Philippe Korcia : « L’Urssaf n’est pas un adversaire des entreprises »
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Philippe Korcia président de l’Urssaf Paca Philippe Korcia : « L’Urssaf n’est pas un adversaire des entreprises »

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Philippe Korcia, fondateur et directeur général de la société aixoise Voyages Eurafrique, est depuis janvier 2018, le président de l’Urssaf Paca, après différents engagements au sein d’associations et de syndicats professionnels. Il rappelle que l’Urssaf doit être un partenaire des chefs d’entreprise et revient sur les nouveaux dispositifs mis en place au 1er janvier 2019.

Philippe Korcia, président de l'Urssaf : "Il n’y a qu’1% des entreprises redressées qui sont réellement en situation de fraude délibérée." — Photo : D.R.

Le Journal des Entreprises : Vous êtes depuis le début 2018 le président de l’Urssaf Paca. Qu’est-ce qui vous a conduit à présider, pour trois ans, les destinées de cet organisme paritaire ?

Philippe Korcia : Je crois que l’on peut me qualifier de militant engagé. Depuis 1999, je me suis régulièrement impliqué dans différents organismes ou syndicats professionnels. J’ai commencé par entrer au syndicat national des agents de voyage (Snav), dont j’ai été vice-président régional, ensuite j’ai adhéré à l’UPE13. C’est ainsi que je me suis impliqué comme juge au sein de la première chambre des procédures du Tribunal de commerce de Marseille, de 2008 à 2013. En 2013, j’ai pris la présidence de l’UPE 13 pour le territoire d’Aix, en pleine période de combat pour imposer la métropole pour laquelle les chefs d’entreprise militaient activement. Enfin, en 2017, mon action tout au long de ces années et ces différents mandats m’ont permis d’être retenu pour la présidence d’un organisme paritaire, l’Urssaf.

Ces engagements ne sont-ils pas chronophages ?

P. K. : Pour le tribunal de commerce, j’intervenais une journée par semaine. Pour l’Urssaf, on m’avait annoncé un volume d’heures équivalent. Mais il s’agit d’un mandat régional. Il y a de nombreux déplacements et cela me prend plus facilement deux jours. Toutefois, 80 % du temps, je demeure dans mon entreprise et je travaille plus. Notamment les week-ends, même si cela a quelques répercussions sur ma vie de famille…

Tout cela est bénévole, ne rapporte rien, mais l’engagement fait grandir. Les nouvelles générations semblent moins impliquées. Pourtant, il faut savoir s’investir pour ses pairs. L’individualisme n’apporte rien. J’ai envie de rendre au monde de l’entreprise tout ce que m’a donné l’entreprise.

Très souvent les chefs d’entreprise se plaignent de l’Urssaf. Comment intègre-t-on un tel organisme ?

P. K. : Au sein de mon entreprise Voyages Eurafrique, bien évidemment, nous avons eu des contrôles, et même certains que l’on peut qualifier de durs. Souvent, les interventions de l’Urssaf sont ressenties difficilement par les PME et les TPE, mais cet organisme doit être perçu non comme un adversaire, mais comme un partenaire des entreprises. Nous sommes un acteur majeur de l’économie. Nous avons, certes, la mission de recouvrer l’impôt, mais il faut avoir du bon sens. Une entreprise peut en effet avoir des hauts et des bas. Il faut surtout qu’elle pense à venir parler de ses difficultés en amont. Qu’elle nous explique ce qui ne va pas. Des start-up, ou des entreprises plus importantes, peuvent avoir besoin de trésorerie pour un temps, à cause d’un impayé, à cause d’un plan de licenciement.

« L’Urssaf, à qui l’on reproche trop souvent sa lenteur, doit entrer dans le temps de l’entreprise. Il faut aller vite. »

Nous pouvons les aider, à condition qu’elles en fassent la démarche. Nous avons ainsi mis en place plusieurs procédures. Il est désormais possible d’accorder jusqu’à 36 mois de délais de paiement. Un numéro de téléphone spécifique va être mis en place, avec des exigences de résultat : obtenir un rendez-vous dans les 48 heures, obtenir une réponse dans les 24 heures. L’Urssaf, à qui l’on reproche trop souvent sa lenteur, doit entrer dans le temps de l’entreprise. Il faut aller vite. Nous avons établi des passerelles avec l’UPE, avec la CPME, afin que le message passe aux entreprises. Il n’y a qu’une chose que nous refusons : aider les entreprises qui pratiquent le travail illégal ou dissimulé.

Nous avons également décidé un allègement des contrôles, qui va être mis en place à partir de 2019. Ainsi, pour les entreprises de 10 à 15 salariés, que nous devions jusqu’à présent contrôler sur place, la procédure ne se fera plus que sur pièces et, au lieu de remonter sur trois années, nous n’étudierons plus qu’un seul exercice. En cas d’anomalie, bien sûr, nous remonterons sur les trois années et nous reprendrons une procédure plus classique.

A partir du 1er janvier 2019, un médiateur va être mis en place par l’Urssaf. Quel sera son rôle ?

P. K. : Le médiateur sera nommé par le directeur de l’Urssaf et aura notamment pour mission de développer une offre de services pour les entreprises en difficulté, de résoudre les litiges avant leurs judiciarisations et de participer à l’adaptation de la réglementation à la réalité économique. Il ne doit être ni juge, ni arbitre, mais désamorcer les conflits et trouver des solutions. Il fera des préconisations au directeur de l’Urssaf, qui décidera de les suivre ou non. Il y aura un numéro de téléphone dédié et le médiateur sera bien sûr soumis au secret professionnel. Dans tous les cas, la démarche doit venir du cotisant.

Quelle est la réalité des contrôles ?

P. K. : Sur environ 15 000 contrôles réalisés par an en Provence-Alpes-Côte d'Azur, nous encaissons, au final, 120 millions d'euros de redressement. Il n’y a qu’1 % des entreprises redressées qui sont réellement en situation de fraude délibérée. Au total, moins de 10 % des dossiers aboutissent à un redressement. A Marseille, par exemple, sur 5 000 contrôles, il n’y a que 400 dossiers litigieux. En revanche, au 31 décembre 2018, nous avions un encours de près de 240 millions d'euros sur les entreprises du territoire. 21 000 délais de paiement ont été accordés. C’est surtout cela qu’il faut retenir.

« La "peur du gendarme" est importante. Il faut éduquer aux bonnes pratiques. »

Le contrôle demeure obligatoire, car les déclarations sont justement déclaratives. La « peur du gendarme » est importante. Nous avons ainsi doublé les inspecteurs qui contrôlent le travail dissimulé, les faux détachements, les heures supplémentaires payées et non-déclarées, comme dans la restauration notamment… Tout cela correspond à de la distorsion de concurrence. Il faut éduquer aux bonnes pratiques. C’est un cercle vertueux.

Que représentent les encaissements de l’Urssaf ?

P. K. : En Région Sud, l’Urssaf gère 600 000 comptes (entreprises, travailleurs indépendants, administration…) et recouvre près de 27 milliards d’euros, dont 14 milliards dans les Bouches-du-Rhône. Nous sommes ainsi le premier recouvreur d’impôt régional. L’impôt sur les particuliers ne représente en région que 20 milliards d’euros.

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