Medef Sud : « C’est par le travail que nous arriverons à construire l’avenir de tous »
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Yvon Grosso président du Medef Sud Medef Sud : « C’est par le travail que nous arriverons à construire l’avenir de tous »

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Yvon Grosso livre un premier bilan de la situation économique post-covid. Si la Région Paca figure parmi les régions les plus touchées, en raison notamment d’un secteur touristique touché de plein fouet, le président du Medef Sud veut rester optimiste et appelle de ses vœux une prise de conscience globale sur des sujets fondamentaux, tels que la souveraineté économique ou les dépenses publiques.

Yvon Grosso, président du Medef Sud. — Photo : Medef Sud

Quelles actions le Medef Sud a-t-il menées pour accompagner les entreprises à se relever de la crise sanitaire ?

Yvon Grosso : Le Medef Sud a cherché à être complémentaire des Medef territoriaux. Alors qu’une demande importante d’éclaircissements quant aux nombreux dispositifs d’aides s’est fait ressentir, nous avons organisé une vingtaine de webinaires sur les différentes mesures de soutien aux entreprises, sur la santé des dirigeants et des salariés, sur les mesures préconisées par le Medef pour la sortie de crise. Différentes personnalités politiques sont également venues s’exprimer sur les politiques publiques. Ces actions ont été plébiscitées par nos adhérents et deux nouveaux webinaires, l’un sur l’assurance-crédit et l’autre sur les tribunaux de commerce seront organisés très prochainement.

Dans quelles proportions les différents dispositifs « covid-19 » ont-ils été sollicités en Région Sud ?

Yvon Grosso : Au titre du prêt garanti par l’État, la Région Paca est la troisième région bénéficiaire, alors qu’elle occupe le 6e rang régional en termes de poids économique. À la date du 19 juin, plus de 57 700 entreprises avaient demandé un PGE pour un montant global de 8,62 milliards d’euros. Près de la moitié des fonds traités ont été fléchés vers des entreprises des Bouches-du-Rhône et 9 entreprises sur 10 ayant bénéficié du PGE sont des TPE.

Près de 385 000 aides pour un montant global de 517 millions d’euros ont été accordées au titre du fonds de solidarité.

60 % des entreprises régionales ont demandé un report de cotisations Urssaf (contre 58 % en France). Et la Région Paca est la troisième région en nombre de demandes d’activité partielle, alors qu’elle figure au 7e rang en nombre de salariés. Plus de 946 000 salariés (plus de 13 millions en France) auraient été concernés par des mesures de chômage partiel, mais ce chiffre est à prendre avec des pincettes et est sans doute surévalué. Nous estimons que la moitié seulement aurait été mise réellement en activité partielle, ce qui serait un peu moins grave pour les finances publiques.

Finalement, la Région Paca est plus durement touchée que les autres…

Yvon Grosso : En effet, la Région sera plus impactée que les autres en raison du poids important du tourisme, mais aussi du BTP et des services. Quand la France affiche 12 % d’impact sur son PIB, nous devrions, en Paca, enregistrer un impact proche de 15 %.

« Le PIB pourrait se replier de 15 % cette année en région. »

Malgré les aides, l’activité ne repart pas à 100 %, parce que le coût sanitaire est encore présent (15 à 20 %), parce que notre tissu est composé à 92 % de TPE, parce qu’enfin, l’événementiel, à l’arrêt depuis le début de la crise et encore cet été représente un manque à gagner important.

Justement, parmi les prochains travaux du Medef Sud figure la relance de l’Udet, Union des entreprises du tourisme, quel est l’enjeu de cette renaissance ?

Yvon Grosso : Le tourisme est un fleuron de l’activité régionale, nous ne pouvions rester sans rien faire. Nous avons donc en effet souhaité relancer l’Udet (Union des entreprises du Tourisme), qui regroupe les acteurs privés et publics du tourisme et qui fut créée en 2015 à l’occasion des élections régionales pour mettre un coup de projecteur sur cette activité, qui représente 15 % du PIB de Paca. Nous allons réaliser des nouvelles publications, des enquêtes de conjoncture et compiler 22 propositions - des mesures économiques et financières, fiscales, sociales, sanitaires, des mesures en termes de marketing territorial et de communication – pour accompagner au mieux les entreprises touristiques et compléter les mesures déjà prises aux niveaux national et régional.

Comment redémarre l’activité ?

