de son entreprise »
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Pierre Grand-Dufay président du fonds d’investissement régional Tertium Tertium : « Il faut profiter de la crise pour ouvrir le capital de son entreprise »

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Pierre Grand-Dufay, président du fonds d’investissement régional Tertium, basé à Marseille, livre sa vision de la crise et explique pourquoi le recours à un fonds d’investissement peut être une solution pérenne pour les entreprises.

Pierre Grand-Dufay, président du fonds d'investissement régional Tertium — Photo : D.R.

Quel regard portez-vous sur la crise que nous traversons ?

Cette crise est inédite. Elle ne ressemble à aucune autre. Pour la première fois dans son histoire, l’humanité a privilégié la santé à l’économie et le monde entier s’est confiné. Trois cents milliards d’euros de Prêt garantie par l’État (PGE) ont été distribués, le recours au chômage partiel a été élargi, il y a eu des reports et des annulations d’échéance des charges sociales et fiscales… Tout ce dispositif a permis aux entreprises de passer le cap difficile du confinement. Malgré une baisse des chiffres d’affaires, les entreprises vont finalement plutôt bien. D’autant que la chute de la croissance a permis de déstocker sans avoir à réinvestir. Mais les courbes vont s’inverser. Si la croissance revient, si les gens consomment, les entreprises vont devoir réinvestir, refaire du stock. Et c’est à ce moment-là, autour de mars 2021, que les sociétés vont devoir rembourser les prêts. Alors bien sûr, pour rembourser, il va être possible de recourir à de la dette et les banques vont proposer des taux très bas. Près de 500 000 entreprises ont obtenu un PGE. Nous avons 2 000 milliards de dette à la rentrée 2020 pour les entreprises françaises et là, nous allons encore rajouter de la dette à la dette, et freiner l’investissement. C’est très grave. Les effets de ce surendettement vont éclater au grand jour et les défaillances vont finalement plutôt survenir en sortie plutôt qu’en cœur de crise.

Quelle solution alternative peut-elle être envisagée ?

La solution est simple. Il faut profiter de la crise pour ouvrir son entreprise. Elle consiste à remplacer de la dette par du capital. Ainsi, l’argent que récupère l’entreprise n’est pas dû, il n’y a rien à rembourser. Toutes les entreprises peuvent avoir accès à des fonds, quelle que soit leur taille. Même en région Sud, il existe des fonds pour tous les types d’entreprise et pour tous les stades de développement : capital amorçage, innovation, retournement… Les sociétés qui font appel à des fonds d’investissement sont bien plus performantes que les autres. Dans la situation actuelle, les entreprises ne devraient pas hésiter. Si un dirigeant cède 20 % de l’entreprise à un fonds, il peut immédiatement investir pour se relancer, sans avoir quoi que ce soit à rembourser. Fin 2019, ce sont 8 000 entreprises françaises qui comptent parmi leurs actionnaires un investisseur professionnel. Et ces entreprises ont des performances supérieures à la moyenne en termes de croissance, de rentabilité, d’employabilité et de RSE.

N’y a-t-il pas un obstacle psychologique à l’entrée d’un fonds dans le capital d’une entreprise ?

C’est exact. Tout le monde n’est pas prêt à ouvrir son capital. C’est culturel. Mais c’est une erreur. Il faut l’avoir vécu pour le comprendre. Chez Tertium, nous sommes un fonds d’entrepreneurs. Nous considérons l’entreprise avant la finance. Nous accompagnons véritablement les sociétés dans lesquelles nous avons investi. La présence d’un fonds permet de disposer de compétences supplémentaires sans créer de dettes nouvelles. Elle permet de progresser. On se retrouve face à quelqu’un qui challenge. Le frein est psychologique, il faut profiter de cette crise pour franchir le pas. En Région Sud, en 2019, 480 M€ ont été investis dans 131 entreprises. Toute entreprise sans problème structurel, qui va à peu près bien peut intéresser un fonds. Il n’y a pas un seul dossier qui ne soit pas étudié. Actuellement, il y a plutôt concurrence entre les dossiers. Nous avons plus de mal à trouver des entreprises que les entrepreneurs à trouver des fonds.

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