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Pourquoi la licorne américaine Symphony a préféré Sophia Antipolis à la Silicon Valley
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Pourquoi la licorne américaine Symphony a préféré Sophia Antipolis à la Silicon Valley

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Valorisée plus d’un milliard de dollars, l’entreprise américaine Symphony a quitté, en partie, la Californie il y a quelques mois pour implanter son centre de R & D dans les Alpes-Maritimes, au sein de la technopole de Sophia Antipolis. La France est en effet devenue une des destinations les plus attractives au monde pour les activités de recherche et développement.

Au centre de la photo, Cédric O, secrétaire d'État en charge du Numérique, et David Gurlé, fondateur de Symphony, lors de l'inauguration du centre de R&D de l'entreprise californienne à Sophia Antipolis, près de Nice, le 5 juillet 2019 — Photo : Olivia Oreggia

Au premier étage d’un immeuble de bureaux de Sophia Antipolis, les locaux sont très discrets. Rien n’indique la présence d’une "licorne". C’est pourtant bien à l'ombre des pins de la première technopole d’Europe que Symphony a implanté son centre de R & D fin 2018. L’entreprise californienne a mis au point une messagerie cryptée ultra-sécurisée dont les banques se sont rapidement épris. Née en 2014, elle est déjà valorisée à plus d’un milliard de dollars.

« Nous avons fermé une équipe de recherche à Palo Alto en Californie, et l’avons transférée ici », explique David Gurlé, fondateur et président de Symphony. « Et nous en transférerons d'autres. En France, nous arrivons à recruter. Nous avons embauché 34 personnes. Notre objectif est d’atteindre 50 salariés d’ici à fin 2019 et une centaine au moins d’ici à fin 2020. Nous avons mis en place une “usine de recrutement “ »

Le 5 juillet, les bureaux de Symphony étaient exceptionnellement bondés : Cédric O, secrétaire d’État au Numérique est venu les inaugurer. Il connait David Gurlé depuis deux ans. Le patron avait pris contact avec Emmanuel Macron pour lui exprimer ses idées pour la France. Cédric O était alors conseiller auprès du président de la République.

Pourquoi la France ?

Après avoir passé sa jeunesse à Cannes, l’ingénieur franco-américain David Gurlé a fourbi ses premières armes au service de recherche de France Télécom, à Sophia Antipolis déjà. S’il reste très attaché à la France, ce n’est pas ce qui a motivé son choix d’y emménager le centre de R & D de Symphony. « Un ingénieur français coûte, sans compter le crédit impôt recherche, 120 000 euros par an contre 234 000 dollars pour un ingénieur américain », justifie David Gurlé. À cela convient d’ajouter les dommages collatéraux d’une compétition telle entre sociétés de la Silicon Valley que les salaires flambent autant que la loyauté des employés s’évapore. Une loyauté que le président de Symphony est aussi venu chercher dans les Alpes-Maritimes. « Par deux fois, mon équipe m’a quitté en Californie », regrette-t-il. « Un employé qui gagnait 170 000 dollars est venu me voir un jour en me disant que Netflix lui proposait un salaire de 400 000 dollars... »

« La Silicon Valley déborde », appuie Cédric O. « Les entreprises regardent donc de plus en plus vers l’Europe. Aujourd’hui, les fonds américains qui investissent dans des entreprises françaises ne leur demandent plus de transférer leur siège social aux États-Unis. C’est un message implicite : l’écosystème français est de qualité et suffisamment mature. »

La R & D tricolore au top

Selon le baromètre EY 2018, la France est la première destination en Europe pour la R & D, avec 144 projets, devant la Grande-Bretagne (74) et l’Allemagne (64). Un record. Elle se place par ailleurs au deuxième rang des projets d’investissements étrangers avec 1 027 projets (+1 %), derrière la Grande-Bretagne (1 054, -13 %) et devant l’Allemagne (973, -13 %).

« L'Hexagone sera premier, je n’ai aucun doute là-dessus », reprend David Gurlé. « De nouveaux investissements dans des secteurs clé comme l’intelligence artificielle ou la "deep tech" permettront aux entreprises françaises de s’imposer sur la scène internationale grâce à ce que la France a mis en place, comme Bpifrance, Business France ou la French Tech. Grâce au nouveau French Tech Visa, le recrutement de talents internationaux est de plus en plus simple et rapide. L’attractivité de la France n’est plus à démontrer. 

"Il y a 4 ou 5 ans, je ne pouvais pas avoir le même discours, se souvient David Gurlé. Ce qui s’est passé avec les Gilets jaunes par exemple, pourtant relayé dans la presse internationale, n’a pas du tout ébranlé l’intérêt des chefs d’entreprise étrangers pour la France. C’est un phénomène tout à fait nouveau. » Cédric O ne pouvait sans doute pas rêver meilleur ambassadeur du numérique tricolore.

80 000 emplois non pourvus dans le numérique

En 2018, Facebook, Google, Deepmind, Samsung, Fujitsu et Uber ont également choisi la France pour implanter des centres de recherche en intelligence artificielle. Symphony, elle, a cette particularité hautement symbolique qu’elle est loin de la capitale. « L’écosystème numérique français, ce n’est pas que Paris, c’est tout le territoire », souligne le secrétaire d’État chargé du Numérique. « Il y a des 3IA (instituts de recherche en intelligence artificielle, NDLR) à Nice Sophia Antipolis, à Toulouse, à Grenoble. Il y a des choses extraordinaires qui se font jusqu’à Vierzon ! Qui sait qu’il y a à Vierzon un leader mondial de la blockchain, Ledger ? Aux États-Unis, le secteur numérique représente aujourd’hui entre un tiers et la moitié des créations nettes d’emplois. Encore trop souvent dans l’écosystème français ou européen, on considère que le numérique est intéressant mais pas systémique. Or, il est devenu systémique et pas seulement pour créer des emplois d’ingénieurs et de chercheurs. »

Et de rappeler qu’il y a en France 80 000 emplois non pourvus dans le numérique et, là encore, ils ne concernent pas que des profils d’ingénieurs.

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