Yvon Grosso : L’activité redémarre à 80 % au niveau national. Nous ne sommes pas encore à 100 %, même si l’ensemble des appareils productifs ont quasiment tous rouvert. Cette reprise a pris 29 points par rapport à début avril et 1 point depuis le 12 juin. L’évolution la plus marquante concerne le BTP : 93 % des chantiers (dont 100 % des chantiers publics), 96 % des magasins et grossistes en approvisionnement ont rouvert dans le Sud. Les perspectives restent néanmoins un peu incertaines et 80 % des entreprises n’envisagent pas de retour à la normale avant 2021. Les derniers « kilomètres » qui mèneront aux 100 % seront longs.

« 80 % des entreprises n’envisagent pas de retour à la normale avant 2021. »

Dans ce contexte, je pense que l’annonce d’un plan de relance par le gouvernement au mois de septembre interviendra un peu tard. Ce plan, il nous le faudrait maintenant. J’espère que les bonnes décisions seront prises, que l’Union européenne sera pleinement associée et que nous retrouverons une certaine souveraineté européenne en matière de production industrielle.

Êtes-vous confiant en l’avenir ?

Yvon Grosso : Les entreprises fragiles avant crise, ne résisteront sans doute pas, un tri naturel se fera et il faut s’attendre à des faillites d’entreprises. Le gouvernement va devoir faire des choix. Il a ouvert les vannes pour éviter les problèmes de trésorerie, mais il faut maintenant tout mettre en œuvre pour échapper au pire… Même si le pire n’est jamais certain.

Il faut faire attention aux « mots » anxiogènes, aux scénarios catastrophes de certains. Nous devons regarder le verre à moitié plein, continuer à nous battre pour nous en sortir. Les signaux sont encourageants, la reprise est progressive, certes lente, mais chacun doit faire son bout de chemin.

Je veux être réaliste, mais face à la réalité, il faut aussi donner de l’espoir aux entrepreneurs et aux jeunes, qui seront 700 000 à la rentrée à entrer sur le marché du travail. C’est un devoir citoyen que d’embaucher ces jeunes, qui ne coûteront pas grand-chose à l’entreprise. C’est par le travail que nous arriverons à construire l’avenir de tous, à construire les compétences dont nous aurons besoin demain, quand l’économie repartira.

« C’est un devoir citoyen que d’embaucher ces jeunes. »

Je suis prêt à me battre et il est primordial de se nourrir, au maximum, de signaux encourageants.

Quelles leçons le Medef Sud tire-t-il de cette crise ?

Yvon Grosso : Cette crise a révélé notre manque de souveraineté dans les secteurs de la santé, de l’alimentation, de l’industrie en général. Elle a révélé une externalisation excessive des marchés. Parce que nous avons privilégié le prix, 90 % des produits distribués aujourd’hui sont fabriqués hors de France. Nous avons placé en Chine la production mondiale. Il ne faut peut-être pas tout déléguer aux pays étrangers, qui ne produisent pas avec les mêmes règles du jeu et ramener les productions essentielles en France, voire en Europe. Nous devons raisonner « Europe » parce que la France ne pourra pas survivre sans Europe.

Cette crise doit aussi ouvrir le débat des dépenses publiques, et de notre bureaucratie, qui est typiquement française. Il faut décentraliser, donner plus de pouvoir de proximité tout en conservant un État fort, capable de sécuriser notre économie lors de crises comme celle que nous vivons.

Toute la philosophie de la France autour de l’entreprise est à revoir. Autour du travail aussi : notre pays est le seul à imposer autant le travail. Dans notre pays, plus vous embauchez, plus vous êtes taxé… cela donne à réfléchir. La crise a permis de porter à la connaissance de tous que sans entreprise, il n’y a pas d’économie !

Le second tour des municipales s’est tenu le week-end dernier. Quel regard portez-vous sur les résultats en Région ?

Yvon Grosso : Chaque territoire, chaque commune a son contexte politique propre. En tant que citoyen, ce qui me navre, c’est le taux de participation qui ne cesse de baisser d’élections en élections. Nous n’avons jamais eu autant d’abstention. Alors il est vrai que ce second tour, comme le premier tour d’ailleurs, s’est tenu dans un contexte sanitaire particulier, mais, la chute de la participation est réelle depuis 15, 20 ans. Comment voulez-vous alors que la démocratie s’exerce ? Il serait temps de se demander pourquoi les Français ne vont pas voter.

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