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Philippe Notton (Sipearl) : "Impossible de faire du semi-conducteur sans être à Sophia Antipolis"
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Philippe Notton fondateur et président de Sipearl "Impossible de faire du semi-conducteur sans être à Sophia Antipolis"

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Sipearl conçoit le microprocesseur à forte puissance de calcul et basse consommation destiné aux supercalculateurs européens. Basée en région parisienne, également implantée à Sophia Antipolis, l’entreprise, dont Philippe Notton est le président-fondateur, porte en partie la souveraineté technologique de l’Europe.

Philippe Notton est le fondateur et président de Sipearl — Photo : Michael Ayach

Comment est née SiPearl ?

Il y a d’abord eu la volonté de la Commission européenne de développer une filière supercalcul et microprocesseur haute performance. De mon côté, lorsque je travaillais à STMicroelectronics à Grenoble, j’avais en tête de développer un gros microprocesseur, ce que je n’ai pas pu faire, c’est pour cela que j’en suis parti. Je me suis retrouvé au bon moment, au bon endroit pour répondre à un appel d’offres européen afin de créer ce microprocesseur. Le consortium European Processor Initiative (EPI), composé de clients potentiels comme le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) ou Genci (Grand équipement national de calcul intensif) a démarré en 2018. Manquait une entité industrielle pour réaliser le produit, prendre le risque industriel, faire le produit et le mettre sur le marché. Voilà la genèse de Sipearl qui a démarré techniquement en juin 2019.

Quelle est l’activité de l’entreprise ?

Il y a en Europe des fabricants de super calculateurs comme Atos. Mais cela ne concerne que la partie machine, pas le microprocesseur. La filière est essentiellement sous dominance américaine. Sipearl conçoit le microprocesseur qui va équiper le supercalculateur exascale européen. Un supercalculateur est une orchestration de microprocesseurs haute performance et basse consommation, entre 5 000 et 150 000, qui travaillent ensemble. C’est un bâtiment complet avec tout un système d’alimentation électrique de refroidissement. Sa puissance de calculs cumulée phénoménale. C’est pour cela par exemple que le vaccin contre le Covid a pu arriver très vite. Chez Airbus ou chez des constructeurs automobiles, les designs se font sur des supercalculateurs. Les crashs test ne sont plus faits physiquement mais en simulation. Les applications sont énormes.

Vous êtes basé à Maisons-Laffitte, et comptez des sites en Allemagne, à Barcelone et à Sophia Antipolis. Pourquoi autant d’implantations ?

Ces dernières années, malgré son impact stratégique, le semi-conducteur a été un peu délaissé. La tendance est davantage au software, l’Intelligence artificielle. Monter une société comme la nôtre, avec l’ambition de recruter un millier de salariés d’ici 2025, n’est pas pensable sur un seul site, on ne trouverait pas les ingénieurs. D’autant que ce monde post-Covid est très compliqué en matière de ressources humaines. C’est une guerre pour accéder aux compétences. On n’a pas de concurrence mais on a clairement une concurrence en termes de ressources, pour avoir les meilleures. Dans l’écosystème français et même européen, Sophia Antipolis fait partie des "place to be". Nous y sommes quatre pour l’heure, nous serons une dizaine d’ici la fin de l’année et le double l’an prochain. On aimerait d’ailleurs en avoir plus. S’implanter à Sophia Antipolis était prévu dès le départ, la question ne se posait même pas. On ne fait pas de semi-conducteur en France sans être à Sophia Antipolis. Et dans un esprit de recrutement international, car nous avons quelques cibles aux États-Unis, la French Riviera y est assez sexy. Ce sera peut-être plus facile pour un Américain de passer de la Californie à la Côte d’Azur.

Vous avez reçu 6,2 millions d’euros de subventions de l’Union Européenne pour amorcer votre développement. Quelles sont vos sources de financement ?

Je travaille depuis pas mal de temps sur une levée de fonds dont on ne parlera pas encore car ça reste sensible mais qui avance très bien. Nous sommes sur des produits très haut de gamme mais ce n’est pas facile pour autant. C’est de la deep tech, de l’industriel, ce sont des cycles lents. La tendance de l’investissement français est plutôt au software, au Saas, moins au semi-conducteur, ce qui est sidérant vu le marché. Il y a une frilosité globale mais ça ne nous empêche pas d’avancer.

Quel serait le montant de cette levée de fonds ?

Il y a un très bon exemple, celui de Graphcore en Angleterre qui a mis au point un nouveau type de microprocesseur. Au bout d’un cinquième tour de table, elle a levé plus de 700 millions de dollars. Ça vous donne une idée de ce qu’il faut.

Alpes-Maritimes # Industrie # Informatique # International # Ressources humaines