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Reborn investit pour devenir leader du reconditionnement en Europe
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Reborn investit pour devenir leader du reconditionnement en Europe

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Le marché des produits reconditionnés, smartphones en tête, se porte de mieux en mieux. Basée à Carros près de Nice, la société Reborn en est un acteur majeur depuis 2017, discret mais ambitieux qui vise à tripler sa production en investissant 15 millions d’euros dans l’extension de son site et en recrutant 200 personnes.

Franck Lellouche (à gauche), fondateur du groupe DPA Europe, et son fils Roger-David Lellouche, PDG de Reborn — Photo : Olivia Oreggia

aBâtir rien moins que "le plus grand site de reconditionnement d’Europe", voilà le chantier que s’apprête à lancer Reborn. L’entreprise située dans la zone industrielle de Carros, près de Nice, reconditionne chaque année 585 000 produits dans ses ateliers. Elle remet ainsi en état des smartphones mais aussi des tablettes, des ordinateurs, des AirPods (écouteurs sans fil d’Apple) et des montres connectées. Porté par des arguments économiques et écologiques, le marché ne cesse de croître (lire par ailleurs). Reborn veut pouvoir suivre la tendance et devenir un leader européen. "Sur les trois prochaines années, notre objectif est de quasi tripler à un million et demi d’unités, tous produits confondus", précise Roger-David Lellouche, son PDG. Pour ce faire, ses 6 000 m2 actuels ne suffiront pas. Un nouveau bâtiment de 7 200 m2 va ainsi voir le jour en 2025 sur le terrain mitoyen récemment acquis, pour un investissement de 15 millions d’euros "entièrement autofinancé par notre groupe. Cela nécessitera énormément d’équipements car nous avons en permanence 2 000 à 3 000 téléphones connectés à Internet, ce qui est colossal en termes de débit, équivalent à celui d’un aéroport. La structure informatique est extrêmement lourde." Pour accompagner cette extension, 200 personnes seront recrutées qui viendront s’ajouter à la centaine qui compose l’effectif aujourd’hui.

Un reconditionnement made in France

Reborn est une entité du groupe DPA Europe basé à Monaco, créé en 1976 par Franck Lellouche. L’histoire du groupe s’est d’abord écrite dans l’équipement d’autoradios et plus largement dans l’importation de produits high-tech pour les professionnels de la grande distribution et les revendeurs. En 2003, le fils du fondateur rejoint l’aventure et diversifie le business, passant de l’automobile à la maison (lecteurs DVD, boîtiers TNT…). C’est sur ce terreau que Reborn naît en 2017 et tire la légitimité qui fera rapidement son succès. "Nous avions commencé à sentir la tendance vers l’économie circulaire et la volonté des consommateurs d’acheter plus de produits durables et responsables autour de grandes marques, explique Roger-David Lellouche. Il n’y avait alors que peu de référents sur le marché, aucun en tout cas qui ait une histoire comme la nôtre dans l’électronique grand public. Notre groupe rassurait puisque nous connaissions les process de distribution, d’organisation, nous avions une solidité financière."

Ainsi, Reborn a pu pénétrer le marché du reconditionnement via le réseau que s’était jusqu’alors constitué DPA Europe : grandes surfaces alimentaires (Leclerc, Carrefour, Cora), e-tailer (Cdiscount, Amazon), grandes surfaces spécialisées (Fnac Darty, Boulanger). Une fois le seuil du marché franchi, la marque a réussi à s’imposer et se différencier, notamment par le "reconditionné en France", quand d’autres font appel à des ateliers en Roumanie ou en Asie. Pour Reborn, c’est sur la Côte d’Azur que tout se passe.

Autre atout érigé en valeur cardinale : la qualité. Premium uniquement, à savoir le grade A dans le système de notation qui donne au consommateur une indication fiable sur l’état cosmétique du produit. Seules sont acceptées de légères rayures, tout juste perceptibles sur l’écran ou la coque d’un smartphone, ou une sérigraphie partiellement effacée sur le clavier d’un ordinateur portable.

Le résultat est là : Reborn enregistre chaque année une croissance à deux chiffres et devrait clôturer ses comptes en mars 2024 avec un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros.

Garantir les pièces et la confiance

Selon un décret de février 2022, un produit peut prétendre à la qualification "reconditionné" s’il a subi des tests pour vérifier qu’il répond aux obligations légales de sécurité et à l’usage auquel le consommateur peut légitimement s’attendre, et si, au besoin, il a été réparé pour être de nouveau pleinement en état de fonctionner. Dans les ateliers de Carros, pas moins de 54 points de contrôle sont réalisés, avec des points de vigilance particuliers sur la batterie, l’écran et le dock de charge. Tout est noté, consigné pour une traçabilité optimale. Car si le client final paye moins cher que pour du neuf (-15 % pour un smartphone récent, jusqu’à -70 % pour un produit ancien), il doit être sûr de la qualité et de l’origine des pièces. "Le reconditionné a démarré autour de ventes événementielles sur Internet, comme avec Vente Privée, puis d’acteurs comme Backmarket ou Cdiscount, mais l’expérience n’a pas toujours été très bonne pour les clients. Puis les opérateurs comme Orange ou Bouygues Telecom ont dû trouver des alternatives face à la baisse du neuf et pour s’inscrire dans une démarche écoresponsable. Le marché est désormais structuré. Tout est contrôlé, monitoré, analyse le dirigeant. La Fnac par exemple, qui est l’un des plus gros clients d’Apple en Europe, ne peut pas se permettre d’introduire un reconditionneur qui ne soit pas rigoureux."

Les téléphones et autres tablettes qui constituent la matière première de Reborn proviennent pour 60 % des États-Unis, 20 % d’Asie et 20 % d’Europe. L’entreprise ne reconditionne que les produits des marques Samsung et Apple. "Étant un groupe familial, nous avons une grande réactivité. Pour savoir si on doit ou non acheter un lot de produits venant des États-Unis, la décision est prise rapidement. C’est important pour les Américains pour qui Time is money". Et Franck Lellouche, le fondateur du groupe, de préciser : "Il s’écoule maximum 36 heures entre la prise de décision et le paiement".

Les pièces utilisées suivent un processus de "cannibalisation", passant "du smartphone donneur au smartphone transplanté" ou sont des "pièces compatibles" issues de fournisseurs du groupe DPA Europe, basés en Asie. "L’idée étant de faire appel aux mêmes sous-traitants qu’Apple." L’expérience client aussi doit être proche de celle des clients d’Apple. Ainsi l’emballage, s’il est en matières recyclables, n’en est pas moins premium, avec logo en relief doré et boîte qui s’ouvre à la façon d’un écrin.

Déjà présent au Portugal, en Espagne et en Suisse, Reborn vise un avenir plus important au-delà des frontières françaises, toujours en conservant sa production dans les Alpes-Maritimes.

L’avenir passera aussi par une diversification plus marquée encore des produits traités. Après les téléphones, écouteurs, ordinateurs ou tablettes pourraient suivre le reconditionnement des consoles de jeux ou d’autres produits comme les robots ménagers. "Il faudra que ce soit des marques fortes, pour lesquels le consommateur a une véritable appétence et qui gardent une valeur faciale élevée, comme une Playstation ou même un Cookeo (autocuiseur de Moulinex, NDLR), mais il faudra attendre que le marché soit structuré pour cela. Et il nous faudra avoir plus d’espace encore. Tout cela prend plus de place qu’un smartphone."

Alpes-Maritimes # Biens de consommation # Électronique # Distribution # Services # International # Investissement # RSE