Aix-en-Provence
Richard Caillat (Arts Live Entertainment) : « Le théâtre doit se réinventer »
Interview Aix-en-Provence # Activités culturelles

Richard Caillat dirigeant d'Arts Live Entertainment Richard Caillat (Arts Live Entertainment) : « Le théâtre doit se réinventer »

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Richard Caillat, fondateur et président du conseil de surveillance de l’entreprise aixoise High Co, spécialisée dans le marketing pour la grande distribution et les grandes marques, a entamé, en 2010, une seconde carrière, en se positionnant dans le monde du théâtre et se lançant dans la production de spectacles.

— Photo : D.R.

Le Journal des Entreprises : Vous êtes l’un des fondateurs d’High Co. Comment passe-t-on d’une entreprise de communication à la création théâtrale ?

Richard Caillat : J’ai créé High Co (713 collaborateurs, 43,2 M€ de marge brute) en 1991, avec Frédéric Chevalier et Didier Chabassieu. Nous avions une analyse partagée sur le monde de la communication et les nouvelles technologies, qui en étaient à leur balbutiement. À l’époque, quand nous nous sommes lancés, les autres acteurs du monde de la communication nous regardaient bizarrement. Nous avons pris en quelque sorte le contre-pied de ce qui se faisait traditionnellement. Nous avons ainsi misé sur la grande distribution et nous avons petit à petit eu comme clients les grands noms du secteur, comme Auchan, Leclerc, Casino… Nous avons mis en place une communication plus ciblée, du couponing, des systèmes de fidélisation et High Co a été une success story. Nous avons été la deuxième PME à entrer en Bourse en 1996. De même, en termes de management, nous avons développé une culture d’entreprise moderne, hors cadre.

Au bout de 25 ans, Frédéric et moi, nous avions un peu fait le tour de la question et des envies. Frédéric a alors choisi de s’investir dans son projet, The Camp. De mon côté, j’ai planché, en 2008, sur un projet de reprise de l’OM avec Pape Diouf et des investisseurs du Golfe, qui n’a pas abouti. Puis, en 2009, alors que j’étais au théâtre à Paris, j’ai eu l’idée de me renseigner sur le montage et la production d’une pièce. J’ai ainsi été amené à coproduire La mère. J’ai assisté à la création des décors, aux répétitions et j’ai eu un coup de cœur.

Un jour, je suis rentré chez moi et j’ai dit à ma femme : "Je vais changer de vie". Et puis, La mère a été un succès et a même remporté un Molière. Ensuite, c’est Titoff qui m’a définitivement poussé dans l’aventure, en me demandant de produire son spectacle. "Cela fait vingt ans que tu vends des yaourts, tu devrais savoir vendre des billets de spectacle", m’a-t-il dit avec humour. Finalement, en 2010, j’ai créé la société Arts Live Entertainement. Et en 2012, j’ai été rejoint par Jacques Antoine Granjon (Vente Privée), Marc Simoncini (Meetic) et Xavier Niel (Free). Je suis toutefois resté président du conseil de surveillance de High Co, afin de veiller à ce que l’entreprise conserve son ADN.

Vous avez alors commencé à produire des pièces et des spectacles, mais cela ne vous a pas suffi...

R. C. : Un club de foot a besoin de stade. Je pense qu’un producteur de théâtre a besoin de salle. C’est ainsi que j’ai petit à petit racheté trois théâtres parisiens : le Théâtre de Paris (2013), La Michodière (2104) et le Théâtre des Bouffes parisiennes (2016). Au total, ces trois sites représentent près de 3 000 places et nous avons enregistré 500 000 spectateurs en 2018.

« Produire des pièces peut être rentable. C’est une économie saine qui peut permettre de gagner sa vie et de rémunérer des actionnaires. »

Mais, contrairement à beaucoup d’acteurs de ce milieu, je ne pense pas que le théâtre se limite au microcosme parisien. 30 % des spectateurs viennent de la Province. J’ai ainsi créé une autre structure, chargée de faire tourner les pièces que nous montons. Au total, nous touchons en moyenne 300 000 spectateurs en province, au travers de 300 dates par an. À Marseille, nous venons, par exemple, régulièrement jouer au Silo, à l’Odéon ou au Gymnase… Au total, j’emploie près de 250 personnes, dont 70 dans les théâtres. Ce sont de grosses machines et cela reste un challenge permanent de les remplir…

La culture peut-elle être une activité rentable ?

R. C. : Oui, produire des pièces peut être rentable. C’est une économie saine qui peut permettre de gagner sa vie et de rémunérer des actionnaires, même si, en 2018, nous avons toutefois encaissé le contrecoup des grèves dans les transports et, bien sûr, des manifestations des Gilets jaunes. Je produis en moyenne 18 spectacles par an. Malheureusement, le théâtre est en déclin. Les jeunes générations n’y vont pas. Les moins de 30 ans ne représentent que 10 % de la fréquentation. La majorité du public a plus de soixante ans.

Pour moi, qui sors d’une école de commerce, ce sont des chiffres inquiétants. Il faut réinventer le modèle, mettre en place de nouvelles voies de distribution. De nos jours, nous sommes en concurrence avec Netflix. Il n’y a pas assez de théâtre à la télévision. Je travaille avec des chaînes de télévision pour proposer nos spectacles et nous avons déjà fait des opérations avec C8, par exemple.

Le mode de consommation évolue. Avant, les réservations étaient faites bien en amont. Désormais, nous pouvons vendre une grande partie des billets dans les dernières 48 heures. Ce sont des pratiques qui nous mettent en danger. J’envisage d’avancer les horaires des représentations, de faire davantage de représentations en après-midi… Il faut aussi trouver de nouvelles formes de théâtre. Il n’y a pas que le théâtre avec un grand T. Les humoristes, les one man shows, ont aussi leur place.

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