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Pierre Houé (CapFun) : « La taille de l’entreprise n’est pas du tout un objectif »
Interview Alpes-Maritimes # Tourisme

Pierre Houé (CapFun) : « La taille de l’entreprise n’est pas du tout un objectif »

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A la fois chef d’entreprise et de famille, Pierre Houé est à la tête de CapFun, spécialiste français du camping 4 étoiles (entre 800 et 3 000 salariés selon la saison, 245 M€ de CA en 2018) qui a suivi le programme d'accélérateur ETI de Bpifrance. L’objectif premier pour le dirigeant de l’entreprise basée à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) est de se développer suffisamment pour conserver son indépendance et assurer sereinement la transmission à ses trois enfants.

Pierre Houé, 64 ans, est à la tête de CapFun qu’il souhaite transmettre à ses 3 enfants: Marion, directrice commerciale, Rémy, directeur d'exploitation et et Nicolas, directeur du développement — Photo : Olivia Oreggia

Comment êtes-vous parvenus à constituer une entreprise qui pèse 245 millions d’euros de chiffre d’affaires ?

Pierre Houé : En 1978, j’ai créé la société ICS qui conçoit des progiciels pour les administrateurs de biens. En 1992, nous avons repris France Location qui gérait alors cinq résidences de loisirs, c'est-à-dire 200 appartements. En 2001, nous gérions 3 000 appartements. Nous avons alors acheté notre premier camping dans la Drôme. Aujourd’hui, nous en avons 115, dont cinq en Espagne et en Belgique. Fin 2016, France Location est devenu Capfun. Nous nous considérons comme des créateurs de vacances. Notre concept, décliné sur différents thèmes, est basé sur un très bon hébergement, une baignade de qualité, du jeu et des animations. Un site peut accueillir entre 1 000 et 5 000 vacanciers et employer jusqu’à 150 personnes.

Vous avez fait partie de la deuxième promotion de l’accélérateur ETI de Bpifrance. En quoi cela vous a-t-il été utile ?

Nicolas Houé (fils aîné de Pierre Houé et directeur du développement de CapFun) : Mon frère (Rémy, directeur d’exploitation de Capfun, NDLR) et moi avons pu y rencontrer des dirigeants d’entreprises de même taille, qui connaissent des problématiques similaires, tout en étant dans des secteurs très éloignés. C’est extrêmement enrichissant. Il y avait aussi bien des sociétés avec un profil très familial et patrimonial comme le nôtre   - la conserverie la Belle-Iloise, la Laiterie Rians, les cinémas MK2 - que des boîtes avec une belle croissance, un chiffre d’affaires entre 200 et 500 millions d'euros et entre 500 à 1 000 salariés. Cela m’a aidé dans la façon dont on peut gérer l’entreprise en famille, dès lors que l’on grandit avec l’entreprise et qu’elle grandit aussi avec nous. On en ressort avec beaucoup d’optimisme.

P. H. : Je suis dans une phase de transmission vis-à-vis de mes trois enfants. L’idée de l’accélérateur n’est pas d’accélérer parce qu’on va déjà très vite. L’idée est de leur donner de la formation. Ils ont réussi à entrer dans l’entreprise en bas de l’échelle et ont pu prendre peu à peu des postes importants, mais je ne leur ai pas fait un chemin pavé. Maintenant, ils doivent arriver à gérer conjointement l’entreprise pour que je sois tranquille à mon départ d’ici deux ou trois ans, qu’il n’y ait pas de problème de succession, qu’on n’ait pas à céder l’entreprise.

Devenir une ETI n’est donc pas précisément votre objectif ?

P. H. : La taille de l’entreprise n’est pas du tout un objectif. La finalité est que mes enfants soient bien dans l’entreprise, que l’entreprise vive bien, que nos salariés soient augmentés tous les ans, qu’on ne soit pas obligés de renâcler sur ceci ou cela. Nous ne sommes pas dans une politique de réduction des coûts mais dans une politique de croissance du chiffre d’affaires, qui deviendra du profit. Si l’un des sites est en difficulté, je peux rajouter de l’attractivité car je suis chez moi, je n’ai pas d’investisseur pour me dire : « Attention là vous allez trop dépenser, être trop endetté ! » Nos concurrents appartiennent à des fonds. Moi, je souhaite que nous demeurions indépendants.

Est-ce si difficile de conserver cette indépendance ?

P. H. : Oui, parce qu’il y a des sirènes. Nous sommes souvent démarchés. CapFun est une entreprise qui plaît aux investisseurs et au marché. Mais une entreprise familiale est gérée différemment. La vision est à long terme. Je connais presque tous mes collaborateurs par leur prénom. Si nous étions rachetés demain, il y aurait de la casse.

Quelles sont les prochaines étapes pour CapFun ?

P. H. : On s’européanise. Après l’Espagne et la Belgique, nous réfléchissons aux Pays-Bas. Mais il faut aller doucement. En 2019, notre croissance sera encore d’environ 20 %. Avec une telle progression, il faut plus de cadres, plus de recherche et développement, la méthodologie de travail doit évoluer, innover… Notre problématique aujourd’hui concerne le recrutement. Il y a beaucoup de postes que je n’arrive pas à pouvoir : dans la technologie et le développement, la comptabilité, le social… Trouver des techniciens experts en plomberie ou en électricité, n’est pas facile non plus. Et ce n’est pas une question de salaire !

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