Toulon
Naval Group Toulon : « Nous intégrons le Covid-19 comme un nouveau risque »
Interview Toulon # Naval # Investissement

Laurent Moser directeur de Naval Group Toulon et président du Pôle Mer Méditérranée Naval Group Toulon : « Nous intégrons le Covid-19 comme un nouveau risque »

S'abonner

Arrivé à la tête du site Naval Group de Toulon en janvier 2020, Laurent Moser, devenu par ailleurs président du Pôle Mer Méditerranée au mois de février, revient sur la gestion de la crise sanitaire sur un site qui emploie 2 200 salariés et sur les prochaines échéances.

Laurent Moser, directeur du site Naval Group Toulon. — Photo : Naval Group

Arrivé de Lorient, vous avez pris la direction du site Naval Group de Toulon quelques semaines avant le premier confinement. Comment s’est déroulée cette période si particulière ?

Laurent Moser : Une fois passée la date du 17 mars (entrée en vigueur du confinement, NDLR), nous nous sommes mis en ordre de bataille pour trouver les meilleures solutions nous permettant de poursuivre notre activité industrielle, tout en assurant la santé et la sécurité de nos collaborateurs. Cette continuité nous a permis d’apporter un soutien continu à la marine dans ses missions essentielles.

Le site Naval Group de Toulon assure le maintien en condition opérationnelle de 70 % des bâtiments de surface de la flotte française et de l’ensemble des sous-marins nucléaires d’attaque. Nos équipes apportent aussi un soutien à nos activités à l’international, notamment en Égypte, en Arabie saoudite et au Maroc. L’établissement de Toulon emploie 2 200 personnes (des ouvriers, des techniciens et cadres), ce qui en fait le troisième site du groupe en termes d’effectif.

Depuis le 12 mai, avez-vous retrouvé un niveau d’activité d’avant confinement ?

Dès mi-avril, l'activité du site toulonnais avait repris à 100 %. Nous n’avons rien lâché pour rattraper les quelques retards accumulés pendant le confinement et nous déployons toutes nos forces pour être au rendez-vous sur tous les arrêts techniques. Suite aux annonces du 28 octobre, nous nous sommes à nouveau mis en ordre de marche face à la crise et nous avons autant que possible privilégié le télétravail, tout en maintenant l’ensemble de nos activités industrielles sur le site.

La continuité de nos activités se fait en application d’un protocole sanitaire très strict, que nous avions déjà adapté, lors de la première vague, pour que nos collaborateurs puissent continuer à intervenir dans les sous-marins nucléaires d’attaque, où l’espace est très confiné. Nous avons intégré le Covid-19 comme étant un nouveau risque et chaque opération a été étudiée en détail : des centaines, voire des milliers d’évaluations du risque ont ainsi été réalisées en concertation avec les partenaires sociaux. Le port du masque, l'aménagement et le nettoyage des espaces de travail, l'organisation en équipes distinctes nous ont permis une remontée en puissance progressive dès le mois d’avril. Nous allons aujourd’hui continuer en nous appuyant sur ces outils développés au printemps.

Quel est le coût de ces mesures pour un site qui emploie 2 200 personnes ?

Ces mesures ont clairement un coût, mais il est nécessaire et notre priorité est d’assurer les mesures requises pour la santé et la sécurité de nos collaborateurs. Aujourd’hui, la situation sanitaire sur notre site industriel est exemplaire. Les équipes jouent le jeu et nous avons la chance d’avoir un service de santé, comprenant deux médecins, qui nous a beaucoup aidés à construire les protocoles, à les mettre en œuvre et à porter un message pédagogique. Leur présence a aussi rassuré nos collaborateurs.

C’est grâce à ces mesures que nous avons pu relever un défi important : l’accueil en juillet du premier SNA Barracuda (Le Suffren, un géant de 99 mètres de long pour 5 200 tonnes d’acier, NDLR), premier d’une série de six sous-marins nucléaires d’attaque. Cette arrivée dans son port d’attache a nécessité la réalisation de travaux d’infrastructures importants.

Depuis le déconfinement, nos équipes ont aussi terminé un arrêt technique du porte-avions Charles de Gaulle et elles opèrent en ce moment l’entretien de la Frégate Provence, de chasseurs de mines et de bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains.

Des interventions classiques en parallèle d’un important programme : celui de rénovation et mise à niveau de trois Frégate de type La Fayette, qui passe par une modernisation en profondeur des navires. Le prochain chantier d’envergure pour Naval Group Toulon sera l’arrêt technique majeur N°3 du porte-avions Charles de Gaulle.

Des investissements sont-ils prévus sur le site de Toulon ?

Au cours des dernières années, le groupe a investi en moyenne 15 à 17 millions d’euros par an à Toulon.

Ces investissements portent sur la modernisation de notre outil industriel, de nos ateliers et de nos équipements. L’innovation est un autre axe fort d’investissement et nous avons ainsi créé le centre opérationnel de soutien intégré numérique (le COSIN, NDLR), un laboratoire des technologies nouvelles de la maintenance, adossé à un data center de 300 m². Nous y enregistrons toutes les données de conception, de construction et de vie des navires pour faire de la maintenance prédictive, digitaliser les process industriels, prévenir les risques cyber.

Quel est l'impact de la crise économique sur Naval Group ?

Le carnet de commandes de Naval Group nous offre une certaine visibilité. Il n’en demeure pas moins qu’il y aura sans doute des impacts économiques liés à cette crise. Alors que l’export reste un axe fort de notre développement, nos projets à l’international sont bien sûr rendus plus compliqués. Dans les années à venir, le chiffre d’affaires (3,7 milliards d’euros en 2019, NDLR) pourra enregistrer une contraction, mais notre entreprise est solide et nous n’intervenons pas sur un secteur durement impacté comme l’aéronautique.

Vous présidez par ailleurs le Pôle Mer Méditerranée, quel regard portez-vous sur ce pôle de compétitivité ?

En prenant la présidence du Pôle Mer Méditerranée, j’ai découvert un monde de la recherche, un monde de PME, de laboratoires et de gens passionnés dans des domaines très variés, de la protection du littoral à la production de posidonie. Et, je me suis vite pris au jeu.

Le pôle jouit d’une situation exceptionnellement bonne. En quinze ans, il a connu un développement phénoménal et il est apprécié de ses 426 membres. Il rend le service attendu par les entreprises, à savoir une aide pour développer des projets d’innovation collaboratifs.

Pour cela, le Pôle mer Méditerranée bénéficie d’un soutien important des Régions Sud et Occitanie, mais comme toutes les autres structures de ce type, nous allons forcément souffrir demain d’une baisse des financements publics. Nous allons donc devoir renforcer nos financements privés, qui représentent déjà 50 % de notre budget. C’est l’un des grands enjeux du pôle.

Le Pôle mer devra aussi se développer demain à un niveau européen.Il a une carte à jouer dans le cadre du plan de relance, auquel les deux pôles mer (Méditerranée et Bretagne) ont contribué : les premiers appels à projets commencent à être publiés et les équipes sont dans les starting-blocks pour accompagner nos membres.

Toulon # Naval # Investissement # Réseaux d'accompagnement